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disant que l'amortissement de la dette publique augmenterait la masse du numéraire en circulation à tel point, que le taux de l'intérêt en éprouverait une baisse préjudiciable. L'amortissement de la dette publique ne peut s'effectuer que progressivement et insensiblement; et, au fur et à mesure, les capitaux se replacent ailleurs, et refluent vers la culture et l'amélioration des terres. Comment, au surplus, concevoir que le taux de l'intérêt puisse jamais être trop bas; qu'il puisse, alors et par ce motif, occasioner un préjudice? Le noble lord suppose que l'on placerait les capitaux chez l'étranger; mais, quand cela serait, quel mal y aurait-il? Tous ses raisonnements démontrent assez qu'il est prévenu en faveur du système mercantile.

Mais, si l'amortissement de la dette publique est une chose avantageuse et désirable, il n'y a pas de ressource plus injuste, plus imprudente et plus honteuse, que la banqueroute ou la ré-· duction de cette dette. En France, le gouvernement y a eu recours, par suite des funestes crises de la révolution qui a agité ce pays; à une époque plus récente encore, le gouvernement despotique de Buonaparte en a agi de même à l'égard de la Westphalie et de la Hollande; en Angleterre et en Allemagne, il est une classe d'hommes qui la solli

citent et cherchent à la faire considérer comme une mesure indispensable. Cependant, elle n'est pas seulement une opération frauduleuse et qui par ce motif doit être repoussée : elle suppose, d'ailleurs, l'ignorance la plus complète des premières notions de la science financière; puisque nous venons de voir jusqu'à quel point on peut élever sans inconvénient l'importance de la dette publique, et qu'en Angleterre elle n'est pas encore parvenue au tiers du taux auquel elle peut

monter.

IV. EMPRUNTS DÉGUISÉS. Pour déterminer et compléter notre tâche, il ne nous reste plus qu'à faire mention de quelques moyens, artificiels et déguisés, mis en pratique pour la création et la constitution des dettes publiques.

1o Annuités. Les annuités sont une sorte d'obligation par suite de laquelle le créancier touche, pour son capital, un intérêt supérieur à celui que le gouvernement et même le commerce pourraient généralement lui accorder; mais cet excédent d'intérêt, qu'il reçoit tous les ans, produit l'amortissement du capital même, de telle sorte qu'à une certaine époque convenue et indiquée, il n'a plus à recevoir ni intérêts ni capital. En Angleterre, on a créé de ces sortes d'annuités pour un laps de temps plus ou moins

long, pour quatre-vingt-seize ans, pour vingtquatre ans, et même pour le temps seulement de la durée de la vie du créancier de l'État.

Il me semble qu'elles doivent toutes être rejetées, ne fût-ce que pår la raison, entre autres, qu'elles provoquent les citoyens à frustrer leurs béritiers de leur bien. D'ailleurs, les sommes qu'elles peuvent procurer seront toujours fort peu considérables, puisqu'il n'y a guère que le capitaliste qui n'a pas d'enfants pour héritiers, mais seulement quelques parents fort éloignés, qui peuvent se déterminer à faire valoir et à aliéner ainsi leurs capitaux.

2o Tontines. Les tontines sont des opérations d'une nature un peu plus compliquée, et qui peuvent différer sous certains rapports. Ce sont habituellement, et en thèse générale, des sociétés viagères, dans lesquelles les actionnaires qui ont contribué à en former le capital se succèdent dans la jouissance de la rente viagère que ce capital produit, et héritent les uns des autres au fur et à mesure des décès, mais de telle sorte, néanmoins, qu'après la mort du dernier survivant des actionnaires, la rente est éteinte et le capital acquis à l'État.

3° Papier-Monnaie. La création du papiermonnaie est encore une ressource extraordinaire

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imaginée, dans les temps modernes, pour subvenir aux besoins de la dette publique. Ce papiermonnaie est une obligation consentie par l'État. Il y a entre ce papier-monnaie et la monnaie métallique la même différence qu'entre une obligation et un gage. Ce papier-monnaie ne diffère des billets de banque qu'en ce que ces derniers ne sont pas créés par l'État; il se distingue des autres obligations de l'État, en ce qu'il est une obligation qui ne porte pas intérêt.

Il est dans l'ordre naturel des choses que le papier-monnaie perde au cours. Qui accepterait jamais, pour sa valeur nominale, une obligation, fût-ce même celle d'un simple particulier, lorsque, d'abord, cette obligation ne produit pas d'intérêt, qu'ensuite elle n'est remboursable qu'à une époque qui dépend uniquement de la convenance et de la volonté du débiteur, et que, de plus, celui-ci est notoirement et pour long-temps dans l'impuissance de payer? Il serait donc bien plus surprenant que le papier-monnaie conservât son cours, qu'il ne l'est de le voir tomber partout promptement et beaucoup.

Si quelque chose le soutient, c'est la possibilité de s'en servir pour les paiements à effectuer dans les détails et les relations journalières du commerce; possibilité qui devient une sorte d'obli.

gation et de nécessité, du moment où l'on ne se sert plus que du papier-monnaie pour le paiement de ses consommations, et que l'on réserve son argent comptant pour le consacrer à d'autres . usages.

Le papier-monnaie ne pourrait se maintenir au pair qu'autant qu'il existerait une caisse qui le convertirait en espèces aussi facilement qu'une banque réalise le remboursement de ses billets. Mais, pour qu'une caisse de cette nature pût se soutenir, il faudrait que la quantité de papiermonnaie émise dans la circulation n'excédât pas les besoins du public. Cette quantité ne peut jamais s'élever à une somme bien considérable; et, partout où le papier-monnaie a cours, on le voit, au contraire, s'accumuler habituellement à tel point, qu'il excède bientôt de beaucoup la masse de l'argent courant. Il est donc tout naturel qu'il perde de sa valeur.

Le despotisme qui fut exercé en France, au nom même de la liberté, ne put empêcher le discrédit dans lequel les assignats tombèrent. Et, lorsque ce despotisme terrible imagina de contraindre, sous peine de mort, à accepter ces assignats pour leur valeur nominale même et comme s'il eussent été de l'argent monnayé, le prix de toutes les marchandises haussa tellement,

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