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maient leur atelier où ils végétaient péniblement, trouvaient, comme contre-maîtres ou employés dans les grands établissements, des positions plus tranquilles, souvent plus sûres et plus avantageuses que celles qu'ils avaient perdues. Eh bien, c'est précisément ce que M. Lexis dit des commerçants, et nous ne voyons pas pourquoi ce qui est bon pour la boutique serait mauvais pour l'atelier. - Mentionnons encore les développements dans lesquels l'auteur entre sur la spéculation et sur les crises.

Nous ne trouvons rien de particulier à relever dans le chapitre du commerce intérieur; l'auteur admet généralement la liberté et décrit l'organisation existante, que nous connaissons tous. Relativement au commerce extérieur, M. Lexis n'est ni libre-échangiste, ni protectionniste prononcé, il faudrait entrer dans trop de détails pour indiquer où il penche pour l'un ou l'autre système.

Cette même nécessité d'abréger nous empêche de regarder de plus près la monographie de M. Wagner sur les assurances. On sait que le savant professeur plaide en faveur de l'assurance par l'État; il penche aussi pour l'assurance obligatoire et pour maint autre principe socialiste. Mais ce ne sont là que des points qu'on peut appeler extérieurs; relativement à l'organisation même des assurances, M. Wagner ne peut que suivre la grande route, où nous nous rencontrons tous, plus ou moins souvent.

V. LA THÉORIE DE LA POPULATION, PAR M. G. RÜMELIN.

M. Rümelin donne d'abord un résumé de ce qu'on appelle actuellement la démographie, ou description de la population, telle qu'elle ressort des recensements et du mouvement; il est donc question des naissances, mariages et décès, de l'âge, du sexe, etc. Cette matière a été, depuis quelques temps, si souvent traitée, qu'on peut la considérer comme connue. Cette matière n'est d'ailleurs qu'un accessoire de l'économie politique; ce qui intéresse la science économique de bien plus près, ce sont les rapports entre la population et les subsistances. Arrêtons-nous donc un moment, non que M. Rümelin ait à dire des choses bien nouvelles sur ce point, mais il expose de nouveau les vérités acquises, des vérités utiles à répéter à plus d'un égard.

Lorsqu'on discute ce sujet, il est un nom qui se présente à tous les esprits, Malthus, parce que personne n'a mieux approfondi que lui cette question, qui a, d'ailleurs, été traitée dès l'antiquité. Malthus ne s'est pas borné à affirmer qu'il y a une relation entre la population et les subsistances, ce que tout Dictionnaire sait, puisqu'on y trouve les mots abondance, disette et famine; il a cherché à donner un corps à ce rapport, afin de le fixer dans nos 4 SÉRIE, T. XxxIII. 15 septembre 1883.

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mémoires. Il y a réussi, en mettant en regard les deux progressions: la progression géométrique et la progression arithmétique ? C'était un trait de génie qui lui assurera l'immortalité, abstraction faite de la vérité de sa thèse; qui se rappellerait Malthus sans les deux proportions? Il a cependant dit et répété qu'il ne fallait pas trop prendre ces progressions à la lettre, que ce n'était qu'une image, qu'un moyen mnémotechnique que de dire : la population augmente comme 2, 4, 8, 16, 32, les subsistances comme 1, 2, 3, 4, 5, 6.

On lui a cherché querelle parce qu'il a dit qu'en Amérique, ce qui est d'ailleurs vrai, on a vu la population doubler au bout de 25 ans; c'est une pure chicane, car le nombre d'années est ici indifférent! Mettez tout autre chiffre à la place de 25 ans, pourvu que les subsistances aillent moins vite, la proposition sera tout aussi vraie. Du reste, la plupart de ceux qui ont cherché à la réfuter ont répondu à côté, je le prouverais si c'était nécessaire. M. Rümelin trouve qu'il y a incontestablement en présence deux progressions différentes. Il demande, par exemple, si 1 million d'habitants, qui est libre dans son expansion, après avoir atteint 2 millions est épuisé? Ces 2 millions ne peuvent-ils pas atteindre 4 millions et ces 4 millions ne pas doubler et ainsi de suite tant que les vivres ne feront pas défaut ? Mais prenez un champ, il rapporte aujourd'hui 20 hectolitres de blé, pouvez-vous en porter le rendement à 40 hectolitres? Admettons les 40, pouvez-vous les doubler? Un seul exemple de ces 80 hectolitres vous est-il connu ? Mais vous connaissez des exemples d'épuisement du sol et l'on a même des preuves que trop d'engrais nuit. Nous en avons une preuve tout près de nous : les expériences de M. Moll à Vaujours, près Paris.

