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auditeurs de première classe et portant à six années la durée de l'auditorat de seconde classe. Une autre proposition due également à l'initiative d'un député, M. Gomot, fut soumise à la Chambre le 28 février 1885; elle tendait à ce que la durée des fonctions des auditeurs de seconde classe ne fût plus limitée, et à ce que, par dérogation à l'article 6 de la loi de 1872, ils pussent être nommés à la première classe après l'âge de trente ans. De ces deux propositions, inspirées l'une et l'autre par le désir d'assurer de meilleures conditions d'avenir à la carrière de l'auditorat, la première seule fut discutée par la Chambre des députés dans les séances des 21 et 23 juillet 1885, et elle fut renvoyée à l'examen des bureaux.

L'année suivante, le gouvernement présenta à son tour, le 25 mars 1886, un projet de loi dont l'économie était la suivante : l'époque extrême à laquelle un auditeur peut passer de la seconde classe à la première aurait été fixée à trente-cinq ans, et le stage des membres de l'auditorat de seconde classe aurait, par suite, été notablement prolongé. Cette prolongation parut excessive à la commission de la Chambre des députés, et conformément à l'avis de sa commission, la Chambre modifia, dans la séance du 12 février 1887, le projet ministériel: elle porta de quatre à huit années la durée des fonctions d'auditeur de seconde classe, et de trente ans à trente-trois la limite d'âge pour la nomination au grade d'auditeur de première classe.

Le Sénat s'est rallié à ce système; il a pensé, d'après ce qu'a déclaré M. Bardoux, rapporteur, qu'il était de nature à rendre confiance aux « jeunes auditeurs au Conseil d'État découragés », à améliorer le recrutement des maîtres des requêtes en augmentant l'expérience et la maturité d'esprit des auditeurs, et qu'il se prêtait à ce qu'on fit de l'auditorat une sorte d'école d'administration, idée, « malheureusement, qui n'est jusqu'à cette heure qu'un rêve ». A cet effet, le Sénat a introduit dans la loi une disposition imposant au gouvernement l'obligation de réserver, tous les ans, pour les auditeurs de seconde classe un certain nombre d'emplois judiciaires et administratifs dont l'énumération figure à l'article 3 de la loi. Une disposition analogue avait déjà été insérée dans le décret du 7 septembre 1863. L'obligation que l'article 3 fait au gouvernement d'offrir aux auditeurs des places dans l'administration et dans la magistrature est, bien entendu, toute morale; le rapporteur, répondant à un de ses collègues qui demandait quelle en serait la sanction, a reconnu qu'il « n'y en a pas d'autre que l'interpellation ».

Un sénateur aurait voulu que les auditeurs de seconde classe pussent, comme les maîtres des requêtes et les auditeurs de première classe, être chargés de missions temporaires en province; suivant lui, leur passage dans l'administration active leur aurait permis d'acquérir de l'expérience, et en même temps d'accroitre les très modiques émoluments qu'ils reçoivent au Conseil d'État : or, la perspective de rester huit ans auditeur de seconde classe avec un traitement de 2,000 francs n'est pas faite pour séduire les jeunes gens de valeur. Mais le vice-président du Conseil

d'Étal a exposé, au nom du gouvernement, que le nombre des affaires courantes qui s'accumulent dans les différentes sections du Conseil va constamment en augmentant, et que l'intérêt du service exige la présence à Paris et le concours actif de tout le corps des auditeurs.

Art. 1er.

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La limite de quatre années fixée pour les fonctions d'auditeur de 2o classe au Conseil d'État, pour l'article 5, paragraphe 6, de la loi du 24 mai 1872, est portée à huit années. Art. 2. La limite d'âge pour la nomination aux fonctions d'auditeur de 1re classe au Conseil d'État, fixée à trente ans par l'article 6 de la loi du 24 mai 1872, est portée à trente-trois ans, qui seront comptés au 1er janvier de l'année de la nomination. Art. 3. Chaque année, le Gouvernement fait connaître, par une décision prise en conseil des ministres, et insérée au Journal officiel dans le mois de janvier, les fonctions qui seront mises à la disposition des auditeurs de 2o classe qui auront au moins quatre ans de services.

Ces fonctions seraient les suivantes :

Commissaire du gouvernement près le conseil de préfecture de la Seine;

Secrétaire général d'une préfecture de 1re ou 2o classe;
Sous-préfet de 1re ou 2o classe;

Substitut dans un tribunal de 2e classe.

Art. 4. Chaque année, s'il y a lieu, un concours sera ouvert dans le mois de décembre pour la nomination d'autant d'auditeurs de 2o classe qu'il y aura de places vacantes.

Les auditeurs nommés à la suite de ce concours entreront en fonctions le 1er janvier.

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Art. 5. L'article 5, paragraphe 6, de la loi du 24 mai 1872, la loi du 10 août 1876 et toutes les dispositions contraires à la présente loi sont abrogées.

