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refusaient à l'acquittement des impôts, l'État cesserait d'avoir l'obligation et d'être en état de protéger et de garantir leurs droits.

II. OBLIGATION ET INTÉRÊT DE TOUT GOUVERNEMENT A APPORTER LA PLUS GRANDE ÉCONOMIE POSSIBLE DANS SES DÉPENSES. Chaque citoyen est tenu de contribuer aux dépenses nécessaires de l'État ; mais son obligation ne s'étend pas au-delà. Un despote enlève quelquefois, sans nécessité l'argent de ses sujets ; mais son extorsion est une injustice manifeste, qui ne devient pas légitime par cela seul qu'il n'existe pas de juge supérieur pour la réprimer. Spolier un peuple sans défense est, au contraire, une action d'autant plus honteuse, et dont l'histoire, en frappant ces tyrans d'une perpétuelle infamie, et la Providence même, ont fait justice dans tous les temps. D'ailleurs, l'intérêt de l'État et la politique font aussi, de cette restriction des dépenses, un devoir rigoureux pour le souverain : car, moins on prélève sur le produit net d'un pays, et plus on peut y consacrer aux améliorations, rendre les futures moissons plus abondantes, et accroître ainsi les revenus de l'État et la source de ses richesses financières. Dans une monarchie héréditaire, il n'est pas pour le prince de bonheur plus grand que l'aisance de ses sujets, et de

malheur plus réel que leur appauvrissement. Ce prince n'est véritablement riche, que lorsque les citoyens le sont; il cesse de l'être, du moment où ces mêmes citoyens s'appauvrissent.

Mais, en fait de finances, il importe aussi de distinguer l'économie de l'avarice. Ce serait, par exemple, une économie fort mauvaise et mal entendue, que celle de refuser les avances nécessaires pour l'entretien des routes et des chemins; que celle de donner aux fonctionnaires publics des appointements si modiques, que ces fonctionnaires seraient hors d'état de vivre convenablement à leur rang. Des économies de ce genre coûtent cher, et elles peuvent être considérées comme des actes de démence. Les fonctionnaires publics qui seront peu jaloux de leur réputation, se procureront, par des moyens illicites et honteux, bien au-delà des appointements qu'on leur refuse; et les fonctionnaires d'un noble caractère, d'une probité rigoureuse et éprouvée, souffriront dans le silence, en cherchant à se conformer à leur position; mais ils perdront néanmoins cette liberté d'esprit et de pensée, cette douce satisfaction de l'ame, utiles pour bien administrer et pour faire prospérer les affaires.

On peut, en thèse générale, calculer qu'en

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Europe, moitié des recettes de l'État devrait être affectée aux appointements des fonctionnaires publics; et l'autre moitié, aux dépenses matérielles d'acquisitions, de bâtisses, d'entreprises, en chemins, ports et canaux, bâtiments, forteresses, armes, munitions, uniformes, chevaux, etc.

III. DISTINCTION ET SÉPARATION DES DÉPENSES DE L'ÉTAT ET DES COMMUNES. Il est facile de distinguer les dépenses de l'État d'avec celles des communes. Toute dépense qui, médiatement ou immédiatement, est nécessitée par la protection que l'État doit à la sûreté et à la liberté publique ou nationale, aux droits des communes, à la sûreté et à la liberté individuelles des citoyens, sont des dépenses de l'État. Toutes dépenses qui n'ont pour objet que des fins spéciales et particulières aux communes, sont, par cela même, des dépenses communales et à la charge des communes.

On peut, néanmoins, abandonner aux communes le soin de subvenir, seules, à certaines dépenses, qui intéressent la sûreté publique, objet général du gouvernement, mais relatives à des choses dont les communes ont une jouissance plus immédiate et plus directe que la totalité des autres citoyens, telles, par exemple, que celles qui concernent la propreté des rues, les

précautions à prendre contre les incendies, l'entretien d'un tribunal, etc. Mais, en temps de paix, certaines villes doivent-elles supporter exclusivement tout le fardeau des logements

des

gens de guerre? L'armée étant destinée à la protection générale de tout un pays, le pays n'a-t-il pas l'obligation incontestable de construire et édifier des casernes, ou d'en payer le loyer aux villes à qui elles peuvent appartenir? Dans tous les cas et de quelque manière que l'on répartisse cet impôt, ainsi que tout autre, entre la société entière et les communes, les principes adoptés ne doivent-ils pas être partout les mêmes?

IV. BIENS ET DÉPENSES DES ÉGLISES. Il résulte de ce qui précède que ce qui s'est passé depuis environ un demi-siècle, relativement à l'envahissement des biens des Églises, est contraire à la justice. Du temps de la Réformation, on disposa bien aussi de quelques biens d'Église; mais la mesure ne porta que sur ceux de ces biens qui avaient été consacrés par la piété de leurs fondateurs à l'instruction de la jeunesse, à la propagation des sciences, aux secours à donner à des malheureux, et qui avaient été détournés de cet usage pour en fonder des chapitres ou des monastères. En les arrachant des mains de

quelques chanoines luxurieux ou de quelques moines abâtardis, on ne fit que les restituer à leur destination première. Il n'en est pas ainsi de mesures plus récentes, dont on a beaucoup exagéré les avantages, et que l'on a voulu faire considérer comme un triomphe de la civilisation qui a déraciné la superstition et dissipé les ténèbres des siècles passés. Pour moi, je ne puis croire que prendre le bien d'autrui soit un acte de civilisation. Si l'État avait le droit de dépouiller les Églises de leurs biens, il pourrait en user de même à l'égard de toute autre association. Où placerait-on les limites d'un semblable droit? Toute société, tout musée, tout cabinet littéraire, en possession d'une propriété particulière, pourrait en être dépouillé par l'État? Parce que cette propriété se sera successivement formée et agrandie par les soins d'une longue filiation de propriétaires et d'aïeux, dont la souche première ira se perdre dans la nuit des temps, en sera-t-elle moins respectable et moins sacrée? Partout, le temps et la prescription ne consacrent-ils pas le droit de propriété ? L'État, il est vrai, a le droit de dissoudre et de supprimer toute société dangereuse; mais on conviendra, du moins, qu'il n'a ce droit qu'autant que cette société est véritablement dangereuse, et qu'il ne

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