Quand au principe du rapport entre la population et les subsistances on oppose l'argument de l'émigration, sans le savoir — on s'avoue vaincu. Pour qu'il soit nécessaire d'émigrer, il faut que la fertilité du sol soit restée au-dessous de la fécondité de l'homme. L'argument de l'importation du blé est également une preuve de l'insuffisance du sol. L'importation supplée à sa pauvreté, lorsque la population augmente. L'Angleterre a presque vu tripler sa population depuis le commencement du siècle, mais son importation en blé s'est accrue en proportion. Pour chaque enfant qui naît actuellement en Angleterre, même en France, en Allemagne et ailleurs, il faut importer une portion de nourriture de plus, nous apprennent les statistiques. Aura-t-on toujours le moyen de payer ces importations?

On se rejette alors sur d'autres arguments. Malthus dit que la

balance entre la fécondité et la fertilité est rétablie par la sagesse (moral restreint), par le vice ou par des calamités, on trouve que d'autres agents encore contribuent à rétablir l'équilibre. M. Rümelin énumère, par exemple, comme obstacles à la multiplication des naissances: « la répugnance de se charger de beaucoup d'enfants, le désir d'avoir ses aises, d'augmenter ses jouissances, ses revenus, de ne pas être absorbé par les soins du ménage, ou par les soucis causés par la famille, la préoccupation de ne pas trop réduire l'héritage des enfants, de ne pas les faire descendre dans une couche sociale inférieure, de ne pas morceler ou disperser la propriété ». M. Rümelin reconnaît avec raison que la plupart de ces obstacles ne sont ni moraux, ni immoraux, mais ce n'en sont pas moins des obstacles sans lesquels les calamités d'un excès de population surviendraient infiniment plus tôt. D'un autre côté, Malthus ne parle que des subsistances; mais l'homme a d'autres besoins que les aliments, il faut encore le logement, les vêtements, le chauffage, l'éclairage, qui exigent un espace croissant avec la population (Malthus répondrait peut-être que « les subsistances » comprennent tout cela); puis avec la civilisation, avec une culture raffinée, les besoins deviennent de plus en plus exigeants, et rétrécissent l'espace dont chaque individu dispose. Enfin, M. Rümelin rappelle que les forêts diminuent et se demande s'il n'en résultera pas des influences fâcheuses sur le climat.

M. Rümelin s'étonne « qu'on ait besoin de tant de paroles pour prouver des choses aussi évidentes » (p. 1241). L'homme est poussé par un puissant instinct à se multiplier, et cet instinct ne montre dans la suite des générations aucun signe d'affaiblissement, tandis que l'espace se rétrécit devant les multitudes et que les provisions accumulées dans le sol s'épuisent. La vie doit donc devenir de plus en plus difficile, et si l'homme ne se gouverne pas avec sagesse, les calamités lui apprendront qu'il ne peut pas se multiplier au delà des subsistances.

Nous constatons avec plaisir que M. Rümelin se moque un peu de ceux qui abusent des périodes de doublement et croient littéralement que la France pourra contenir 100 millions d'habitants dans un, deux ou trois siècles, que d'autres pays auraient même des 500 et 600 millions. Nous avons montré quelque part que la formule de Ricardo sur la rente, la formule de Malthus concernant les deux progressions, la formule du doublement de la population, sont de simples illustrations, des images, des moyens d'enseignement, on pourrait dire, l'incarnation d'une vérité (et tout le monde sait que le corps est plus grossier que l'âme), afin de la rendre saisissable. Ces doublements, si l'on en poursuit

un peu l'idée dans l'avenir ou dans le passé, ne tardent pas à faire toucher à l'absurde. Dans le passé on rencontre du reste les checks, ou freins, dont nous menace Malthus, «< famines, épidémies, guerres, révolutions, persécutions, les vices et la misère »; dans l'avenir, peut-on se représenter l'Europe augmentant de quelques millions. d'habitants par an, de sorte que les 300 millions d'aujourd'hui seraient devenus 600 millions dans quatre-vingts ans? Que de catastrophes surviendraient pour empêcher cette impossibilité ! Pour ma part, j'ai beaucoup médité ce point, et je suis de plus en plus convaincu que les difficultés sociales de notre époque sont le résultat de la densité de la population.