V

LOI DU 7 JUILLET 1887, PORTANT APPROBATION DE LA CONVENTION PASSÉE, LE 30 JUIN 1886, AVEC LA COMPAGNIE DES MESSAGERIES MARITIMES, POUR L'EXPLOITATION DES SERVICES MARITIMES POSTAUX DE LA MÉDITERRANÉE, DE L'INDO-CHINE, DU BRÉSIL ET DE LA PLATA, DE L'AUSTRALIE et de la nouveLLE-CALÉDONIE ET DE LA CÔTE ORIENTALE D'AFRIQUE (1).

Notice et notes par M. Charles TRANCHANT, ancien conseiller d'État, vice-président de la section économique et sociale du Comité des travaux historiques et scientifiques.

On sait quelle est l'origine des services maritimes postaux subventionnés par le gouvernement français. L'ad ministration des postes, primitivement, se bornait à utiliser, pour le transport des dépêches, les navires ordinaires aux termes de l'arrêté consulaire du 19 germinal de l'an X, les bâtiments de commerce sont obligés à effectuer ce transport moyennant une allocation d'un décime par lettre et ce procédé suffisait aux besoins de la correspondance (2). En 1837, le gouvernement français en exécution d'une loi du 2 juillet 1835, créa une ligne postale de Marseille à Constantinople et l'administration des postes commença partiellement en Méditerranée, à faire avec des paquebots appartenant à l'État, un service analogue à celui qu'elle effectuait sur le territoire de la France avec les malles-poste. La ligne touchait aux principaux ports de l'Italie, puis à Malte, Syra et Smyrne; une ligne d'embranchement reliait Syra à Athènes et à Alexandrie. Ce service avait été un peu développé dans la suite; mais son caractère était demeuré très restreint; avec les dépêches, il ne portait que des passagers et quelques marchandises précieuses.

(1) J. Off., du 8 juillet 1887, p. 3145. Bulletin des lois, série xn, Bulletin 1105 p. no 18.154.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS. Présentation de la loi et renvoi à la Commission du budget. J. Off., Ch. dép., 8 juillet 1886, p. 1359. Exposé des motifs et texte. Doc. parlem. 1887, Ch. dép. annexe 996, p. 365 et suiv. Dépôt du rapport J. Off., Ch. dép. 1886, 18 novembre, p. 1847. Texte J. Off., 1887, annexe no 1261, p. 1076 et suiv. - Délibération avec déclaration d'urgence et adoption, J. Off., Ch. dép. 29 mars, 31 mars et 2 avril 1887, p. 870 et suiv., 901 et suiv., 922 et suiv.

SENAT. Dépôt de la loi. J. Off. Sénat 1887, 6 avril, p. 513. — Exposé des motifs, Doc. parl., annexe no 233, p. 584. Renvoi à la Commission des finances, J. Off. Sénat 1887, 12 mai, p. 561. - Dépôt du rappo rt, J. Off. Sénat 1887, 10 juin, p. 611, texte J. Off., Sénat, 1887, annexe no 290. p. 624 et suiv. · Délibération avec déclaration d'urgence et adoption, J. Off., Sénat 1887, 28 juin, p. 679.

(2) L'article 10 de la loi du 29 janvier 1881 sur la marine marchande impose le transport gratuit de la correspondance postale aux navires qui reçoivent la prime.

Une loi, en date du 16 juillet 1840, établit trois lignes de bâtiments à vapeur pour le service des correspondances entre la France et l'Amérique : 1° une ligne du Havre à New-York; 2o une ligne de Marseille et de Bordeaux aux Antilles; 3o une ligne de Saint-Nazaire au Portugal, à Gorée et au Brésil. La première des trois lignes devait être concédée à une compagnie, le service devait être effectué par l'État sur les deux autres lignes. Cet essai qui n'eut pas de suites durables n'a été repris qu'après intervalle, dans des conditions que nous rappellerons plus loin (1).

A partir du 1er août 1843, l'administration des postes, se substituant à une entreprise attitrée (2), commença l'exploitation du service de la Corse. Aux termes d'une loi du 10 juillet 1850, approuvant un marché du 1er du même mois, ce service fut concédé à la Compagnie Valéry; il est maintenant confié à la Compagnie Morelli (Compagnie insulaire de navigation) aux termes d'un traité passé avec l'administration des postes, en exécution de la loi du 28 juillet 1882.

Une loi du 4 août 1844 prescrivit la construction de trois paquebots à vapeur destinés à transporter la correspondance entre Calais et Douvres. Ce service fut exécuté par l'État jusqu'au 1er février 1855, puis concédé, pour quinze ans, à la Société Clebsattel et Churchward. Le service postal entre la France et l'Angleterre est maintenant, en vertu d'un marché approuvé par la loi du 9 juillet 1883, exécuté par les Sociétés anglaises South Eastern Railway et London, Chatham and Dover Railway que représente la Compagnie française du chemin de fer du Nord.

