le-Bel. M. Gaberel de Rossillon a présenté un mémoire sur Jean Lecomte de Lacroix, ministre protestant du xvI° siècle. Mais ces communications s'éloignent trop du cadre de ce recueil pour que nous en présentions l'analyse; nous nous bornerons à les mentionner purement et simplement. III Dans une séance antérieure, M. Aucoc, étudiant les collections de la législation française antérieures à 1789 (v. Journal des Economistes, juin 1883, p. 384), avait signalé leurs lacunes pour les xvi, xvii et xvi siècles, et il avait exprimé le vœu que cette collection fût reprise et conduite jusqu'à la Révolution française. L'Académie des sciences morales et politiques, s'associant à ce vou, a décidé que cette collection serait reprise et conduite jusqu'à 1789. Après avoir obtenu de l'Académie des inscriptions et belles-lettres l'assurance que cette compagnie renonçait à continuer la publication du recueil de la législation française postérieure au xv° siècle et après avoir reçu du ministère de l'instruction publique la certitude que le gouvernement fournirait les moyens de continuer cette entreprise, l'Académie des sciences morales et politiques a décidé qu'elle se chargerait de la publication des documents de la législation française depuis la fin du règne de Louis XII jusqu'à la Révolution. Dans ce but, elle a nommé une commission composée de MM. A. Vuitry, Aucoc, Dareste, Fustel de Coulanges, Geffroy et G. Picot. L'Académie a perdu M. William Farr, élu correspondant pour la section d'économie politique en remplacement de M. Babbage, décédé le 4 mai 1872. Elle a élu correspondants pour la section de philosophie M. Secrétan et M. Flint. Enfin, l'Académie a entendu la lecture d'un Rapport sur le prix Jean Raynaud. Après une vive discussion, elle a décerné cette haute récompense par 21 voix (contre 12 données à M. Paul Leroy-Beaulieu) à M. Perrens, inspecteur de l'Académie de Paris, auteur de nombreux ouvrages historiques, notamment d'une Histoire de Florence et d'un important travail sur Étienne Marcel. JOSEPH LEFOrt. LE ROYAUME DE PORTUGAL SES RESSOURCES, SES COLONIES ET SON ÉTAT ÉCONOMIQUE Le Portugal est un des pays de l'Europe les moins connus. « Il appartient au domaine des touristes qui aiment à rencontrer l'imprévu soit sous le rapport de la nature, soit sous le rapport des coutumes et des mœurs. L'ancienne Lusitanie n'a pas encore perdu son originalité propre, sa couleur nationale et primitive; elle garde ses allures pittoresques plus peut-être que l'Espagne sa voisine, et les voyageurs la visitent avec cet intérêt de la nouveauté qui charme tant et qu'il est si rare de trouver aujourd'hui. Ces paroles de M. Germond de Lavigne, dans son excellente description du Portugal et de l'Espagne 1, sont une stricte expression de la vérité. Le Portugal avec ses quatre grands fleuves - le Tage, le Douro, la Guadiana, le Minho- et les trois cents cours d'eau qui en sont tributaires; avec ses lacs charmants, ses vallées délicieuses et ses gorges boisées; avec ses montagnes doucement inclinées vers la côte, recouvertes de châtaigniers, de chênes-lièges, de chênes et de sapins, le Portugal est un pays qui offre un genre de beauté tout particulier et très captivant. Peu de climats, d'ailleurs, sont plus heureux que le sien, bien qu'en été, parfois, la température soit très élevée et la chaleur accablante. Mais, en général, les vents de l'Atlantique tempèrent ces ardeurs estivales, et la neige ne tombe, en hiver, que sur les hauteurs. La région des plateaux seule offre des alternatives de froid et de chaud également intolérables; partout ailleurs le climat est salubre, doux, agréable, et l'étranger s'y accoutume très facilement. Il le trouve surtout délicieux dans les vallées côtières, si recherchées des phtisiques et des rachitiques. La population du Portugal était, d'après le recensement de 1878, de 4.550.000 habitants, y compris ceux de Madère et des Açores 2, tandis qu'elle était, en 1875, de 4.441.000, de 3.978.000 en 1864, et de 3.487.000 treize ans plus tôt. Cette population est fort peu dense et le Portugal n'entretient guère que 44 habitants par kilomètre carré, 1 Itinéraire de l'Espagne et du Portugal (Paris, Hachette et C2). 