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donc l'eau-de-vie est-elle meilleure? Est-ce, je le demande, lorsque les distilleries sont libres, ci bien lorsque l'État en a le monopole? Des personnes s'imaginent peut-être que le tabac était de meilleure qualité, lorsque la fabrication en était attribuée à la régie; mais c'est assurément que ces personnes ne considèrent comme bon que l'ordre de choses auquel elles étaient habituées et, si ces mêmes personnes pensent : aussi qu'alors le tabac était moins cher qu'il ne l'est aujourd'hui, c'est qu'elles ne font aucune attention, pour établir cette comparaison, à l'augmentation générale des prix. D'ailleurs, peut-il y avoir la moindre proportion, entre le bénéfice que ces sortes de monopoles procurent à l'État, et la perte qui en résulte pour la nation? On pourrait facilement remplacer toutes les recettes qui proviennent des monopoles, même les plus lucratifs, au moyen d'un modique impôt.

En 1804, la monarchie prussienne, comprenant une population de 9 millions, ne retira, cependant, des droits imposés sur le sel, qu'une somme de 2 millions d'écus. Un impôt personnel d'un demi-gros par mois aurait suffi pour remplacer ce modique revenu : et la consommation du sel en eût été considérablement augmentée; car le cultivateur eût pu, dès-lors, donner à

ses bestiaux autant de sel qu'ils en auraient eu besoin.

II. IMPÔTS. De nos jours, les impôts sont incontestablement la manière la plus productive et la plus convenable de subvenir aux dépenses et aux besoins de l'État. Malheureusement, ces impôts eux-mêmes ont été établis partout, avant que la science de l'économie politique ait été connue. Cette science n'a pu naître que par l'étude et la comparaison approfondie des expériences faites dans tous les temps et par tous les peuples. Ainsi, lorsque le besoin d'un impôt se fit sentir, on s'empara du premier objet qui se présenta pour l'en frapper. Plus tard, une augmentation de recette devenant nécessaire, on s'aperçut que l'accroissement de l'impôt n'y suffisait pas, et l'on créa successivement divers autres genres d'impôts. L'esprit de l'homme n'a jamais été en rien plus inventif et plus fécond qu'en matière d'impôts; et, pourvu qu'une chose marchât, c'est-àdire que l'on parvint à se procurer de l'argent, l'inventeur était sûr, pour le moins, de sa propre approbation. Nous voyons, donc, de nos jours, une multitude d'impôts établis. Le nombre et la variété de ces impôts égalent presque le nombre et la variété des divers produits de la nature; et nous ne donnerons qu'une idée très-imparfaite de

ceux qui existent en Europe, par l'énonciation qui suit :

A. Impôts sur les personnes, c'est-à-dire que l'on asseoit sans avoir égard à la fortune des contribuables, tels que la taille ou la capitation et les loteries;

B. Impôts sur les choses, c'est-à-dire qui sont assis eu égard à la fortune des citoyens qui doivent les supporter, savoir:

a, Sur la possession simple, tels que l'impôt foncier, les taxes sur les maisons, sur les bestiaux et autres objets;

b, Sur la fortune ou la propriété, les métiers, etc.; tels que les impôts sur l'industrie, les droits de succession, les droits de timbre, les taxes sur les revenus;

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Sur l'usage et l'usufruit des choses, tels que les impôts sur les consommations, les péages, l'accise, les taxes sur les loyers des appartements, et le louage des domestiques, etc.

Chaque jour, nous en voyons créer d'un nouveau genre, et dont aucun n'est établi sur des principes reconnus pour certains et évidents.

Dans l'ouvrage d'Adam Smith, la science des finances n'est fondée que sur des raisonnements vagues, et ressemble assez à une sorte de chaos; ce dont sont fort aises les hommes qui n'aiment Tome II.

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pas à voir leurs erreurs et leurs folies passer au creuset de la critique. Il est un argument, surtout, dont ces hommes cherchent fort à se prévaloir. Cet argument consiste à dire que tout dépend des localités; et ils se flattent d'écarter, avec son secours, l'examen et la démonstration des principes d'après lesquels les impôts devraient être universellement établis. Mais c'est en vain qu'ils l'espèrent, puisque l'intérêt et l'objet de la science est précisément de reconnaître et de saisir, au milieu de cette foule de détails et de faits particuliers, les points fondamentaux, les principes généraux, qui doivent servir de réunion et d'appui, et d'où doivent ensuite dériver les règles spéciales applicables aux diverses localités.

A l'égard de certains impôts, on ne recherche pas quel pourrait être le principe de droit rigoureux; c'est uniquement d'après une notion très-vague de l'équité que l'on croit pouvoir les établir. Mais l'équité, en ce sens, ne peut s'apprécier qu'en raison des circonstances et des faits particuliers, et ne saurait, comme les principes du droit, être ramenée à un point, à une règle universelle et générale. En fait d'impôts, et lorsqu'il s'agit de leur assiette, c'est cependant cette règle générale qu'il faut consulter et suivre, sauf à

écouter quelquefois le sentiment d'équité dans certains cas particuliers.

Si nous faisons remarquer, ensuite, qu'aucun impôt, aujourd'hui existant, n'est suffisant pour subvenir aux besoins de l'État, et si nous demandons pourquoi cela est ainsi, on nous répond simplement que l'un ou l'autre de ces impôts. deviendrait trop lourd et trop accablant, s'il fallait qu'il dût subvenir à tous les besoins de l'État; qu'il est évident, en effet, que l'accise ou les péages, qui forment ensemble la moitié des revenus publics, seraient absolument insuffisants, dans tous les cas, pour satisfaire à toutes les dépenses nécessaires; et que c'est précisément parce que l'un de ces impôts ne peut pas faire face lui seul à ces dépenses, qu'on en a établi un grand nombre de différentes natures. On veut compenser le fardeau des uns par celui des autres; mais un mensonge ne convertit pas un autre mensonge en une vérité; une méprise, une fausse mesure, ne fait pas d'une autre mesure également fausse une mesure utile et convenable; et plusieurs poids réunis peuvent souvent peser plus qu'un seul.

Si, donc, on parvenait à découvrir un impôt qui seul pût subvenir à toutes les dépenses de l'État, cet impôt serait assurément, et, par cela

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