La marine nationale desservit la première l'Algérie et continua, jusqu'en 1866, sur son littoral. Le département de la guerre qui eut longtemps autorité exclusive sur la colonie pourvut, de bonne heure, à ses communications postales avec la métropole par des marchés qui avaient, comme c'était naturel, pour but principal les transports militaires et coloniaux. On verra plus loin ce que sont devenues ces lignes.

C'est le service postal du Levant de la Méditerranée qui est l'origine première des services concédés par la loi du 7 juillet 1887. Son exploitation par l'État fut loin de réaliser au point de vue financier, ce qu'on en avait attendu. Au lieu d'un bénéfice qu'on évaluait en 1835,à 158.000 francs par an, on avait eu, en 1849, un déficit de 2.874.000 francs sans comprendre l'amortissement, la dépréciation, l'intérêt annuel du capital, ni

(1) Les navires construits par l'État n'étaient pas très appropriés au service. Mise en adjudication, la ligne du Havre à New-York ne trouva pas immédiatement de soumissionnaires. En 1847, le Gouvernement traita avec la Compagnie Hérault et Haudel en mettant à sa disposition, pour toute subvention, les quatre navires construits en vertu de la loi de 1840. Ces paquebots ne purent lutter fructueusement contre ceux des Compagnies anglaises. La société Hérault et Haudel dut cesser son service et un décret du Gouvernement provisoire, en date du 12 août 1848, autorisa le Ministre de la marine à s'emparer des bâtiments sous toutes réserves des droits de l'État et des tiers.

(2) Il y avait eu des services concédés, dès avant l'adoption de la navigation à vapeur. La compagnie Girard exploitait la ligne de Corse en vertu d'un marché, depuis le 1er mai 1830, quand l'État en prit possession en 1843.

l'assurance. Au mois d'avril de cette année, l'Assemblée nationale consti tuante prescrivit au Gouvernement d'examiner une solution tendant à confier le service des dépêches, dans des conditions déterminées, à des navires réguliers du commerce qui, en exploitant le trafic des transports avec une latitude difficile pour l'État, devaient arriver à des résultats plus rémunérateurs et, en même temps, aider puissamment au développement des intérêts et de l'influence de la France dans le Levant. La voie avait été tracée à cet égard, non pas seulement par les essais tentés en France dans des conditions peu faites pour fixer, d'une manière pré cise, l'opinion, mais plus sérieusement par les accords intervenus entre le Gouvernement autrichien et la Compagnie du Lloyd autrichien créée en 1836 et ceux passés entre le Gouvernement anglais et la Compagnie péninsulaire et orientale (1840), la North american Company (1840) (1), la West Indies royal mail steam packet Company (1840).

Le 28 février 1851, à la suite des études d'une Commission spéciale formée aux termes d'un arrêté ministériel du 2 mars 1850 (2), le Ministr e des finances, signa avec les administrateurs de la Compagnie des Messa geries nationales une convention qui concédait à cette Compagnie les lignes d'Italie, de Constantinople, d'Égypte et de Syrie exploitées par l'Administration des postes. La convention fut soumise à l'approbation parlementaire; sur le rapport d'une de ses commissions dont M. Dufaure était le président, et M. Collas (de la Gironde) le rapporteur, l'Assemblée nationale législative sanctionna les accords par une loi en date du 8 juillet 1851.

La Compagnie des Messageries nationales dont la spécialité en matière de transports (3) avait un caractère très différent de celle du service concédé, jugea bon, au lieu d'exploiter directement, de former, pour l'entreprise, une société particulière dans laquelle ses propres éléments étaient complétés par des éléments nouveaux : c'est ainsi qu'est née la Compagnie des services maritimes des Messageries nationales actuellement Compagnie des Messageries maritimes (4), société anonyme constituée, à Paris, le 19 janvier 1852, et qui, avec l'autorisation du Gouvernement (5), prit charge du service au lieu et place des Messageries nationales.

La puissante et belle organisation de la Compagnie des Messageries maritimes en a fait rapidement une institution de haute importance. Le service bien limité remis entre ses mains, en 1851, a pris, par accroisse

(1) Connue surtout sous le nom de Compagnie Cunard.

(2) Cette Commission, présidée par M. Léon Faucher, représentant du Peuple, comprenait, en outre, trois autres Députés, et M. Magne Sous-secrétaire d'État des finances, trois chefs de service représentant le Ministère des affaires étrangères, celui du commerce et celui de la marine, un capitaine de frégate et un chef de bureau du Ministère des finances comme secrétaire.

(3) Transports terrestres; elle avait eu, à certaine époque, des services de navigation fluviale, mais n'avait jamais eu de services maritimes.

(4) Aux termes d'un décret du 27 novembre 1871.

(5) Autorisation du Ministre des finances, en date du 18 août 1851. La nouvelle Société fut autorisée comme société anonyme par un décret du 22 janvier 1852.

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