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première réunion eut lieu à Bruxelles et les autres se succédèrent, à des époques déterminées, à Paris, à Vienne, à Londres, à Berlin, à Florence. Dès lors, les différents pays purent s'entendre et s'occuper des travaux communs à toutes les nations, pour avoir une statistique uniforme, pour adopter les mêmes poids, les mêmes mesures, le même idiome, et autant que possible la plus grande uniformité dans les transactions mutuelles des différents pays. Au lieu de cent ouvrages différents, quelquefois très-difficiles à obtenir et à comprendre à cause de la différence des langues, des mesures, des poids et de tous les éléments que doivent renfermer les statistiques, un seul devrait suffire à l'instruction des peuples, s'il était rédigé d'après les bases indiquées.

On peut voir, par ce peu de mots, combien la statistique avait à gagner à une entente aussi intime entre les différentes nations, et combien ses procédés scientifiques devaient s'étendre avec rapidité : elle reprenait désormais, pour les besoins sociaux, la même importance qu'elle avait depuis longtemps pour les sciences les plus relevées et spécialement pour l'astronomie.

Tandis que le savant cherchait avec le plus vif empressement les lois physiques et mécaniques qui régissent les plantes et les animaux, tandis qu'il s'occupait avec les soins les plus assidus de tout ce qui peut contribuer à leur développement, le statisticien devait nécessairement avoir en vue de rechercher si les divers développements de l'homme n'étaient pas assujettis à des lois dont on pût se rendre compte; si l'homme, par exemple, croissait en hauteur selon des principes formulés d'avance; si son poids, sa force, sa vitesse, étaient soumis à des lois appréciables; si ses qualités intellectuelles et morales étaient

également réglées avec mesure et prudence comme tout ce qui s'observe dans la nature. C'est la réponse à ces problèmes importants que j'ai essayé de formuler dans la nouvelle édition dont je présente ici le premier volume. Pour bien me faire comprendre, je prendrai l'exemple le plus simple celui qui concerne la stature de l'homme. Depuis longtemps, on croit voir qu'avec l'âge l'homme se développe en hauteur selon une certaine loi : j'ai essayé d'en présenter la nature et l'équation pour les différentes époques de la vie. Cette loi n'était guère connue; j'ai tâché de la préciser. Ainsi l'homme, après vingt-cinq à trente ans, se trouvant entièrement développé, a une taille plus ou moins élevée; on connaît généralement assez bien sa taille moyenne; mais les individus, dans quelles relations se trouvent-ils l'un à l'égard de l'autre? Les tailles sont différentes, on le sait suffisamment : mais n'existe-t-il pas de proportions entre elles?

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Je ne pense pas que cette recherche eût été faite; cependant elle présente le plus haut intérêt, et montre, comme nous l'avons fait voir, la plus grande symétrie. J'en fis les premiers essais à Bruxelles à la réunion de Cambridge, des amis des sciences voulurent bien m'aider, en cherchant à la confirmer les travaux faits à Édimbourg à cet égard l'ont étudiée sur une échelle plus étendue; et enfin les Américains, pendant leurs dernières guerres, voulurent, avec une énergie peu commune, en faire l'essai sur les troupes belligérantes. Par une espèce d'innovation, à la veille des batailles, ils mesurèrent avec soin tous leurs hommes. Plusieurs corps d'armée furent soumis à l'épreuve; et de toutes ces mesures, prises avec soin, résultèrent les preuves les plus évidentes de l'unité de l'espèce et de l'ordre parfait qui règne dans les tailles.

Les nombres obtenus de cette manière furent réunis et comparés par des calculateurs habiles, et peu de lois se vérifièrent d'une manière plus convaincante. Les résultats des épreuves, qui confirmaient mes travaux, furent présentés, par le délégué de l'Amérique, à la réunion internationale de statistique de Berlin, et sont publiés dans le volume des procès-verbaux de ce congrès.

Je ne parlerai pas des qualités morales et intellectuelles; généralement, ces recherches méritent plus d'attention encore; cependant elles sont loin d'être inabordables aux calculs. Seulement, elles présentent des difficultés plus ou moins grandes; d'ailleurs, on ne peut tout exiger d'un même observateur pour une science aussi vaste. Je crois cependant pouvoir présenter des exemples d'analyses et de calculs qui seront suffisants pour rendre facile l'accès de ces sortes d'études (1).

Ce qu'on aura peut-être peine à croire, c'est que les lois relatives aux qualités de l'homme s'accomplissent généralement avec plus de régularité que celles relatives aux plantes et aux animaux. Ce qui m'a singulièrement étonné, c'est que, au premier abord, des savants d'un profond mérite ne virent, dans ces recherches, que des essais qui tendaient à mettre l'homme au-dessous de sa valeur, en astreignant ses actions mêmes à devenir en quelque sorte mécaniques. J'ose croire tout le contraire : ici encore, le champ intellectuel de l'homme s'étend pendant que la partie matérielle perd de son empire; son savoir pénètre

(1) On peut voir les exemples que j'ai donnés sur l'application de ces lois mathématiques dans les Bulletins de la classe des sciences et, tout récemment encore, dans les Bulletins de l'année actuelle et de la précédente.

les plus grandes profondeurs des cieux et s'en explique les mouvements, qui lui étaient inconnus d'abord, tandis que ses facultés physiques, tout en se resserrant, agissent avec plus d'ordre dans ce vaste ensemble. On peut dire même, contrairement à ce que l'on avait cru d'abord, que les phénomènes de l'homme s'accomplissent avec infiniment plus d'harmonie que ceux des plantes et des ani

maux.

CLASSE DES BEAUX-ARTS.

Séance du 3 décembre 1868.

M. F.-J. FÉTIS, directeur et président de l'Académie. M. AD. QUETELET, secrétaire perpétuel.

Sont présents: MM. L. Alvin, De Keyser, Guillaume Geefs, A. Van Hasselt, J. Geefs, Fraikin, Ed. Fétis, Edm. De Busscher, Alph. Balat, Aug. Payen, le chevalier Léon de Burbure, J. Franck, Gust. De Man, Ad. Siret, Julien Leclercq, membres; Daussoigne-Méhul, associé.

M. R. Chalon, membre de la classe des lettres, assiste à la séance.

CORRESPONDANCE.

M. F-J. Fétis donne connaissance de la mort de G. Rossini, associé de la classe, décédé à Passy le 13 novembre dernier. M. le directeur rappelle à ce sujet la grande perte que l'Académie vient de faire. « Il n'est pas besoin, ajoutet-il, de rappeler les œuvres remarquables de l'illustre défunt; son génie était assez fécond pour en produire d'autres encore, s'il n'en avait arrêté lui-même l'essor. Le monde artistique n'en conservera pas avec moins de re

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