2 Boehm et Wagner. Die Bevolkerrung der Erde (tirage de 1882). 3 Gerardo A. Fery. Statistique du Portugal et de ses colonies (Lisbonne, 1875) 25 40 SERIE. T. XXIII. 15 septembre 1883. tandis qu'il en pourrait nourrir quatre fois autant. Elle est, en outre, fort diversement répartie entre les provinces ainsi, l'Alemtejo, dont les Charnacas (landes mouillées) engendrent des fièvres très pernicieuses et dont le sol est divisé en vastes domaines; l'Alemtejo nourrit relativement, malgré sa grande fertilité, sept fois moins d'hommes que la vallée du Minho où la terre est morcelée. De même, les 2.441.000 hectares les trois districts de Béja, d'Evora et de Portalègre ne renferment pas plus de 400.000 habitants. En d'autres termes, la province d'Alemtejo, quoique formant près d'un quart de la superficie du royaume, ne renferme que les neuf centièmes de la population, alors qu'au nord les districts littoraux d'Aveiro, de Braga, de Castello, de Porto, de Vianna comptent près de 1.200.000 habitants sur une aire d'un million d'hectares. Cette population est formée d'éléments ibères, celtiques, romains, auxquels se sont mêlés le sang arabe, le sang berbère et même le sang nègre. Aujourd'hui encore, elle reçoit de la Galice un fort courant d'immigration, et les Gallegos envoient dans les vallées du Douro et du Minho, des hommes de peine, des vendangeurs, des moisson neurs, des vignerons, des porteurs d'eau. Pour le dire en passant, Camoëns, le grand poète portugais, descendait d'une famille gallicienne dont le manoir touchait au cap Finisterre. Toutefois, il naquit à Lisbonne en 1424 ou 1425. Son contemporain Barros, l'auteur célèbre de l'Asie portugaise, est venu au monde à Viseu, dans le Haut-Beïra, province à moitié gallicienne, ainsi que celles du Bas-Beira, du Minho et de Tras-os-Montes. L'occupation principale des Portugais est l'agriculture, et le sol y est la véritable source de la richesse publique, bien que sa fertilité soit très inégale, suivant les localités, et que d'une province à l'autre les conditions du sol diffèrent beaucoup. Ce grand intérêt du pays a été longtemps négligé toutefois, et à l'époque de la grande splendeur coloniale du Portugal, alors qu'on dépensait des sommes exorbitantes pour l'érection des monastères de Belem, Batalba, Estrella, Mafra, l'agriculture languissait; les grands seigneurs abandonnaient leurs terres pour séjourner à Lisbonne; les terres devenaient incultes et la population rurale tombait dans une profonde misère. A la fin du siècle dernier et dans les premières années de celui-ci, elle périclita encore par suite de l'état de guerre et des dissensions intestines que le Portugal eut successivement à subir; ce ne fut guère qu'en 1852 qu'elle prit un essor régulier et continu. A dater de cette époque, de nouveaux moyens de communication s'ouvrirent; l'abolition des majorats et la mise en vente des biens de mainmorte affranchirent le sol; les terrains communaux furent mis en culture. Ces dispositions avaient facilité la transmission de la terre ainsi que sa division; la création d'écoles d'agriculture, de fermes-modèles, de sociétés agricoles, de concours régionaux, de banques rurales, de compagnies de crédit foncier fit le reste. La principale culture du Portugal est celle des céréales; elles abondent surtout dans les provinces d'Alemtejo, de Minho, de Beira-Alta et de Tras-os-Montes. Cette culture n'a cessé d'aller en croissant, depuis une trentaine d'années, grâce au défoncement des terres incultes et au défrichement des terrains de chasse; là où le chasseur venait jadis poursuivre le daim et le sanglier, on voit aujourd'hui verdir de riches moissons. La céréale dominante est le maïs, et le Portugal est, relativement à son étendue, un des pays qui en produisent le plus. Le froment est cultivé par tout le royaume; mais c'est surtout dans les districts de Béja, Evora, Lisbonne, Santarem, Portalègre et Faro qu'on le rencontre. Le seigle est particulièrement cultivé dans les régions froides et montagneuses; l'orge et l'avoine, dans l'Alemtejo, l'Estramadure, l'Algarve, et