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de l'air inflammable (hydrogène), de l'air fixe (acide carbonique).

Après avoir lu ces belles observations, on s'attend à voir Priestley donner un dernier coup de pinceau au tableau, et énoncer nettement la vraie théorie de la respiration; mais, égaré par les fausses théories de son temps, il caractérisa ainsi cette grande fonction dont il avait si bien saisi les principaux phénomènes.

La respiration est un procédé phlogistique (1). Puisque toute la masse du sang passe par le poumon, et que là seulement il perd sa couleur noire pour devenir verineil, il lui paraît évident que le principal usage du sang est d'absorber, dans le cours de la circulation, le phlogistique dont le système abonde, et de s'en débarrasser ensuite en le communiquant à l'air avec lequel il se trouve en contact médiat dans le poumon. Le sang veineux est noir parce qu'il est saturé de phlogistique; le sang artériel est rouge, parce qu'il s'est débarrassé de son phlogistique. Au moment où il s'échappe des voies respiratoires, l'air est beaucoup plus phlogistiqué qu'avant d'y entrer. L'usage du poumon (2) est donc de décharger le corps animal du phlogistique qui s'était introduit dans le système avec les aliments, et s'y était pour ainsi dire usé; l'air qu'on respire faisant, dans cette occasion, l'office d'un menstrue. Il serait difficile de trouver dans la science un exemple plus éclatant de la fatale influence que de mauvaises doctrines régnantes peuvent exercer

(1) Loc. cit.., t. II, p. 281. (2) Loc. cit., t. II, p. 262.

sur un homme de génie, même quand il est parvenu à s'entourer de faits importants et bien observés.

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Antérieurement aux travaux de Priestley, Black avait déjà fait une très belle étude de l'acide carbonique, de sa combinaison avec les terres alcalines, et des circonstances diverses au milieu desquelles il peut prendre naissance. En 1757, après avoir constaté que cet acide. est irrespirable : « Je me convainquis, dit-il, que le changement produit sur l'AIR SALUBRE par l'acte de la >> respiration provenait principalement, si ce n'est unique» ment, de la conversion d'une partie de cet air en air >> fixe; car je trouvai qu'en soufflant, au moyen d'un »> tube, dans de l'eau de chaux ou dans une solution >> d'alcali caustique, je faisais précipiter la chaux et » perdre à l'alcali sa causticité (1). » Il est généralement admis que Black a considéré la production d'acide carbonique dans la respiration comme la vraie source de la chaleur développée par les animaux. Dans un mémoire publié en 1780 (2), et destiné à prouver que le phlogistique est l'agent unique de la production de chaleur chez les animaux, Leslie parle très longuement de cette hypothèse de Black qu'il considère comme très ingénieuse, et fait effort pour la réfuter. Cependant, quand on cherche à déterminer pour quelle part Black est réellement intervenu dans la théorie de la chaleur animale, on éprouve un grand embarras. Crawford, qui a tant écrit sur ce sujet de 1779 à 1788, ne parle nulle part des

(1) Bibliothèque britannique, 1805, t. XXVIII, p. 329. (2) Journal de physique, t. XV, p. 24.

opinions de son illustre compatriote. De la Rive, qui a soutenu sa belle thèse sur la chaleur animale en 1797, deux ans avant la mort de Black, ne parle de lui que dans une note de la page 53, pour dire que, le premier, il a découvert les phénomènes de la chaleur latente; et cependant cette thèse a été soutenue à Édimbourg, dans cette même université dont Black était, à cette époque, un des professeurs les plus éminents et les plus respectés. Black lui-même, dans ses Leçons de chimie, publiées en 1803, à propos de la chaleur spécifique des corps, cite les opinions de Crawford sur la théorie de la chaleur animale, et ne fait aucune espèce d'allusion à ses idées propres. Enfin, Robison, élève de Black et éditeur de ses Leçons de chimie, Robison, détracteur passionné de Lavoisier, qui n'a reculé devant aucun moyen pour faire croire que le grand réformateur de la chimie a pris dans les expériences de Black la majeure partie de ses belles découvertes et s'est approprié ses idées sans lui rendre justice, Robison ne cite pas un seul fait positif tendant à prouver que son maître a considéré la respiration des animaux comme la source de la chaleur qu'ils développent. En face de cette absence de documents authentiques et du silence gardé par Black lui-même dans ses leçons imprimées, il n'est pas permis de penser que ce célèbre chimiste ait, antérieurement aux travaux de Lavoisier, émis des idées précises sur la théorie de la chaleur animale.