Voici maintenant les conclusions de M. Rümelin. « La plus grande difficulté en matière de population, c'est de savoir comment on pourra reconnaître l'existence ou l'approche d'un excès de population et comment on pourra le combattre ou l'atténuer. On aura ici à considérer les choses les plus disparates: l'émigration, la colonisation, la liberté de se marier, la police relative à l'indigence, aux mœurs, à la santé publique, à la débauche; la recherche de la paternité, l'obligation de fournir des aliments, etc., matières sur lesquelles on ne saurait se prononcer en deux mots, ni se contenter de généralités, ni juger sans tenir compte des circonstances politiques et sociales de chaque cas particulier. En cherchant à embrasser par la réflexion, même sommairement, toutes les possibilités à considérer, on se sentira envahi par la conviction résignée que l'État moderne, avec ses principes humanitaires et sa liberté individuelle extrême, est assez perplexe et impuissant devant un aussi grand mal social, et que tout moyen imaginable qu'il voudrait employer serait tenu pour inefficace, ou pour choquant ou violent, c'est-à-dire que le remède serait lui-même un mal social, et que l'État devra se borner à laisser agir la tendance naturelle de la société à se guérir en atténuant autant que possible les souffrances causées par les freins. >>

Ce sont exactement les conclusions auxquelles je suis arrivé et que j'ai exposées dans mes travaux antérieurs.

MAURICE BLOCK.

LES

FINANCES DES COMMUNES EN PRUSSE

L'étude des finances des communes n'est pas aussi facile que celle des finances des Etats. Les documents manquent généralement, surtout quand il s'agit d'examiner l'ensemble des municipalités d'un grand pays. C'est seulement depuis quelques années que l'administration française résume dans le Bulletin de statistique du ministère des finances les traits principaux des finances communales. Dans le royaume de Prusse où cependant les questions statistiques sont traitées par des fonctionnaires fort éclairés, l'administration est toujours en retard pour les affaires municipales. Quand nous avons exposé dans ces colonnes (Journal des Économistes de juin 1882) les finances du royaume de Prusse, nos données relatives aux municipalités s'arrêtaient à l'année 1878. Nous possédons aujourd'hui les indications concernant l'année 1880-1881. Elles diffèrent peu dans leur ensemble de celles que nous avons résumées précédemment. Comme les récentes publications nous permettent d'entrer maintenant dans quelques détails, nous allons mettre les chiffres de 1880-1881 sous les yeux de nos lecteurs, en les accompagnant des faits relatifs à l'accroissement des dépenses communales.

La commune possède en Prusse, comme en France, un rôle important. Son budget est chargé de nombreuses dépenses, pour la voirie, les écoles, la police, l'assistance publique, etc. Comme les ressources proviennent principalement d'impôts directs, les charges municipales sont fort lourdes. Déjà souvent on a songé à une réforme. Le prince de Bismarck veut augmenter les contributions indirectes pour pouvoir alléger ou même supprimer la Klassensteuer et l'impôt municipal sur le revenu. La Klassensteuer est un impôt très dur. Le grand chancelier allemand l'a appelée une taxe barbare, reste de la féodalité. En 1880, sur environ 5 millions de contribuables soumis à cet impôt, on a exécuté 439 mille saisies. A Berlin, sur 355.992 contribuables, le nombre des poursuites s'est élevé à 393.837. Plus de poursuites que de cotes! Ce fait provient de ce que les poursuites sont faites pour les arrérages de chaque trimestre et peuvent par conséquent être exercées plusieurs fois en un an contre la même personne.

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