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COMPTES RENDUS

LA RÉFORME PÉNITENTIAIRE.

Extrait de la Revue critique de législation

et de jurisprudence. Édition entièrement refondue et notablement augmentée, par M. de CHASSINAT. Brochure in-8, de 56 pages. (Paris, A. Cotillon et Ce, 1882.)

M. Léopold Chassinat donne pour devise à cette étude ces mots : « Que les lois pénales laissent à tous les condamnés au moins la liberté comme au bagne ». On verra plus loin ce qu'il entend par là. Il constate d'abord l'état de notre législation pénale au point de vue des moyens de répression, et il en conclut qu'il n'y a pas de proportionalité exacte entre le crime et la peine, ce qui lui paraît porter les natures perverses à aggraver le crime, la peine n'étant pas plus grande en ce dernier cas. Un tel effet est assurément fort contraire, l'auteur le déclare, aux intentions du législateur. Il justifie son assertion en affirmant qu'on vit plus longtemps et moins durement aux travaux forcés que dans la réclusion à terme des maisons centrales. C'est l'avis des condamnés eux-mêmes puisqu'on voit, chose anormale, des crimes commis en vue d'une augmentation de peine. En outre les maladies, à la Nouvelle-Calédonie, ne différent pas sensiblement de celles des colons libres, tandis que les prisonniers ont à subir une dure période d'acclimatation qui augmente la mortalité. A ce dernier point de vue, comme pour les souffrances endurées, nulle proportionnalité de la peine entre les détenus eux-mêmes. En effet, ceux qui sont condamnés à quatre ans ne sont guère plus exposés que ceux qui sont condamnés à deux, puisque c'est sur les deux premières années que cette période dangereuse fait sentir ses effets. Les hommes habitués aux métiers en plein air sont beaucoup plus souvent frappés par la maladie et la mort que ceux qui appartiennent aux professions sédentaires. Les jeunes gens sont aussi beaucoup plus sujets aux chances de mort que les hommes mûrs, les méridionaux que les gens du Nord, en raison de leur tempérament. L'auteur appelle ici les chiffres a l'appui de sa thèse. Il insiste sur ce qu'un tel système de peines ne peut être suffisamment moralisateur, et s'appuie sur le nombre des récidives. Il faudrait au moins assurer au libéré le moyen de vivre par son travail. C'est ce qui ne paraît non plus très facile; pourtant, le problème ne semble pas insoluble.

Le principe qui guide M. Chassinat est celui-ci : rendre la peine vraiment répressive, préventive et utile en tous les sens. C'est au travail, modifié d'une façon qu'il explique, qu'il s'adresse pour résoudre ce problème. En obligeant les condamnés à gagner leur nourriture par leur travail, on rend la peine plus répressive et aussi plus égale. On la rend

moralisatrice en faisant contracter des habitudes laborieuses qui proliteront à la sortie de prison. L'Angleterre et l'Allemagne sont citées ici comme exemples. L'emprisonnement ne supprime pas l'obligation et le droit de travailler, ni de vendre les produits du travail pour vivre. La société en profite comme les détenus. Les réclamations des ouvriers libres et des patrons sont, par conséquent, peu fondées contre cette légitime concurrence. Le travail forcé, appliqué dans le régime des prisons, prendra diverses formes; celle du pénitencier agricole colonial, préférable surtout pour les jeunes gens, à l'emprisonnement cellulaire; mais, pour les adultes criminels, une telle peine ne serait souvent ni assez préventive ni assez répressive. L'auteur revient ici à un moyen héroïque. Il y aurait lieu, à l'en croire, d'employer les criminels adultes dans les industries réputées insalubres et dangereuses qu'acceptent bien des ouvriers honnêtes et libres. Assurément la peine inspirerait, dans ce cas, une légitime terreur. Mais n'accuserait-on pas la société d'une dureté excessive? L auteur répond que l'on ne négligerait aucune des précautions de l'hygiène et de la sécurite usitées en pareil cas.

