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Envers lui seulement quelque sévérité
Tempère sa faiblesse et son trop de bonté.

Le grand mal! Il en rit, et, s'armant de courage,
Attend que l'arc-en-ciel ait dissipé l'orage;

Qu'il se fâche, un baiser met fin à leurs débats.
Il faut bien se passer quelque chose ici-bas!

J'ai ma vieille servante, à moi, qui me bougonne Parfois, pour moins que rien prend des airs de dragonne, S'en va criant bien fort que je sens le roussi,

Et je ne voudrais pas qu'il n'en fùt pas ainsi.
J'aime son parler franc, brutal, et la coquine
Sait très-bien qu'il me faut quelqu'un qui me taquine,
Me contrecarre un peu, beaucoup, et sans façon,
Comme au premier venu me fasse la leçon.
C'est là ma vie. A tout notre esprit s'habitue
(Martine avec raison voulait être battue).
Forte et dure au travail, elle est là qui sans bruit
Range tout, au besoin me veille jour et nuit,
Souffre de mes douleurs, rit de ma joie et m'aime
Comme son propre enfant, cent fois plus qu'elle-même.
Croyez-vous qu'une jeune, au parler doucereux,
Au maintien compassé, me rendrait plus heureux?
Une jeune? Bon Dieu! Ne savoir sur ma chaise
Comment me retourner pour m'étendre à mon aise
Sans blesser son regard pudiquement baissé,
Pour un mot malsonnant, un geste déplacé,
Endurer tout un jour de feintes bouderies,
Me morfondre à part moi de ses minauderies,
Sinon dupe, toujours victime de son jeu,
Et n'avoir à causer, l'hiver, devant mon feu,
Ni des jours d'autrefois ni des choses courantes.....
Mieux nous vaudrait parler des langues différentes :
Nous aurions plus de chance à nous entendre mieux.

Deux bons bras, un bon cœur valent bien deux beaux yeux. }

Il en est, je le sais et ne veux point m'en taire, Dont le temps au rebours aigrit le caractère, Qui vous font de la vie un éternel tourment Et se vengent sur vous de n'avoir plus d'amant; Mais cette exception ne détruit pas la règle. Plus d'une, à quatorze ans vive, folâtre, espiègle, Devient sombre, maussade à la fin de ses jours, Mais, observez-les bien, ce sont presque toujours De ces êtres à part, vrais fléaux des familles, Que dévore en secret l'ennui de rester filles Et qu'on voit se flétrir faute d'avoir goûté Au suprême bonheur de la maternité, Nonchalantes de tout et profondément tristes, Ne sachant où fixer leurs désirs égoïstes.... Les autres, quels que soient et leurs infirmités Et les malheurs des ans que Dieu leur a comptés, Conservent jusqu'au bout cette grâce enfantine, Cette humeur éveillée, agaçante, lutine,

Qu'en elles nous aimons à leurs premiers printemps Et dont le charme encor grandit avec le temps.

Des soins extérieurs quand l'âge les délivre,
Voyez-les dans autrui se réapprendre à vivre,
Mettre tout leur bonheur à garder la maison
Et, du seul ascendant que donne la raison,
Y devenir l'objet d'un véritable culte.
Sur les moindres détails c'est à qui les consulte,

A qui de leurs avis veut se faire une loi;
Nul secret que l'enfant ne confie à leur foi,
Mensonge, gourmandise ou désobéissance,
Et vienne l'âge d'or de son adolescence
Où son cœur virginal, comme la fleur au jour,
S'ouvre et s'épanouit au soleil de l'amour,
Au seuil d'une autre vie à peine commencée,
Rougissant à l'écho de sa propre pensée

Et n'osant s'avouer un tendre sentiment
Qui seul fait à la fois sa joie et son tourment,
De ce secret qu'à tous dérobait sa prudence,
Qui souvent la première obtient la confidence?
L'aïeule. Elle sourit de sa naïveté,

L'encourage à parler, l'écoute avec bonté,

Quoi qu'on lui puisse dirc, en ses desseins persiste,
S'insurge, parle haut, pleure, supplie, insiste,
Argumente sans fin, trouve réponse à tout,

Se plaint qu'on veut pousser sa patience à bout,
Pour la première fois parle de sa vieillesse,
Du peu de jours encor que le destin lui laisse,
Et ne veut pas mourir sans serrer de sa main
Des bords de son tombeau les nœuds de cet hymen.

Et l'aïeule triomphe et son cœur se dilate
Au spectacle touchant d'un bonheur qui la flatte.
Elle est heureuse, elle a béni les deux époux !

Bonnes vieilles! est-il des passe-temps plus doux,

De pures voluptés préférables aux vôtres?
N'avoir plus de souci que du bonheur des autres,
Dans le bien que l'on fait sans cesse rajeunir,
C'est se créer soi-même un nouvel avenir.

A d'autres (j'en connais dont l'humeur intraitable Se fait de la vieillesse un spectre épouvantable), A d'autres de compter à chaque pas du temps Du déclin de leurs jours les heures, les instants, D'entendre du trépas les approches cruelles

A chaque bruit qui frappe à leur porte!... Pour elles,
Dont le front vainement s'incline vers le sol

Et que semble la Mort oublier dans son vol
Par des liens de fleurs à la vie enchaînées,

Vieillir n'est pas vieillir : c'est prendre des années,

Donner un but plus noble à ses relations,
Mettre plus de réserve en ses affections,
Vivre d'une autre vie, emplir son existence
De cet amour sans borne et sans intermittence
Qui jusqu'au dernier jour suffit à l'embellir....
Et quand, par impossible, il leur faudrait vieillir,
Des rides sur leur front reconnaître la trace,
On les verrait encor s'y résoudre avec grâce,
Alléguant pour excuse et démontrant fort bien
Que de vivre longtemps c'est l'unique moyen.

CLASSE DES BEAUX-ARTS.

Séance du 5 novembre 1868.

M. F.-J. FÉTIS, directeur et président de l'Académie. M. AD. QUETELET, secrétaire perpétuel.

Sont présents: MM. L. Alvin, Guill. Geefs, C.-L. Hanssens, Eugène Simonis, A. Van Hasselt, Jos. Geefs, F. De Braekeleer, Ed. Fétis, Edm. De Busscher, Portaels, Alph. Balat, Aug. Payen, J. Franck, Gust. De Man, Ad. Siret, Julien Leclercq, membres; F. Stappaerts, correspondant. MM. R. Chalon, membre de la classe des lettres, et Éd. Mailly, correspondant de la classe des sciences, assistent à la séance.

CORRESPONDANCE.

M. le Ministre de l'intérieur adresse deux nouvelles livraisons du Trésor musical, publié par M. R. Van Maldeghem, et le Catalogue illustré des modèles recommandés par le conseil de perfectionnement de l'enseignement des arts du dessin.

M. J. Franck, membre de la classe, offre un exemplaire

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