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En partant de Florence, d'où je suis revenu hier, je voulais prendre la diligence du soir, afin d'éviter la chaleur et la poussière pendant la traversée de l'Apennin. Un marchand de gravures et de photographies, qui devait partir le même jour que moi, me conseilla fort de prendre la voiture du matin, disant qu'à moins de n'avoir rien à perdre, il ne fallait jamais voyager de nuit dans les Romagnes. Je n'arrivai pourtant à Bologne qu'à neuf heures du soir par le tronçon de chemin de fer de Vergato, et je remarquai à l'une des stations deux employés de l'administration qui se promenaient sur la voie, portant des carabines en bandoulière. Quelquefois le Sordo se présente sur les terrains où l'on travaille à l'embranchement qui. doit bientôt relier Ravenne à la ligne de l'Emilie. Il se nomme tout bas; les ouvriers le saluent poliment et lui donnent toutes les explications qu'il peut souhaiter. Il se retire ensuite, lorsqu'il a passé en revue ces travaux qui doivent bientôt porter un notable dommage au libre exercice de son métier. Cet homme n'est réellement qu'un voleur de grands chemins; il s'imagine peut-être que le gouvernement a trop d'occupation pour daigner penser à lui; je sais de bonne part qu'il se trompe, et que dans peu de jours il sera recherché activement.

Outre les brigands amateurs, tels que le Sordo, outre les montagnards abrutis, il existe une troisieme catégorie de brigands, envoyés par mer, et qui descendent sur les côtes ou franchissent à l'improviste les frontières des États non annexés. Ceux-ci paraissent par bandes nombreuses, bien équipés et bien armés. On les a vus former sans obstacle un petit camp et s'exercer aux manœuvres avant d'entrer en campagne. La dernière bande, celle qui s'est jetée sur l'île Pantelleria, était partie de Malte; la précédente venait des rives septentrionales de l'Adriatique. Il ne dépend pas du gouvernement italien d'empêcher ces invasions. Tout ce qu'il peut faire, c'est de les repousser et de punir les agresseurs qui seront pris les armes à la main.

Vous le voyez, monsieur : l'Italie nouvelle n'est pas au bout de ses peines, et je trouve qu'en France on parle souvent d'elle avec bien de l'indifférence. N'ai-je pas vu à Paris des femmes à la mode qui n'auraient pas la cruauté d'envoyer un chat à la rivière, excuser jusqu'à un certain point le brigandage et faire semblant d'en considérer les acteurs comme des chevaliers de la reine de Naples? Le jour où cette princesse a conçu la pensée de chausser des bottes à l'écuyère et

de se coiffer d'un chapeau d'homme, elle a beaucoup fait pour la cause des Bourbons de Naples. Elle a éveillé les sympathies lointaines des petites dames, qui vous disent, en prenant le thé : « La reine de Naples a tant de courage! comment voulez-vous qu'on l'abandonne? » La vérité est que cette princesse a des bottes, et qu'on admire son costume pittoresque, mais je doute qu'on lui envie l'honneur de s'exposer à mourir pour la bonne cause.

A l'heure où je vous écris, on parle avec animation de l'arrestation de cinq chefs de bandes, sur le bateau à vapeur l'Aunis. Voici comment on raconte le fait : Cinq brigands, malheureusement trop fameux en Italie, les frères Cyprien et Jonas la Gala, Angelo Sarno, Jean d'Avanzo et Dominique Papa, ne se croyant plus en sûreté à Rome, depuis que la police française y devenait moins accommodante, s'étaient munis de passe-ports pontificaux bien en règle pour l'Espagne par la voie de Marseille. Ils prirent des places sur le premier bateau à vapeur qui vint toucher à Civita-Vecchia, et furent incrits sur le rôle du bord sous leurs véritables noms. Le marquis Gualterio, préfet de Gênes, averti de leur départ, s'entendit avec le chevalier Rey, capitaine du port, pour l'arrestation des bandits, contre lesquels il existe des mandats d'arrêt lancés depuis longtemps par les juges d'instruction des cours d'assises. A son arrivée à Gênes, le bateau-poste français l'Aunis fut cerné par des barques et envahi par la force armée, malgré les protestations du capitaine. On s'empara des cinq brigands et on les mena en prison. Ceux qui se réjouissent de cette capture importante soutiennent qu'elle est régulière; mais je n'en crois rien. On dit ici que le consul de France a prêté les mains à cette opération; s'il en est ainsi, je doute fort que sa condescendance soit approuvée. Les bateaux-poste de la Méditerranée étant assimilés aux bâtiments de l'État, l'arrestation de passagers sur leur bord me paraît constituer une violation du pavillon impérial et une infraction aux traités.

Voici maintenant les conjectures auxquelles donne lieu l'attitude du consulat français à Gênes : On sait ici que, depuis quelque temps, la faction légitimiste italienne tenait un langage menaçant pour la France. Le Courrier des Marches et d'autres journaux que j'ai sous les yeux, ont annoncé qu'il avait fallu expulser de Rome le général Bosco, les deux frères Ulloa, le prince de S-g, un certain Dusdey et plusieurs autres chefs de trames, comme on les appelle. Peut-être le consul de Gênes aura-t-il pensé que les brigands em

barqués sur l'Aunis et signalés au marquis de Gualterio, s'enfuyaient de Rome pour y avoir commis quelque délit et afin d'échapper à la police française. Cette conjecture me paraît plus vraisemblable qu'un oubli des principes du droit maritime international. Il se trouvera des gens qui voudront faire de cet événement sinon un casus belli, au moins un sujet de brouille entre les deux gouvernements de France et d'Italie; mais on peut assurer d'avance qu'ils n'y réussiront pas. Les prisonniers seront réclamés, le ministère de Turin donnera l'ordre de les livrer immédiatement aux autorités françaises; mais, en même temps, il demandera leur extradition, et il est probable qu'après ces formalités dument remplies, les brigands seront renvoyés aux tribunaux de leur pays. Quant à l'intérêt que méritent ces cinq individus, vous en jugerez par l'abrégé suivant du dossier qui les concerne :