Quant à la devise qui fait allusion à la liberté comme au bagne, l'auteur la défend en soutenant que le prisonnier, privé de la liberté de faire le mal, n'a pas assez la liberté de bien faire. Au repos forcé qui énerve, corrompt, tue peu à peu, il entend substituer tout un système d'action forcée où entre, avec le travail, l'exercice en plein air. La peine sera plus moralisatrice ainsi. On peut se demander si les moyens de réalisation sont faciles et si l'auteur établit réellement de la sorte l'unification de la peine. Ce rude système de travail ne sera-t-il pas aussi plus dangereux et plus pénible selon les tempéraments, les habitudes, etc.? Tout ce qu'ajoute l'auteur sur les moyens de faciliter une sorte d'entraînement au bien, l'instruction, les lectures, les études les classes, est également inspiré par un fond d'idés honnêtes et élevées, mais d'une application qui rencontrera peut-être plus d'un obstacle. En tout cas, c'est un travail sérieux que celui de M. Chassinat et il y a lieu de poser de telles questions et de s'en occuper. Autant en direns-nous des moyens d'assurer l'existence du condamné libéré pendant un temps, de mettre un peu de travail à sa disposition dans une colonie ou dans des chantiers spéciaux. M. Chassinat voudrait aussi que les pénitenciers agricoles fussent des écoles de colonisation. Ces idées, et quelques autres sur les récidivistes, méritent d'ètre sincèrement examinées. On peut y trouver les germes d'utiles réformes. H. BAUDRILLART.

Répertoire du DROIT ADMINISTRATIF, par M. LÉON BEQUET, maître des requêtes au conseil d'État, avec le concours de M. PAUL Dupré, conseiller d'État. Tome II, en cours de publication (1er fascicule). In-4. Paris, Paul Dupont, éditeur, 1883.

Nous venons de recevoir le fascicule du tome II d'une œuvre considérable que M. Léon Béquet, maître des requêtes au conseil d'État, a entreprise avec le concours de M. le conseiller Paul Dupré et d'une de collaborateurs appartenant au grand corps dont M. Léon Béquet est l'un des membres distingués. Il s'agit là d'une œuvre fort étendue, car elle doit former environ dix volumes comprenant chacun huit cents pages, et très nouvelle, car un répertoire analogue nous a manqué jusqu'à ce jour pour le droit administratif. Assurément les traités spéciaux abondent sur telle ou telle branche de ce droit et nous avons en outre des traités généraux, ceux de M. Batbie, de M. Dufour, de M. Ducrocq, les conférences si justement réputées d'un maître éminent entre tous, M. Aucoc1. Ces divers travaux ont fait grand honneur à la science des jurisconsultes qui les ont écrits et rendent de précieux services. Nous avons d'autre part des dictionnaires d'administration tels que celui de M. Blanche, et l'ouvrage excellent de M. Maurice Block, qui est aussi un répertoire que nous consultons toujours avec fruit. Mais le dictionnaire essentiellement pratique de M. Maurice Block est contenu tout entier dans un volume de dix-huit cents pages, tandis que le répertoire de M. Léon Béquet en doit avoir huit mille, et notez qu'une page du répertoire de M. Béquet renferme presque deux fois autant de substance qu'une page du dictionnaire de M. Block. Ces deux ouvrages si diversement utiles ne sauraient ainsi se faire concurrence ni se suppléer; ils répondent l'un et l'autre à des besoins différents.

Le Répertoire du droit administratif est divisé en mots classés selon l'ordre alphabétique, et chacun de ces mots, ou, pour parler plus exactement, chacun des articles dont ce mot il est le titre ou la rubrique est en réalité une monographie dans laquelle les dispositions des lois, des décrets et des ordonnances, les arrêtés et les circulaires ministérielles, les décisions au contentieux et les avis des sections administratives du conseil d'État, les arrêts de la cour de cassation et des cours d'appel sont analysés, commentés en détail ou même intégralement repro

1 Conférences sur l'administration et le droit administratif faites à l'école des ponts et chaussées, par M. Léon Aucoc, membre de l'Institut, ancien président de section au Conseil d'État. Trois volumes in-8, Paris, Dunod. Le tome III, dont l'auteur a publié en 1882 une édition nouvelle et refondue, contient l'analyse admirablement précise, lucide et complète de toute la législation des chemins de fer, de leur régime et de leur histoire dans notre pays. - Le tome IV, sous presse, doit traiter de la voirie urbaine et vicinale et des eaux.

duits. Tel de ces articles est proprement un traité complet de la matière, avec sa table et son index bibliographique. Il nous suffit de citer, dans les fascicules qui ont paru, l'article Agent diplomatique et consulaire de M. Georges Bousquet, l'un des savants collègues de M. Béquet, celui de M. Gabriel Richou sur les Archives, et le grand article Algérie, de M. Béquet et de M. Marcel Simon, auditeur au conseil d'État. Cet article à lui seul occupe près de quatre fascicules et trois cents pages du répertoire. Songez que, s'il était imprimé dans le format ordinaire, ce serait un énorme livre in-8° de mille à douze cents pages!

