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Cadix, la guerre allumée de l'une à l'autre extrémité de la péninsule, tout système financier disparut, on se procura des ressources par tous les moyens possibles et on dut renoncer à un régime douanier, rendu d'ailleurs inutile par la destruction des relations commerciales.

La paix fut enfin rétablie en 1814 avec l'abdication de Napoléon ler; la nation espagnole recouvra son indépendance, et l'autorité légitime étant restaurée dans toute la monarchie, on put s'appliquer à reconstruire l'édifice de l'administration publique, en mettant de nouveau en vigueur ou plutôt en faisant observer strictement la législation douanière non encore abrogée.

Mais les idées et les pratiques de gouvernement avaient beaucoup changé dans l'intervalle, et quoique les gouvernants de l'époque fussent réfractaires à tout progrès politique et économique, ils pressentaient déjà le principe de l'unité administrative. On éprouva donc le besoin d'uniformiser la législation douanière; à cet effet on créa, par arrêté royal du 13 avril 1816, une Commission de tarifs, qui procéda à la formation d'un tarif général pour tout le royaume, y compris les possessions. d'outre-mer.

La commission était occupée à cette tâche lorsque l'insurrection du colonel Riégo amena le rétablissement du système représentatif, inauguré en 1812, au milieu des horreurs de la guerre, et aboli avec tant d'ingratitude par le roi Ferdinand VII. Les Cortès se réunirent immédiatement et une de leurs premières résolutions fut d'adopter l'œuvre de la Commission des tarifs, en promulguant cette même année (1820) le système général des douanes de la monarchie espagnole dans les deux hémisphères, qui supprimait toutes les douanes intérieures, soumettait la Navarre et les provinces basques à la législation générale et établissait un seul tarif pour toutes les côtes et frontières, tant de la Péninsule que d'outre-mer.

Vaste réforme qui, par la simplification qu'elle portait dans le régime douanier, par les facilités qu'elle donnait au commerce colonial en considérant comme du cabotage la navigation entre la métropole et ses possessions de l'Amérique et de l'Océanie, constituait un progrès sérieux.

Malheureusement, cette réforme avait encore des défauts qui annu. laient en grande partie ses avantages.

D'abord, elle pêchait par un excès d'unification, puisqu'on étendait le tarif de la Péninsule à des contrées si éloignées et si différentes, telles que le Mexique, la Californie et toute l'Amérique du sud, les Antilles et les Philippines.

De plus, elle introduisait dans la législation douanière l'instabilité, si nuisible aux opérations commerciales, en stipulant que les tarifs seraient ratifiés ou rectifiés tous les ans par les Cortès.

Enfin, elle s'inspirait trop des idées protectionnistes; car, si elle fixait le maximum des droits d'importation à 30 0/0 et des droits d'exportation à 10, elle imposait encore un droit de consommation de 15 0/0 sur les denrées coloniales, en comprenant dans cette catégorie un grand nombre d'articles provenant de l'Amérique espagnole, et surtout elle renfermait 675 prohibitions à l'entrée et 18 à la sortie, de sorte qu'elle était plus restrictive que la compilation déjà citée de 1782.

Encore les législateurs, non satisfaits de la protection qu'ils voulaient accorder à l'industrie nationale et peut-être guidés aussi par des antipathies contre la France et l'Angleterre, précisément les deux nations avec lesquelles l'Espagne fait la plupart de ses échanges, rendirent le 20 et le 23 novembre 1820 deux décrets interdisant l'entrée du coton brut étranger, excepté de Pernambuco, de l'Inde orientale et de l'Asie mineure, ainsi que des cuirs et des peaux tannées, des comestibles, de l'eau-de-vie, du sucre, du café, du safran et des confitures, et taxant le beurre, le fromage, la morue et le vin d'un droit de 30 0/0, qui fut après élevé à 48 pour la morue. Puis on ajouta de nouvelles prohibitions pour les manufactures de soie, de laine, de chanvre et de lin, les cordages, les chapeaux, les bonnets, le papier, le fer en lingots et en ouvrages mécaniques, à l'exception des machines et des instruments fins des arts. Enfin on défendit l'introduction du bétail de toute espèce.

III.