Les expériences de Hales, de Boyle, de Cigna, et surtout les beaux travaux de Black et de Priestley, avaient appelé les esprits dans une nouvelle direction. Il n'était plus

question ni de l'effervescence, ni de la fermentation des chimiatres, ni du frottement des globules du sang contre les parois des vaisseaux capillaires invoqué par les iatromécaniciens. Les causes de la mort des animaux dans l'air confiné étaient connues; on savait qu'ils fournissent eux-mêmes, par la respiration, l'acide carbonique, le véritable agent de leur asphyxie; on connaissait l'oxygène ou la portion éminemment respirable de l'air atmosphérique : le terrain était préparé pour une grande découverte en physiologie. C'est en France que ce progrès allait être accompli; il était réservé à l'homme qui venait de renverser la doctrine surannée du phlogistique, de poser les bases inébranlables de la théorie de la respiration et de la calorification de cette même main qui traçait en caractères ineffaçables l'immortelle monographie de l'oxygène.

Travaux de Lavoisier. Tel était l'état de la question, lorsque Lavoisier entreprit ses recherches sur la respiration. Dans un mémoire intitulé: Sur la nature du principe qui se combine avec les métaux pendant leur cal cination et qui en augmente le poids (1), il constata que le gaz obtenu en décomposant l'oxyde de mercure par la chaleur (l'oxygène) entretient et même active la combustion des corps, et est plus propre que l'air ordinaire à entretenir la respiration des animaux. Il fit voir, en outre, que le gaz obtenu en réduisant l'oxyde de mercure par le charbon (l'acide carbonique) ne peut servir ni à la combustion des corps, ni à la respiration des ani

(1) Mém. de l'Acad. des sciences, 1775, p. 520.

maux. Deux ans après, il publia ses Expériences sur la respiration des animaux (1). Sous une cloche remplie d'air et renversée sur une cuve à mercure, il plaça de petits animaux. Après leur mort, l'air de la cloche était devenu impropre à la respiration; il ne pouvait plus servir à entretenir la combustion: il contenait de l'acide carbonique, et moins d'oxygène qu'à l'état normal. Il fit voir que, pour rétablir dans toutes ses propriétés ordinaires cet air vicié par la respiration, il est nécessaire, d'une part, d'absorber l'acide carbonique avec une lessive alcaline, d'autre part, de lui rendre une proportion d'oxygène égale à celle de l'acide carbonique enlevé. Il montra aussi que l'air commun qui a servi à la calcination du mercure éteint les corps en combustion et est impropre à la respiration. Mais, dans ce dernier cas, l'air ne contient pas d'acide carbonique; il n'est vicié que parce qu'il a été dépouillé d'une partie de son oxygène, et, pour lui rendre toutes ses qualités primitives, il suffit de le mélanger avec une proportion d'oxygène égale à celle que le métal a absorbée. La calcination des métaux et la respiration des animaux ont donc, l'une et l'autre, la propriété de rendre l'air irrespirable et impropre à entretenir la combustion, et l'altération que l'air éprouve dans ces deux cas peut être ainsi caractérisée:

1o La calcination des métaux dépouille l'air d'oxygène, laisse l'azote intact et ne dégage aucun gaz nouveau.

2o La respiration des animaux dépouille l'air d'oxygène, ne fait subir aucune modification à l'azote, mais

(1) Mém. de l'Acad. des sciences, 1777, p. 183.

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