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procure à ce pays un bénéfice de onze millions; mais elle établit que, si l'on faisait cesser le commerce, les producteurs (soit artisans, soit économes), faute de débit, ne procureraient plus ces soixante-huit millions, et qu'en conséquence la Russie est redevable à son commerce, non pas d'un gain de onze millions seulement, résultat immédiat de la balance du commerce, mais d'un produit médiat de soixante-huit millions de roubles, et même d'un véritable capital national, d'une propriété foncière, de mille trois cent soixante millions de roubles, productive de ce revenu, de cette valeur annuelle de soixantehuit millions de roubles.

A l'égard des ouvriers et des fabricants, on accuse le système de Quesnay de n'en faire aucun cas; et il les appelle, en effet, improductifs ou stériles, parce qu'il nie que la forme nouvelle donnée par le travail aux productions de la nature, accroisse d'une manière immédiate et directe le revenu national. Mais ce système établit que, sans le menuisier, le bois qu'il façonne pourrirait dans les forêts, faute d'emploi; et que, sans le brasseur, les champs destinés à produire l'orge qu'il prépare, resteraient sans culture. Ce système reconnaît donc l'utilité des hommes que Smith appelle productifs; mais il fait consister

leur utilité, en ce que ces hommes provoquent la reproduction, en ce qu'ils rendent les productions naturelles propres à divers usages, en ce qu'ils leur donnent ainsi une valeur et les font profiter et fructifier pour le propriétaire foncier. Bien plus: ce système fait aux artisans et même aux simples consommateurs un mérite de leurs consommations; par le motif, que ces consommations contribuent, quoique d'une manière indirecte et médiate, à augmenter le revenu national, puisque, sans ces consommations, les objets consommés n'auraient pas été produits par le sol et n'auraient pu être ajoutés au revenu du propriétaire foncier.

Adam Smith veut encore qu'on leur attribue le mérite de contribuer, par leurs épargnes, à l'augmentation de la richesse nationale. Mais nous avons déja fait voir, que les épargnes ne doivent pas entrer en ligne de compte dans le calcul et l'évaluation du revenu; que toute épargne augmente, à la vérité, la richesse individuelle, mais qu'elle ne peut accroître la richesse nationale. D'ailleurs, il serait difficile de concevoir comment des épargnes mobilières pourraient être pour la nation une richesse ou même une propriété. Tout bien meuble, toute obligation, toute reconnaissance d'une dette, ne peuvent-ils

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pas à chaque instant être emportés par le créancier hors du pays? Leur attribution de propriété nationale serait, pour le moins, fort précaire; et il ne serait pas sage d'y faire fond pour les cas de pressante nécessité.

VI. DISTINCTION ENTRE L'AVOIR ET LA RICHESSE D'UNE NATION. Cette distinction entre l'avoir et la richesse d'une nation me paraît essentielle. L'avoir d'une nation est la masse de tout ce qu'elle possède; il comprend les capitaux oisifs ou morts, aussi bien que les capitaux vifs ou actifs. La richesse d'une nation doit être considérée comme une source de revenu; elle n'admet donc que les capitaux qui rapportent intérêts. Les recherches de l'économie politique ne peuvent pas porter sur tous les éléments de la propriété, du bien, de l'avoir, d'une nation : cet avoir se composant de l'ensemble de toutes les choses que, dans l'étendue du territoire, possèdent les membres de l'État, ce serait occuper l'économie d'objets matériels, palpables, et qui, pour être connus, n'ont réellement pas besoin de calcul. Entre tous ces objets divers qui composent la propriété ou l'avoir d'une nation, l'économie politique doit s'appliquer à reconnaître ceux qui sont, pour cette nation, une source de revenu, une richesse véritable; elle doit s'at

tacher à distinguer les choses qui peuvent être considérées comme un capital rapportant intérêt, et celles qui ne sont réellement qu'un capital mort. Or, nous le répétons, les fonds de terre, seuls, constituant, par rapport à la nation, un capital vif, les épargnes des individus ne deviennent un accroissement véritable de richesse nationale, qu'autant qu'on les applique à rendre le sol susceptible d'une culture profitable.

VII. ESSAI D'Un calcul de STATISTIQUE. L'essai qui va suivre du calcul et de la statistique du revenu, de l'avoir et de la richesse d'un peuple, fera mieux connaître quel est le rapport du capital vif avec le capital mort de ce peuple. Afin de répartir, sur chaque tête, d'après

terme moyen, la consommation annuelle de ce peuple, prenons, pour ce terme moyen, le revenu de la famille d'un journalier qui n'exécute que des travaux purement mécaniques; supposons cette famille composée de quatre personnes, du mari, de la femme et de deux enfants. En mettant, au nombre des individus pauvres, tous ceux qui n'ont pas un revenu égal à celui des membres de cette famille, et, au nombre des riches, ceux dont le revenu est supérieur, ce n'est pas porter le moyen terme trop haut. Ainsi et en raisonnant dans cette hypothèse, la con

sommation de chaque tête sera égale au quart du revenu de la famille du journalier que nous prenons pour exemple.

Admettons que le pain consommé, annuellement, par chaque individu, soit du dixième de sa consommation générale, c'est-à-dire que ce qu'il dépense en autres comestibles, boissons, vêtements, chaussures, chauffage, éclairage, habitation, impôts, etc., soit neuf fois plus considérable que ce qu'il consomme en pain.

Compensation faite des consommations des enfants et de celles des adultes, évaluons à 252 livres de pain, ou à 3 boisseaux de Berlin, la quantité de blé ou de seigle dont un homme peut avoir besoin; fixons le prix moyen du seigle à 1 écu et 16 gros de Prusse. Alors, la somme moyenne de ce que consomme annuellement cet homme sera de 50 écus.

D'après ces bases, la consommation générale d'un pays dont la population serait d'un million d'habitants serait de 50 millions d'écus qui supposeraient, pour les propriétaires fonciers, un produit brut de soixante et onze 3/7 millions, et un produit net de vingt-huit 47 millions.

Considérant, enfin, ce revenu comme l'intérêt d'un capital placé à cinq pour cent, les biensfonds auront pour les propriétaires individuel

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