L'intervention française de 1823 renversa l'organisation politique qui avait donné naissance à ce système douanier, et un arrêté royal du 19 octobre 1825 établit le Real Arancel general d'entrée des fruits, denrées et articles de l'étranger, le déclarant en vigueur dans toutes les douanes du royaume à partir du 1er janvier 1826. Comme le titre même l'indique, cet Arancel (tarif) se rapportait seulement à l'importation 1 et ses prescriptions ne s'étendaient qu'aux douanes de la Péninsule, des îles Baléares et des Canaries, la Navarre et les provinces Vasques étant réintégrées dans leurs privilèges. Il reproduisait, avec de légères variations, la structure de celui de 1820 et comprenait 2.137 articles admis au trafic, avec trois évaluations différentes, selon que leur introduction aurait lieu par les douanes de Barcelone, de Malaga ou de Santander, ce qui était une anomalie très nuisible au commerce. En outre, il y avait 653 prohibitions, quelques-unes aussi puériles que celles des aiguilles, perruques, lanternes de papier, limailles de fer, masques, poupées, pains à cacheter, cure-dents, souricières, etc.

Pour l'exportation, on laissait subsister celui de 1802, déjà cité.

2 On supprima plusieurs de ces prohibitions et on en ajouta d'autres par le supplément publié le 1er janvier 1827.

Cependant, la perte déjà définitive des vastes possessions espagnoles de l'Amérique continentale adoucit dans la pratique la rigueur du système protectionniste, et on permit l'introduction de plusieurs articles jusqu'alors défendus, tels que le coton brut ou filé sans limitation de nationalité ni de quantité, certaines classes de manufactures de fer et d'étoffes de laine, le sucre et le vin sans distinction de provenance.

On réduisit aussi considérablement, pour presque tous les articles, les droits imposés par le tarif de 1820, en les augmentant seulement pour un très petit nombre d'articles de grande consommation, parmi lesquels la morue, sans doute dans le but d'obtenir des recettes plus fortes.

De sorte que, pris dans son ensemble et comparativement, le tarif de 1826, malgré le rétablissement des privilèges de la Navarre et des provinces vasques, fut un vrai progrès, qui se traduisit, comme c'était naturel, par une plus grande activité de la circulation commerciale.

D'ailleurs, ce tarif fut modifié par plusieurs dispositions postérieures et devint de moins en moins restrictif. Ainsi, en 1824, à l'occasion d'une grande cherté des céréales, comme celles qui se produisent périodiquement en Espagne, on déclara libre le commerce intérieur de cet article.

Mais cette mesure libérale ne fut pas la seule dont l'Espagne ait été redevable à un gouvernement où luttaient deux tendances contraires, la tendance relativement libérale du ministre des finances, Ballesteros, et la tendance autoritaire de ses collègues.

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On permit aussi la sortie de toute espèce de bétail, - bœufs, chevaux, chèvres et porcs, l'achat et l'élaboration de la soie dans toute la Péninsule; la libre circulation du vin, du vinaigre et de la viande 3; le libre trafic des citrons et des oranges, du poisson, de la soude, des chiffons et du chanvre, des graines, des semences et de leurs farines; enfin, de tous les articles à manger, à boire et à brûler.

Vainement la corporation des viticulteurs de Palencia demanda que le commerce, le trafic et la vente du vin fussent défendus; non seulement on rejeta leurs réclamations, mais encore on dérogea à toutes les ordonnances qui réglementaient la fabrication du vin, en ordonnant que les vignerons pourraient commencer les vendanges à l'époque et de la manière qu'ils croiraient convenables.

Vainement aussi le maire de Malaga mit des obstacles au trafic des citrons et des oranges; on révoqua les mesures qu'il avait prises dans ce but, « parce qu'elles étaient absolument contraires aux lumineux et

1 Arrêté royal du 16 mars 1827.

2 Arrêté royal du 28 mars 1827. Arrêté du 20 août 1827.

4 Arrêté du 7 février 1829.

5 Arrêtés royaux des 28 septembre, 21 octobre, 23 novembre et 10 décembre 1833.

salutaires principes de l'économie politique, aux droits les plus sacrés de la propriété, et à l'esprit et la lettre de la législation espagnole. >>

Ce sont les termes textuels de l'arrêté royal qui fut expédié à cette occasion. Ils font honneur au ministre qui le rendit, et ils pourront servir à atténuer les reproches que la postérité ne manquera pas de lui adresser pour avoir autorisé la création à Séville d'une École de tauromaguia (art des courses de taureaux).

