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ville. Des vues mercantiles déterminèrent Frédéric II à gêner ce commerce, en contraignant les négociants qui expédiaient les marchandises à les vendre aux négociants de Breslau, et les négociants auxquels ces mêmes marchandises étaient adressées, à les racheter de ceux-ci. Il espérait convertir, ainsi, le commerce d'expédition, dans lequel on ne gagnait guère qu'un pour cent, en un commerce direct ou en propre, dans lequel on aurait pu gagner de 15 à 20 p. 0/0. Mais il ne fit pas attention que le commerce d'expédition était pour le moins tout aussi avantageux que le nouveau commerce en propre qu'il s'agissait de créer. Car le commerce d'expédition ne demandait pas les capitaux qu'exigeait le commerce en propre. On faisait donc valoir ces capitaux d'une autre manière, les négociants ne laissant pas oisifs les fonds qu'ils possèdent ou qu'ils peuvent obtenir par leur crédit. Ils retiraient donc, par d'autres voies, le gain que l'on espérait pouvoir leur procurer par le nouveau commerce en propre. Or, le système d'oppression que l'on suivit à l'égard des étrangers ne donna pas de nouveaux capitaux aux négociants de Breslau; et il arriva, de plus, ce que l'on aurait aussi dû prévoir. Les négociants de Saxe et de Hongrie auraient été obligés de

perdre le gain de 15 à 20 p. 0/0, dont on voulait

à leur détriment gratifier les négociants de Breslau; ils préférérent donc de prendre des détours par la Bohême et la Moravie, et Breslau perdit le commerce d'expédition.

V. COMMERCE DE PREMIÈRE ET DE SECONDE MAIN. Afin de procurer aux négociants d'un pays le commerce de la première main, des méprises semblables ont eu lieu et ont été suivies de pareils désappointements. Comment l'autorité peutelle imaginer qu'elle sait ce qui convient au négociant mieux que le négociant lui-même? Si ce négociant achète des marchandises portugaises à Hambourg, et non pas en Portugal directement, il faut bien qu'il ait ses raisons pour en agir ainsi. Pense-t-on qu'il ignore que son vendeur à Hambourg gagne un peu sur la vente de ces marchandises, et que, par conséquent, elles auraient pu être achetées, en Portugal, à raison de quelques pour cent de moins? Mais l'achat d'une traite sur Lisbonne, qu'il ne pourrait pourtant trouver qu'à Hambourg, ne lui aurait-il pas enlevé ce petit bénéfice? Et si, d'ailleurs, il ne connaît personne à Lisbonne et que personne ne l'y connaisse, peut-il attendre qu'un étranger dont il n'est pas connu lui fera crédit, ou lui-même fera-t-il crédit à cet étranger qu'il ne

connaît pas en lui envoyant d'avance la remise? Nonobstant toutes ces considérations, on n'a pas laissé que de prohiber le commerce de la seconde main ou de le frapper d'impôts considérables.

Acte de navigation. L'acte de navigation, mis à exécution par l'Angleterre, est encore, en matière de commerce, un autre exemple de mauvaise politique. Cet acte défend aux navires étrangers de transporter en Angleterre des marchandises qui ne seraient pas de leur propre pays, et de venir chercher en Angleterre des marchandises anglaises ou des productions de colonies anglaises.

Le tort que cet acte de navigation fait à l'Angleterre même est évident. Les vaisseaux étrangers, ne trouvant point de charges de retour en Angleterre, doivent toucher un double fret pour le transport des marchandises de leur pays qu'ils y conduisent; et les négociants anglais, ne pouvant faire aucun usage des vaisseaux étrangers, sont obligés de payer le fret des vaisseaux anglais plus cher.

Quant à l'avantage que cet acte peut procurer à l'Angleterre, je ne le vois pas; et je n'aperçois, pour le maintenir, que des préjugés mercantiles et vulgaires.

Cependant, sur le continent, on ne demande guère quelle est l'utilité de cet acte pour l'Angleterre. On ne cesse de s'écrier: « l'Angleterre s'est enrichie; donc, il faut imiter l'Angleterre. »> Mais dois-je adopter les mauvais principes que mon voisin suit pour l'entretien de ses bestiaux; parce que, malgré cet entretien vicieux de ses bestiaux, mon voisin s'est enrichi par la bonne culture de ses champs? Parce qu'il se fait un tort réel, dois-je aussi me constituer en perte, par un semblable moyen?

En Angleterre, personne ne croit que l'acte de navigation soit avantageux au commerce de l'Angleterre. Seulement, on pense qu'il favorise et entretient la navigation, qu'il procure et exerce un grand nombre de matelots, qui, dans le cas d'une guerre, pourraient servir à équiper une flotte. Mais comment penser sérieusement qu'une île ayant des côtes aussi abondantes en poisson et aussi bien située pour le commerce maritime universel manque jamais de matelots?

VI. COMPAGNIES PRIVILÉGIÉES DE COMMERCE. Je ne crois pas qu'à l'avenir aucun gouvernement songe à créer de grandes compagnies de commerce fondées sur des actions et privilégiées. Le système mercantile le plus aveugle, seul, pourrait

suggérer l'idée de pareilles institutions entièrement destructives du commerce.

Autrefois, il est vrai, on s'imagina que ces compagnies attiraient des sommes considérables dans le pays, et on se laissa éblouir. Mais la Compagnie des Indes même ne gagne pas la huitième partie de ce que gagneraient de simples négociants si le commerce était libre. Les directeurs de cette société, quoique actionnaires,ne supportent qu'une très-petite partie de la perte qui résulte de leur négligence, et ne retirent qu'une faible partie du gain dû à leurs soins. Par conséquent, ils n'ont point l'encouragement à l'activité et au zèle qui fait agir les négociants libres. Voilà pourquoi toutes ces sociétés tombent en décadence, et pourquoi il en existe peu aujourd'hui. Elles s'endettent chaque année et persistent néanmoins à ne point réduire leurs dividendes; ce qui fait que leurs dettes s'accroissent et s'accumulent toujours davantage.

Ce qui prouve incontestablement que ces compagnies sont pernicieuses, c'est qu'elles ne peuvent subsister sans monopole, et qu'elles réclament un privilége exclusif et permanent. Pourquoi sollicitent-elles ce privilége? C'est que les frais de leur administration sont excessivement coûteux, et que ceux d'un simple négo

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