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« J'ai prouvé, dit-il (1), que l'acide carbonique n'est pas » le résultat de la combinaison de l'air avec le carbone des » animaux, puisqu'il y a des faits qui démontrent l'acide >> carbonique déjà existant dans les animaux et qu'il en >> sort sous forme gazeuse. » Selon Spallanzani, l'acide carbonique était formé dans le tube digestif pendant la digestion, absorbé à la surface de la muqueuse intestinale, porté dans les vaisseaux sanguins, charrié par la circulation jusqu'à la peau et aux poumons, où il était ensuite exhalé. Cette doctrine est très clairement exposée dans le passage suivant de ses mémoires (2), dans lequel il veut expliquer l'absence complète de toute circulation et de toute respiration chez les limaçons pendant le sommeil de l'hibernation. « Quand les limaçons mangent, ce » qui leur arrive pendant plusieurs mois de l'année, ils » introduisent dans leur corps avec les aliments, par le » moyen de la digestion, l'azote et l'acide carbonique, qui » sont portés dans la masse des humeurs; ces humeurs les >> portent ensuite à la peau et les exhalent; autrement, en >> s'accumulant dans l'animal, ils le feraient périr. Afin, » donc, que ces deux principes sortent du corps dans la >> proportion déterminée, la circulation des humeurs est »> nécessaire, et par conséquent le mouvement du cœur. » Si donc ce mouvement cesse par le défaut de l'oxygène, » la circulation cessera; l'hydrogène, l'azote et l'acide >> carbonique ne seront plus chassés, et les limaçons pé>> riront. Mais si la saison se refroidit, ils cessent de man

(1) Loc. cit., p. 343.

(2) Mémoire sur la respiration, p. 329 et 330.

»ger et ils deviennent léthargiques. En cessant de manger, » ces deux principes, l'azote et l'acide carbonique, n'entrent » plus dans leur corps; ils n'ont plus besoin de les chas» ser. » Bien que Spallanzani ait donné une interprétation vicieuse de la plus belle de ses expériences, son travail n'en a pas moins fait faire un grand pas à la théorie de la respiration, en prouvant d'une manière irrévocable que l'acide carbonique ne se forme pas directement dans le poumon au moment de l'absorption de l'oxygène.

Travail de Berthollet.

Nous devons parler ici d'un beau travail de Berthollet (1) sur la respiration des mammifères et des oiseaux, publié en 1809. L'illustre chimiste ayant fait vivre les animaux dans un espace clos jusqu'à ce qu'ils donnassent des signes de défaillance, sans absorber l'acide carbonique produit, ni renouveler l'oxygène absorbé, ses résultats ne peuvent pas servir à déterminer les quantités absolues d'oxygène normalement consommé ni d'acide carbonique exhalé, mais ils sont d'une haute importance en ce qu'ils jettent un grand jour sur les phénomènes fondamentaux de la respiration. Berthollet a prouvé en effet :

1° Que, conformément aux résultats obtenus par Lavoisier, et contrairement aux assertions d'Allen et Pepys, et de Thomson, l'acide carbonique exhalé ne contient pas tout l'oxygène absorbé, et que, par suite, une partie de cet oxygène est employée à brûler l'hydrogène des matériaux du sang et à faire de l'eau;

(1) Mém. de la Soc. d'Arcueil, t. II, p. 454.

2o Que, contrairement à ce qu'avait annoncé H. Davy, l'animal, à l'état normal, exhale constamment une faible proportion d'azote.

Nous aurons occasion plus tard d'analyser les recherches de H. Davy et celles d'Allen et Pepys; mais nous ne pouvons pas nous empêcher de faire sentir combien les conclusions de ce travail presque oublié du chimiste français l'emportent en netteté et en exactitude sur celles que les savants anglais avaient déduites de leurs expériences, et qui, à notre avis, ont été accueillies avec trop d'empressement et de faveur par les physiologistes.

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Travaux d'Edwards. C'est seulement en 1824 qu'Edwards (1) reprit l'expérience fondamentale de Spallanzani, relative à l'origine de l'acide carbonique exhalé. Dans une cloche pleine d'hydrogène et renversée sur une

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cuve à mercure, il introduisit une grenouille placée sur un flotteur de liége (fig. 32). L'animal, avant son intro

(1) Infl. des agents phys. sur la vie, p. 441.

duction dans la cloche, avait été comprimé sous le mercure, de manière à chasser tous les gaz contenus dans ses poumons. La grenouille respira longtemps avec ampleur et régularité, puis les mouvements respiratoires se ralentirent et s'arrêtèrent complétement un peu avant la fin de l'expérience, qui dura huit heures trente minutes. L'animal fut alors retiré; il n'était pas mort: exposé à l'air, il revint peu à peu à son état habituel. L'analyse des gaz contenus dans la cloche fut faite avec soin. Edwards constata ainsi que, dans cette expérience, la grenouille avait expiré un volume d'acide carbonique supérieur à celui de son corps. La même expérience répétée sur d'autres reptiles, sur des poissons et des mollusques, donna le même résultat. Edwards (1) tenta la même expérience sur un jeune chat de trois à quatre jours, et constata que, dans l'hydrogène pur, cet animal avait exhalé un volume d'acide carbonique deux fois et demie plus considérable que la capacité de ses poumons. Ces expériences intéressantes, exécutées avec toute la rigueur désirable, prouvent la vérité de la doctrine de Lagrange. La combustion de l'hydrogène et du carbone du sang ne s'effectue pas dans le poumon, mais dans le torrent circulatoire, et surtout dans les capillaires, au moment de la transformation du sang artériel en sang veineux.

Pour Lavoisier, l'azote jouait un rôle purement passif dans la respiration; Spallanzani pensait que, selon les circonstances, l'azote est tantôt absorbé, tantôt exhalé. De

(1) Loc. cit., p. 454.

Humboldt, Davy, Pfaff (1) et Henderson, s'occupèrent des mêmes recherches et annoncèrent que la respiration s'accompagne d'une absorption constante d'azote. Berthollet et Nysten soutinrent la thèse contraire, tandis que Allen, Pepys et Dalton, revinrent à l'opinion de Lavoisier, en professant que, dans les conditions normales, la respiration n'altère pas sensiblement la proportion d'azote de l'air. Cependant, Allen et Pepys, ayant fait vivre un animal dans un courant de gaz oxygène qui contenait seu lement 5 pour 100 d'azote, constatèrent, dans ce cas, une exhalation considérable de ce dernier gaz. Ces deux expérimentateurs obtinrent le même résultat en plaçant un animal dans un mélange d'oxygène et d'hydrogène ; mais, dans cette dernière expérience, l'exhalation d'azote leur parut coïncider avec l'absorption d'une proportion considérable d'hydrogène. Edwards, à son tour, chercha à déterminer le rôle joué par l'azote dans la respiration; dans quelques-unes de ses expériences, il constata une absorption d'azote, et, dans d'autres, une exhalation évidente de gaz. Il vit aussi que, dans certaines circonstances, la quantité d'azote contenu dans l'air fourni à l'animal n'était ni augmentée ni diminuée.

Pour expliquer ces opinions contradictoires et les résultats de ses propres expériences, Edwards proposa (2) une vue très ingénieuse. Pour lui, dans le poumon, il s'effectue normalement un échange continuel entre l'azote extérieur et l'azote du sang; il y a donc à la

(1) Ann. de chimie, 1805, t. LV, p. 177.

(2) Infl. des agents phys. sur la vie, p. 420-436.

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