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remplace l'oxygène disparu par un volume à peu près équivalent d'acide carbonique.

Pour démontrer que le dégagement d'acide carbonique constitue la seule différence réelle entre les effets de la respiration et de la calcination sur l'air atmosphérique, Lavoisier montra que: «Si l'on augmente ou si l'on >> diminue, dans une quantité donnée d'air de l'atmos» phère, la quantité d'air éminemment respirable (d'oxy» gène) qu'il contient, on augmente ou l'on diminue, >> dans la même proportion, la quantité de métal qu'on >> peut y calciner, et, jusqu'à un certain point, le temps » que les animaux peuvent y vivre (1). » Procédant avec sa réserve habituelle, il résuma ainsi l'ensemble des faits contenus dans ce mémoire (2): « Je me trouve conduit » à deux conséquences également probables et entre les» quelles l'expérience ne m'a pas mis encore en état de » prononcer. Il arrive de deux choses l'une, par l'effet » de la respiration ou la portion d'air éminemment » respirable (oxygène), contenue dans l'air de l'atmos

:

phère, est convertie en acide crayeux aériforme (acide » carbonique) en passant par le poumon; ou bien il se » fait un échange dans ce viscère d'une part, l'air émi>> nemment respirable est absorbé, et, d'autre part, le >> poumon restitue à la place une partie d'acide crayeux » aériforme presque égale en volume. >>

Cette même année, Lavoisier lut devant l'Académie des sciences son immortel mémoire sur la combustion en

(1) Loc. cit., p. 194. (2) Loc. cit., p. 191.

général (1). Il ne voulut pas quitter ce sujet sans appliquer sa doctrine à l'explication des phénomènes de la respiration, et posa en ces termes la théorie de la chaleur animale qui le préoccupait toujours : «J'ai fait voir, dit-il (2), que » l'air pur (oxygène), après être entré dans le poumon, en >> ressortait en partie dans l'état d'air fixe ou d'acide » crayeux (acide carbonique). L'air pur, en passant par >> le poumon, éprouve donc une décomposition analogue » à celle qui a lieu dans la combustion du charbon (3). >> Or, dans la combustion du charbon, il y a dégagement » de la matière du feu, donc il doit y avoir également » dégagement de la matière du feu dans le poumon dans » l'intervalle de l'inspiration à l'expiration, et c'est cette » matière du feu sans doute qui, se distribuant avec le » sang dans toute l'économie animale, y entretient une >> chaleur constante de 32" 1/2 environ au thermo. » mètre de M. de Réaumur. Cette idée paraîtra peut>> être hasardée au premier coup d'œil; mais avant de » la rejeter ou de la condamner, je prie de considérer » qu'elle est appuyée sur deux faits constants et incon

(1) Mém. de l'Acad. des sciences, 1777, p. 592. (2) Mém. de l'Acad. des sciences, 1777, p. 599.

(3) Pour bien comprendre la signification de ce passage et de beaucoup d'écrits de cette époque, il est nécessaire de se rappeler les idées admises alors sur la constitution des gaz. L'oxygène libre, par exemple, était composé d'un fluide base de l'oxygène uni à la matière du feu ou calorique. Lorsque l'action de l'oxygène sur le charbon donnait naissance à de l'acide carbonique, on disait alors que l'oxygène se décomposait, sa base se combinait avec le charbon, et la matière du feu, devenue libre, déterminait une production de chaleur.

» testables, savoir, sur la décomposition de l'air dans le >> poumon, et sur le dégagement de la matière du feu qui >> accompagne toute décomposition d'air pur, c'est-à» dire tout passage de l'air pur à l'état d'air fixe. Mais » ce qui confirme encore que la chaleur des animaux >> tient à la décomposition de l'air dans le poumon, c'est » qu'il n'y a d'animaux chauds que ceux qui respirent >> habituellement, et que cette chaleur est d'autant plus » grande que la respiration est plus fréquente, c'est-à» dire qu'il y a une relation constante entre la chaleur » de l'animal et la quantité d'air entrée ou au moins con» vertie en air fixe dans les poumons. »

Dans ces trois mémoires, Lavoisier n'avait pas seulement vérifié l'exactitude des observations de Hales, de Boyle, de Black, de Cigna et de Priestley, sur les altérations que subit l'air atmosphérique pendant la respiration; il avait découvert les véritables causes de ces altérations, il avait ramené les phénomènes chimiques de la respiration à une combustion de carbone, et dès 1777 (la date est importante) il avait montré que cette combustion respiratoire devait être considérée comme la source de la chaleur produite par les animaux. Rien de plus facile, du reste, que de démontrer la production de l'acide carbonique pendant la respiration.

On peut, pour cela, prendre deux verres contenant de l'eau de chaux (fig. 30). Dans le verre A, on fait passer l'air de l'expiration au moyen d'un tube placé dans la bouche; dans le verre B, on fait.arriver de l'air atmosphérique à l'aide d'un soufflet Un trouble se produit des deux côtés, mais beaucoup plus abondant dans

le verre A que dans le verre B; l'air de l'expiration contient donc beaucoup plus d'acide carbonique que l'air atmosphérique.

B

Fig. 30.

On peut encore placer un animal sous une cloche de verre A remplie d'air atmosphérique et renversée sur une cuve à mercure (fig. 31). L'eau du flacon B, en s'écoulant, détermine, à travers la cloche, un courant d'air qui sert à entretenir la respiration de l'animal. Cet air passe d'abord dans les tubes en U 1 et 2, remplis de pierre ponce imbibée d'une dissolution concentrée de potasse, et y abandonne tout son acide carbonique; il traverse ensuite l'appareil Liebig C sans troubler l'eau de chaux qu'il contient. A son arrivée dans la cloche, l'air est donc complétement dépouillé d'acide carbonique. Mais, au sortir de la cloche, cet air, altéré par la respiration de l'animal, passe dans l'appareil Liebig D rempli d'eau de chaux, et y détermine un précipité abondant de carbonate de chaux. Cette dernière

expérience prouve évidemment que la respiration des animaux, entretenue avec de l'air parfaitement pur, est une source incessante d'acide carbonique.

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Dans son grand travail sur la chaleur, lu devant l'Aca-. démie des sciences en juin 1783, Lavoisier reprit l'étude des causes de la chaleur développée par les animaux (1). Il se proposa d'abord de mesurer la quantité d'acide carbonique exhalé, et, par suite, la quantité de charbon brûlé par la respiration dans un temps donné. A cet effet, il se servit d'un appareil semblable à celui de la figure précédente. Le cochon d'Inde sur lequel il opérait était contenu dans une cloche de verre renversée et assujettie sur une cuve à mercure. L'intérieur de la cloche était continuellement balayé par un courant d'air pur qui, (1) Mém. de l'Acad. des sciences, 1780, p. 355.

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