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a motu sanguinem incalescere, etsi nondum constat, quare magis quam aqua, et quare non super certum gradum incalescere possit (1). En comparant ces explications à la manière dont Stevenson et Hamberger avaient caractérisé les réactions des matériaux du sang auxquelles ils rapportaient la calorification, on demeure convaincu que la physiologie fit un pas rétrograde le jour où les tendances des chimiatres furent remplacées par les explications sans portée et sans avenir des médecins mathématiciens et mécaniciens. Ces exagérations amenèrent une réaction qui envahit même les esprits étrangers à l'étude des sciences naturelles. D'Alembert fut révolté par cette manie d'appliquer l'algèbre à tous les phénomènes de la nature, qui poussait des hommes d'un grand mérite à chercher leur point de départ dans de vaines hypothèses, alors que l'expérience leur faisait défaut. On ne saurait trop applaudir à la sanglante ironie dont il flétrit ces vaines tentatives, d'autant plus dangereuses qu'elles cachaient le vide de la pensée première et l'erreur de la conclusion sous une apparence trompeuse de profondeur et de précision.

« On a voulu, dit-il (2), réduire en calcul jusqu'à l'art » de guérir, et le corps humain, cette machine si compli» quée, a été traité par nos médecins algébristes comme >> le serait la machine la plus simple ou la plus facile à >> décomposer. C'est une chose singulière de voir ces au>>teurs résoudre d'un trait de plume des problèmes d'hy

(1) Elementa physiologiæ, t. II, p. 307.

(2) Discours préliminaire de l'Encyclopédie, p. xi.

>> draulique et de statique capables d'arrêter toute leur » vie les plus grands géomètres. Pour nous, plus sages >> ou plus timides, contentons-nous d'envisager la plupart » de ces calculs et de ces suppositions vagues comme des >> jeux d'esprit auxquels la nature n'est pas obligée de se

>> soumettre. >>

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Opinion de J. Hunter. Hunter, qui s'est beaucoup occupé de la température des êtres organisés, dont nous avons déjà eu et dont nous aurons encore de nombreuses occasions de citer les travaux, a, lui aussi, cherché à établir une théorie de la calorification. Après avoir combattu l'idée de rapporter la production de la chaleur aux mouvements du sang et à l'influx nerveux, il ajoute (1): << Il est très probable que la production de chaleur dépend » de quelque autre principe, d'un principe si intimement >> lié à la vie, qu'il peut agir et agit en effet indépendam>> ment de la circulation, de la sensation et de la volition, » et qu'il est la force qui conserve et règle intérieurement » la machine. » Hunter ne s'est pas arrêté là; il a voulu déterminer le siége précis de cette force capable de produire de la chaleur. « Bien que, dit-il (2), d'après ce qui » a généralement été avancé sur ce sujet, on soit porté à » supposer que chaque partie est douée de cette faculté, >> je suis porté à croire qu'il existe une source principale » de chaleur, qui d'ailleurs n'a pas son siége dans le >> sang lui-même, car ce liquide n'est affecté par la cha>> leur animale que parce qu'il a sa source auprès de la

(1) Loc. cit., t. IV, p. 208. (2) Loc. cit., t. III, p. 377.

>> source de cette dernière. Il est probable que ce prin>> cipe réside dans l'estomac. » Enfin, Hunter, tout en reconnaissant que l'évaporation des liquides à la surface du corps des animaux est capable de les refroidir, ne veut pas considérer cette cause physique comme suffisante pour résister aux influences extérieures ; il veut (1) que les forces vitales jouissent de la propriété de détruire une certaine quantité de chaleur. Ces diverses assertions de Hunter ne servent qu'à démontrer combien ses doctrines étaient impuissantes pour rendre compte du grand problème qui préoccupait si vivement les physiologistes, et dont lui-même avait fait un des sujets de prédilection de ses recherches.

L'ordre chronologique nous amènerait à parler ici des travaux de Lavoisier; mais avant d'aborder l'exposition de recherches qui sont le point de départ de la théorie vraie de la calorification, il nous parait convenable de dire quelques mots de certaines doctrines qui ont eu quelque retentissement, bien qu'elles n'aient été émises que postérieurement aux belles découvertes du créateur de la chimie moderne.

Opinion de Bichat. -- Partant de ce principe que tout liquide, en se solidifiant, laisse dégager une certaine quantité de calorique qui, de latent, devient sensible, Bichat attribue la production de la chaleur animale à la solidification des éléments du sang dans l'acte de la nutrition. Bichat aurait dù comprendre que la théorie du renouvellement (1) Loc. cit, t. I, p. 336.

incessant des éléments organiques suppose nécessairement que la somme des matériaux qui, pour être éliminés, repassent de l'état solide à l'état liquide, est égale à celle des matériaux qui subissent la transformation inverse, sans quoi le poids de l'animal s'accroîtrait indéfiniment. Dès lors, la chaleur abandonnée par les liquides qui se solidifient doit être complétement absorbée et rendue latente par les solides qui se liquéfient, et il n'y a pas d'effet sensible produit.

Opinion de Boin. Boin, en considérant la chaleur animale comme le résultat de l'ensemble des actions d'innervation, de mouvement, de nutrition, etc., dont l'économie est le siége, n'a fait que dire, en termes un peu moins clairs, que l'animal, pour produire de la chaleur, doit être vivant; et c'est ce dont personne n'a jamais douté.

Travail de Brodie.-- Brodie a publié dans les Transactions philosophiques pour 1811, un mémoire traduit la même année dans la Bibliothèque britannique (1). Ce travail a eu un grand retentissement et est souvent invoqué par les physiologistes qui veulent attribuer au système nerveux le rôle principal dans la production de la chaleur animale. Dans une première série d'expériences, Brodie est arrivé à ce résultat que, chez un animal décapité après avoir prévenu l'hémorrhagie par la ligature des vaisseaux du cou, bien que la circulation continue et que la respiration soit entretenue artificiellement par insufflation, la température s'abaisse très rapidement,

(1) Bibliothèque britannique, 1811, t. XLVIII.

de manière à tomber de 37°,78 à 25°,56 en trois heures et demie dans un premier cas; de 37°,78 à 29°,44 en une heure quarante minutes dans un deuxième cas; et de 37,22 à 29°,44 en une heure vingt-cinq minutes dans un troisième cas. Brodie a ensuite comparé la marche du refroidissement sur deux animaux de même espèce et de même taille, tous les deux décapités après ligature préalable des vaisseaux du cou; seulement, tandis que l'un était abandonné à lui-même, on entretenait artificiellement la respiration de l'autre par insufflation. Dans deux expériences comparatives, Brodie a trouvé que l'animal insufflé se refroidit plus vite que l'animal abandonné à lui-même. La première de ces expériences a duré une heure quarante minutes, et l'écart observé entre les deux animaux a varié entre 1,11 et 1o,67; la seconde a duré une heure et demie, l'écart n'a oscillé qu'entre 0°,26 et 0,56, l'animal insufflé étant toujours plus froid que l'autre. Du reste, il fait observer que le sang artériel se maintenait rutilant pendant toute la durée de l'insufflation.

Brodie a publié un second mémoire traduit aussi dans. la Bibliothèque britannique (1), qui n'est que la continuation des expériences précédentes. Il commence par annoncer que la marche du refroidissement est la même chez l'animal insufflé, quand, au lieu de pratiquer la décollation pour supprimer l'action du cerveau, on éteint les fonctions de cet organe par l'inoculation d'un poison tel que le woorara ou l'huile essentielle d'amandes amères,

(1) Bibliothèque britannique, 1813, t. LII.

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