Le Répertoire du droit administratif a commencé de paraître, il y a quelques mois à peine, et sa réputation s'établit rapidement. Ce sera demain une œuvre classique, une encyclopédie tout ensemble scientifique et usuelle, une sorte de Dalloz administratif, dont la place est marquée, on peut le dire, dans les bibliothèques des fonctionnaires, des hommes politiques, des légistes, ou même simplement des hommes éclairés qui, faisant partie de conseils électifs, veulent connaître avec précision les règles compliquées, délicates et multiples qui président à l'instruction et à la solution des affaires sur lesquelles ils ont à statuer ou à exercer leur contrôle. Jadis, en effet, la science de l'administration publique était une science à peu près fermée. Elle ne livrait guère ses secrets qu'à ceux qui avaient mission pour en faire usage. Il n'en est plus de même aujourd'hui que le plus obscur électeur peut prendre sa part ou sa parcelle d'action et de responsabilité dans la conduite des affaires de sa commune, de son département, de son pays. Et quels développements cette science du droit administratif a reçus depuis quatre-vingts ans ! Elle a subi, elle aussi, la conséquence de la prodigieuse révolution qui s'est accomplie dans l'ordre des phénomènes économiques. C'est ainsi que l'essor des chemins de fer a produit tout un vaste ensemble de législation, de réglementation, de doctrine et de jurisprudence très ardu, très touffu, qui s'accroît et se transforme de jour en jour, et qui suffirait à occuper l'activité d'un homme d'étude or, tout cela date de quarante ans à peine! Et le crédit public, et l'instruction nationale, et tant de branches nouvelles que nous voyons presque chaque jour naître et grandir avec une étonnante promptitude! Autant de législations et d'administrations distinctes dont la connaissance ne s'impose pas seulement aux hommes d'affaires, aux juristes ou aux membres de nos assemblées politiques, mais intéresse aussi les économistes, car il y a entre les phénomènes que l'économiste étudie et les mesures que le législateur édicte et que l'administration réalise, il y a des affinités nécessaires, des relations de causes à effets, et l'échange incessant d'une influence inutuelle.

BÉRARD-VARAGNAC.

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Le cumul, discours de M. Frédéric Passy. — M. Pieyre et l'allemand MalRetrait de la prohibition des viandes de porc d'Amérique. — Ce

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qu'a coûté la guerre de 1870. Le nouvel emprunt russe et la dépréciation du papier-monnaie. Pourquoi les protectionnistes moscovites ne sont pas contents.-L'augmentation du droit sur les charbons étrangers en Russie. Les clauses du traité de paix entre le Chili et le Pérou. - Le congrès des colonies australiennes. Aperçu statistique de la situation de ces colonies. — Un roi de Siam ami du progrès. Le message du président des Etats-Unis et la situation des partis au point de vue de la réforme du tarif. — Le mobilier de la « Maison Blanche >>.

Le Sénat et la Chambre des députés se sont occupés de diverses questions qui rentrent d'une manière plus ou moins directe dans la spécialité de notre journal, conventions avec les compagnies de chemins de fer, suppression des livrets d'ouvriers, crédit agricole, création d'un nouveau titre pour les matières d'or et d'argent, cumul, etc. Nous allons les passer sommairement en revue.

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Le Sénat a adopté à la presque unanimité les conventions avec les compagnies de chemins de fer. On sait que la question se posait exclusivement entre deux systèmes : la construction et l'exploitation des chemins de fer par l'État et l'association de l'État avec les compagnies. C'est ce dernier système qui a prévalu et nous ne nous en plaignons pas. Il est évident qu'à tous les points de vue, on devait le préférer à l'accaparement des chemins de fer par l'État. On doit souhaiter même que celui-ci ne tarde pas plus longtemps à se dessaisir de son réseau. Comme le remarque notre confrère M. Alfred Neymarck (journal le Rentier), ce réseau lui a fait perdre plus de 56 millions depuis 1878 et il confirme pleinement en matière d'exploitation ce que disait ici même M. Léon Say, << que les chemins de fer de l'État sont un modèle, mais un modèle à ne pas suivre ».

Cependant, il ne s'ensuit pas que le système adopté en France pour la construction et l'exploitation des chemins de fer soit le plus

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