le riz s'est répandu dans les terrains marécageux des districts de Lisbonne, de Coimbre, d'Aveiro, de Leiria, d'Evora, de Faro et de Portalègre. Il a parfois envahi même des terres propices à la culture des autres céréales, mais qui, situées dans le voisinage des cours d'eau, pouvaient facilement s'irriguer. Le gouvernement a vu dans cette extension de la culture du riz un danger pour la santé publique; il a conséquemment interdit de faire des rizières dans les terrains secs, et il a même entrepris des travaux afin de dessécher, dans la plaine du Tage et dans celle du Mondejo, les terrains naturellement marécageux. La superficie des terres emblavées représente environ 1.150.000 hectares et, en somme, le Portugal ne produit point assez de grains pour sa propre consommation. Sur la liste de la production des céréales, par habitant, tant aux États-Unis qu'en Europe, ce pays ne vient qu'au vingt et unième rang sur vingt-six, ainsi que le montre le tableau suivant que nous empruntons à l'auteur de la Statistique du Portugal 1: 1 Ces chiffres, M. Gerardo Pery les a lui-même emprutés à la Statistique agricole internationale. La culture de la vigne remonte en Portugal à une époque fort éloignée et quelques systèmes de viticulture, comme aussi certains procédés de vinification encore en usage, révèlent une origine romaine. Les vignobles occupent une superficie d'environ 270.000 hectares et leurs produits donnent lieu à une exportation moyenne d'une valeur de 170.000.000 de francs. Les vins portugais, épais, foncés et spiritueux, sont fort recherchés en Angleterre et tout gentleman farmer, un peu aisé, croirait se manquer à lui-même s'il n'avait pas dans son cellier une barrique de vieux Porto. C'est le plus estimé de tous les vins du Portugal, qui se sont longtemps vendus sous ce vocable uniforme, mais que le commerce distingue aujourd'hui les uns des autres. Viennent ensuite par ordre de mérite les vins de Barraïda, connus au Brésil sous le nom de vins de Figueira, et les vins verts du Douro qui ne sont pas moins appréciés dans ce pays; ceux de Bucellas et de Carcavello qui sont blancs; les vins rouges de Barra è Barra, de Torrès, de Lavradio, de Collarès. Ces derniers, qui ressemblent beaucoup au Valdepenas espagnol, sont fort estimés des buveurs, et il n'en est pas différemment des muscats de Setubal. Mais la quantité qui se récolte de ceux-ci est si faible qu'il ne s'exporte pas de ces vins pour ainsi dire. Le rendement moyen de la vigne est de 27 hectolitres par hectare et l'on compte moyennement de 5 à 6.000 ceps par hectare. On compte en Portugal: 88.000 chevaux, 50.000 mulets, 135.000 ânes, 625.000 bœufs, 3.000.000 de moutons, 937.000 chèvres et 971.000 pourceaux. En bloc, ces chiffres ne font ressortir qu'une faible quantité de bétail dans le Portugal, par rapport aux autres nations européennes. Par 1.000 habitants, on compte en effet 1.202 têtes de chevaux, bœufs, moutons, etc., en Danemark; 803 en Bavière; 718 en Hongrie; 693 en Russie; 685 en Wurtemberg; 650 en Suède; 652 en Autriche; 650 en Norvège, etc., etc., contre 249 seulement en Portugal. Mais, si l'on sépare l'espèce bovine des autres espèces, le Portugal, au lieu de se classer au dernier rang des pays producteurs de bétail, se place au milieu de l'échelle en ce qui concerne l'espèce ovine et même au second en ce qui concerne l'espèce caprine. Au surplus, l'élève du bétail est en Portugal une industrie toute récente. Au commencement de ce siècle, on n'y élevait absolument que les bestiaux nécessaires aux besoins agricoles et à la consommation alimentaire du royaume, à part quelques chevaux qui se vendaient en Espagne et quelques moutons que l'on recherchait pour leur laine dans ce pays. De 1842 à 1851, l'exportation du bétail paraît n'avoir pas dépassé le chiffre de 500 à 600 têtes par an, d'une valeur moyenne de 120.000 francs. Mais l'année 1851 la vit s'élever à la valeur de 250.000 francs, seulement pour les bœufs expédiés en Angleterre, et ce chiffre devenait en 1856 d'environ 2.000.000; en 1876 de 8.776,000. L'année suivante elle tombait à 6.888.000; mais pour se relever |