En 1854, lorsque la cause du brigandage n'était pas encore sainte, Cyprien et Jonas la Gala commirent ensemble un vol qualifié avec violence, pour lequel ils furent condamnés à vingt ans de travaux forcés. On ne dit pas s'ils ont obtenu leur grâce ou rompu leur ban; mais, en octobre 1860, ces deux hommes paraissent dans les provinces méridionales à la tête d'une bande armée, et commettent un nouveau vol qualifié avec violence et séquestration de personne, au préjudice du nommé Dominique Oreveto. Ils se cachent pendant quatre mois à la suite de cette affaire, et ne rentrent en campagne qu'au printemps. Du mois d'avril à celui d'août 1861, le nombre de leurs crimes s'élève à dix :

1° Vol qualifié et séquestration de personne au préjudice du nommé Vincent d'Anna;

2o Attaque à main armée, ayant entraîné la mort du militaire Raphaël d'Ambrogio;

3o Assassinat de plusieurs gardes nationaux, dont un est mort de ses blessures;

4o Attaque à main armée de la prison de Caserte, suivie de l'évasion des détenus. -Blessures graves à plusieurs militaires;

5o Assassinat avec préméditation du nommé Charles Lombardo. Pillage d'une maison au préjudice de la famille Piscinelli, de Forchia;

6o Attaque à main armée, ayant entraîné la mort du caporal Gritti, du 61° de ligne. -Blessures graves à deux soldats.

7° Vol, avec violence et blessures, d'une somme de 8,500 livres,

au préjudice des nommés Nicolas de Ferrante et Michel Serrino, de Vischiano;

8° Assassinat avec préméditation du nommé Gennaro Ferrara, du village de Cancello;

9° Attaque à main armée, ayant entraîné la mort de deux carabiniers;

10° Pillage à main armée de la commune de Cerano; incendie des archives de ladite commune.

Ce dernier crime et celui de la prison forcée à Caserte ayant fait grand bruit, Cyprien la Gala crut nécessaire de licencier la bande. Au mois de novembre suivant, il la rassemble de nouveau. Sa campagne d'hiver se réduit à trois expéditions:

1o Violence au préjudice de la nommée Madeleine Rusio.

2o Attaque à main armée ayant entraîné la mort du maréchal des carabiniers Godda.

3o Pillage à main armée et incendie d'une forêt, au préjudice du nommé Jean-Joseph Mascaro, de Sasso.

Enfin, pour clore dignement la liste, Cyprien la Gala, après un second intervalle de vacances, réunit une dernière fois sa bande en septembre 1862, et commet le plus beau de ses exploits, ainsi formulé par la procédure: «Vol par extorsion, avec enlèvement, séquestration de plusieurs personnes et mutilation de l'un des séquestrés.

Jonas la Gala, poursuivi pour avoir participé à la plupart des crimes énoncés ci-dessus, est, en outre, accusé pour son compte particulier, d'avoir commis un assassinat avec préméditation et un vol avec séquestration et mutilation au préjudice du nommé Philippe Rossi. Les autres accusés sont recherchés, l'un pour huit des chefs d'accusation et l'autre pour quatre seulement.

Si c'est ainsi qu'on va maintenant en paradis, il faut avouer que la nouvelle route en est ardue et difficile, et que peu d'honnêtes gens y entreront. Dans ma prochaine lettre je vous entretiendrai de choses bien différentes.

Recevez, monsieur, etc.

PAUL DE MUSSET.

LA CHALEUR ANIMALE

A PROPOS DES TRAVAUX SUR L'ÉQUIVALENCE DE LA CHALEUR
ET DU TRAVAIL MÉCANIQUE 1.

Parmi les phénomènes qui préoccupent aujourd'hui les savants, se place au premier rang la transformation de la chaleur en travail mé– canique; chacun commence à se familiariser avec l'idée qu'il existe un principe unique, une cause première dont les effets seuls nous sont sensibles et se manifestent à nous sous forme de chaleur, de travail mécanique, d'électricité, de lumière ou de force chimique.

Ces considérations éclairent d'un jour nouveau l'organisation animale, et permettent d'établir entre les phénomènes chimiques de la respiration, la chaleur animale et le mouvement, des relations encore peu connues, qu'il nous a paru intéressant de présenter au public.

I

De la chaleur animale. Température moyenne des animaux des diverses classes. Température minima et maxima qu'ils peuvent supporter. Causes de refroidis

sement.

Si nous touchons de la main un mammifère ou un reptile, nous éprouvons une sensation bien différente. La chaleur de l'un nous agrée, le froid de l'autre nous surprend et nous répugne. Nous reconnaissons à cette basse température un organisme différent du nôtre; et la sensation de froid que cause un serpent est pour beaucoup, sans doute, dans l'horreur qu'il inspire.

Longet, Traité

Béclard, de la

1. Verdet, Leçons sur la théorie mécanique de la chaleur. de Physiologie. Gavarret, de la Chaleur des êtres vivants. Contraction musculaire dans ses rapports avec la température animale. Archives générales de Médecine, 1861, 5e série, tome XVII.

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