Mieux encore on renonça au droit dit de bolla, perçu sur chaque quintal de laine qui de Castille et autres provinces de ce royaume passait en Catalogne par terre, tandis que les laines extraites de Castille pour l'étranger ne payaient rien, et on affranchit de toute taxe le sucre, le cacao et la cannelle qui, provenant de l'Amérique, seraient transportés de Castille ou de quelque autre lieu du royaume en Catalogne 1; mesures très simples en apparence, mais qui venaient renverser une grande ligne de douanes intérieures.

L'abolition de tant de restrictions devait amener une simplification administrative; en effet, on s'aperçut bientôt que le nombre des douanes existantes était excessif; on en supprima quelques-unes, parmi lesquelles celles qui étaient établies sur les frontières d'Estremadura aveo le Portugal, et on ordonna à la direction générale des douanes d'aviser aux moyens de supprimer toutes celles qui seraient reconnues inutiles. La terrible guerre de succession qui survint peu de temps après (1834), à la mort du roi Ferdinand VII, ne permit pas de marcher dans cette voie; mais, si la législation spéciale des douanes resta intacte, la législation générale de l'industrie subit de grandes et salutaires réformes, telles que la liberté d'ouvrir des auberges et des hôtelleries, de fabriquer et introduire des cristaux dans Madrid et ses environs, de vendre des laines sans le privilège de retrait, etc,, etc., réformes qui, jointes à l'abolition des corporations privilégiées, qui affranchit les arts et métiers, et à la promulgation du Code de commerce, encore en vigueur avec quelques modifications, devaient exercer une heureuse influence sur cette branche de la production de la richesse.

En résumé, ce fut une période de progrès dans la politique économique, qui favorisa beaucoup le développement des relations commerciales, en compensant les entraves qu'elles trouvaient ailleurs, d'abord dans la réaction absolutiste de 1823 à 1834, ensuite dans la lutte sanglante que les défenseurs de la liberté eurent à soutenir pendant sept années contre les partisans du droit divin.

MARIANO CARRERAS Y Gonzalez.

1 Arrêtés royaux des 14 janvier et 29 mars 1831.

LE 16° CONGRÈS DES TRADE'S UNIONS

Le seizième Congrès des Trade's Unions s'est réuni, cette année-ci, à Nottingham, le mercredi 11 septembre, sous la présidence provisoire de M. J. Inglis, membre de la Société des forgerons écossais. M. Inglis a ouvert les travaux de la session par le Rapport du comité dit parlementaire de l'Association, sur les travaux de la législature anglaise depuis la dernière session du Congrès, en tant que ces travaux intéressent, ou sont censés intéresser, les classes ouvrières du Royaume-Uni. Le Rapport de M. Inglis mentionne les cinq lois de cette sorte que le Parlement a rendues pendant la dernière session. Ce sont : la loi des banqueroutes, Bankruptcy Act; - la loi qui modifie la législation antérieure sur les manufactures et les ateliers, the Factory and Workshops Amendment Act; les lois enfin qui concernent les bateaux de pêche, the Fishing Boats Act; qui interdisent le payement des salaires dans les lieux publics, et qui s'occupent des pratiques de corruption électorale, Corrupt Practices Act; la loi enfin qui réduit, dans certains cas, le montant des brevets d'invention. On est unanime à reconnaître que trois de ces mesures législatives intéressent vivement les ouvriers; mais on n'aperçoit pas aussi bien, au premier abord, comment la loi sur les banqueroutes et celle sur les pratiques de corruption électorale peuvent les affecter. Le Rapport de M. Inglis ne fait cependant aucune distinction entre ces deux catégories de mesures : il s'étend même longuement sur les avantages que l'application des unes comme des autres doit procurer aux personnes qui touchent des salaires hebdomadaires. Quoi qu'il en soit, il est certain que la nouvelle loi sur les brevets, en réduisant de 25 à 4 livres sterling le droit payable pour l'obtention d'un brevet d'invention d'une durée de quatre ans, est très favorable à l'inventeur pauvre, et les nouvelles dispositions concernant les fabriques de fer-blanc et les boulangeries ont été unanimement considérées par les ouvriers de la Grande-Bretagne comme protectrices de leur santé, de leur vie même. Le Fishing Boats Act met un terme à l'horrible exploitation de l'enfance, qui se faisait sur les bateaux de pêche, et il y a bien longtemps que l'opinion publique s'élevait, dans l'intérêt de la morale et dans celui des ouvriers, contre l'habitude qui s'était introduite en beaucoup d'endroits de payer le salaire dans les cabarets et les auberges.

La présidence définitive de l'assemblée ayant été dévolue à M. Smith, celui-ci a prononcé le discours d'ouverture inaugural Address

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