Imágenes de páginas
PDF
EPUB

plorable, par le besoin et le manque d'une nourriture saine, dans la malpropreté, assaillis des maladies les plus affreuses, soit de la peau, soit des entrailles, qu'il est bien difficile que, sur cinq cents, il y en ait plus d'un qui puisse atteindre à sa seizième année. Cette assertion serait attestée par tout pasteur de la religion évangélique, qui serait tenu de constater le nombre des enfants illégitimes qu'il baptise et qu'il reçoit à la communion tous les ans : car, habituellement, dans nos climats, le dixième des enfants baptisés sont nés hors mariage; mais, parmi ceux qui reçoivent la communion, il ne s'en trouve plus guère qu'un sur cinq cents qui ne soit pas légitime. La débauche, le défaut de mœurs, moissonne le genre humain, dans une telle proportion, qu'elle enlève, en un seul jour, dans l'Europe, plus d'innocentes victimes que n'en a emporté la bataille de Leipsick. Aucun juge cependant ne peut punir cet assassinat ; mais quiconque y réfléchit un moment et oserait encore traiter de bagatelle les atteintes portées à la pudeur et à la morale publique mériterait donc à peine le nom d'homme.

8° Education. Adam Smith, et, d'après lui, bien des hommes, pensent que le gouvernement ne doit se mêler en rien de l'éducation publique.

Les parents, disent-ils, éprouvent assez le besoin d'instruire leurs enfants; et, dès-lors, il doit se présenter des précepteurs et des maîtres pour se charger des soins de l'instruction. Cependant, les hommes, comme on le sait, sont assez communément beaucoup plus attachés au physique qu'à l'intellectuel. Exclusivement occupés euxmêmes du soin de pourvoir à leur subsistance et à leur entretien, être instruit autant qu'il le faut pour satisfaire à ce besoin est à leurs yeux la seule chose nécessaire. Peut-être, dans les grandes villes, l'utilité de l'instruction sera-t-elle plus généralement sentie par le peuple; mais les immenses avantages de la science de la lecture et de l'écriture seront-ils bien compris par les habitants de la campagne? Il serait à craindre que, dans les villages, aucun maître ne pût trouver facilement des écoliers; ou ceux, en petit nombre, qui se présenteraient, étant obligés de subvenir seuls à son entretien, la cherté de l'enseignement en éloignerait encore plusieurs; et, par le même motif, dans les villes mêmes, les hautes sciences ne pourraient jamais être l'apanage que de quelques élus.

Nous ne disconviendrons pas pourtant que la propagation des lumières ne doit pas entrer dans les vues immédiates et directes que se pro

pose le gouvernement. Nous contesterons moins encore qu'une entière liberté ne soit nécessaire pour le succès et le triomphe de l'instruction; qu'on ne saurait assujettir un maître à la marche, circonscrite et limitée d'avance, des affaires ordinaires de l'administration, sans éteindre cet esprit de vie et d'indépendance, nécessaire, et qui doit pouvoir suivre une méthode et une voie toute différente. L'expérience a prouvé, nous le savons, que souvent les règles prescrites par l'autorité ont réduit l'enseignement à un métier purement matériel, et qu'on gâte tout en voulant que des fonctionnaires publics dirigent ce qui ne peut pas être dirigé par eux, ce qui a besoin, pour réussir, de liberté et de bonne volonté. Mais il n'en faut pas moins reconnaître qu'un gouvernement, en créant et favorisant des écoles et des universités, peut rendre d'éminents services à son pays et à l'humanité. Les premiers de ces établissements doivent être consacrés à l'instruction du peuple en général, de toutes les classes de la société; les autres, à initier aux connaissances les plus élevées de l'esprit humain les hommes qui doivent être revêtus des premières charges de l'État.

Le christianisme dispense, jusqu'à un certain point, les gouvernements de l'institution des

établissements du premier ordre. Le christianisme répand et suppose la civilisation. Si, d'une part, il enseigne des vérités qui sont le plus sublime résultat des recherches philosophiques les plus profondes, telles que Dieu, la liberté, l'immortalité, les rapports de l'homme à la Divinité; d'une autre part, il présente ces mêmes vérités comme l'objet d'une révélation; et afin de transmettre et propager cette révélation, afin de faire connaître au peuple l'ÉcritureSainte, sur laquelle s'appuie cette révélation, il est d'un grand intérêt, pour cette même religion, que le peuple apprenne à lire. Elle s'appliqua donc à développer cette science, qui est la source et la clef de toutes les sciences (ce que n'eût point fait une autre religion); et cette première de toutes les sciences, quoique enseignée dans des vues et pour des fins qui ne se rapportaient qu'à l'intérêt de l'Église, tourna en même temps à l'avantage des fins qui sont du ressort des gouvernements. Ce fut avec les biens de l'Église et à sa sollicitation, que les premières écoles pour apprendre à lire, à écrire et à calculer aux enfants du peuple, furent établies. L'État, alors, n'eut besoin, en quelque sorte, que d'accorder sa protection à ces utiles établissements. Mais, aujourd'hui, il aurait juste

motif de contraindre un clergé paresseux et dissipateur des richesses originairement destinées à la prospérité des écoles, à remplir la condition sous laquelle ces richesses lui ont été transmises.

Ce fut encore l'Église qui contribua puissamment à l'institution des écoles, des établissements d'instruction, d'un ordre supérieur. Elle avait besoin de précepteurs et d'hommes lettrés : les séminaires, les chapitres, les cloîtres, devinrent donc une sorte de pépinières pour tous les hommes qui se vouèrent à l'instruction; et, par cette raison et parce que de grands princes employèrent aussi des ecclésiastiques lettrés pour la gestion des affaires publiques, ces princes créèrent ou protégèrent ces établissements, au nombre desquels quelques-uns se distinguèrent plus spécialement par un certain genre de connaissances et de savoir humain. De là, l'origine de certaines écoles particulières et spéciales pour l'enseignement de quelques-unes de ces connaissances. Et lorsque, par la suite, plusieurs écoles de ce genre se signalèrent dans un même endroit, lorsque le grand nombre des écoliers qui les fréquentèrent assurèrent des auditeurs, même à des professeurs libres, des universités s'établirent et se formèrent insensiblement. Plus

« AnteriorContinuar »