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CLASSE DES SCIENCES.

Séance publique du 16 décembre 1868.

M. SPRING, directeur.

M. AD. QUETELET, secrétaire perpétuel.

Sont présents: MM. d'Omalius, C. Wesmael, J.-S. Stas, L. De Koninck, Van Beneden, Edm. de Selys-Longchamps, le vicomte B. du Bus, Nyst, Gluge, Nerenburger, Melsens, Liagre, Duprez, Poelman, Dewalque, E. Quetelet, Maus, Gloesener, Eug. Coemans, Donny, Montigny, membres; Schwann, Catalan, associés; Steichen, Ed. Mailly, correspondants.

Assistaient à la séance :

Classe des lettres: MM. le baron Kervyn de Lettenhove, directeur; Steur, Gachard, M.-N.-J. Leclercq, Ch. Faider, Chalon, Juste et Guillaume, membres.

:

Classe des beaux-arts MM. Alvin, G. Geefs, Jos. Geefs, Ed. Fétis, Edm. De Busscher, Payen, le chevalier de Burbure, Franck, De Man, Ad. Siret, J. Leclercq, membres.

Le programme de la séance avait été arrêté, dès la veille, de la manière suivante :

1° Discours de M. Spring, directeur de la classe, Sur la périodicité physiologique;

2o Notice sur la vie et les travaux de M. J.-B. Brasseur, par M. Liagre;

3o Notice sur la vie et les travaux de M. F.-J. Cantraine, par M. De Koninck;

4o Proclamation des résultats du concours annuel de la classe et des élections.

Le directeur de la classe, M. Spring, ouvre la séance par un discours Sur la périodicité physiologique.

MESSIEURS,

A l'époque où les premières Académies furent fondées, il était encore possible à un homme d'embrasser l'ensemble des sciences. Aujourd'hui la matière s'est tellement accumulée, le champ s'est tant agrandi, les méthodes sont devenues si diverses, que la spécialité nous est imposée comme une condition du progrès.

De bons esprits ont pensé que cette circonstance devait amener une modification profonde dans l'organisation du travail scientifique. Une certaine tendance à la disjonction s'est révélée même dans le sein des Académies; - des groupes qui ne se comprennent plus, disait-on, devraient au moins se séparer en sections.

M'est-il permis de le dire, messieurs? Cette tendance est erronée; elle est contraire au principe des Académies.

En effet, ces corps savants existent surtout pour réunir les forces éparses et les talents divers, pour rapprocher les travailleurs, harmoniser les efforts et maintenir les traditions, pour éclairer d'une lumière collective les voies particulières, pour réchauffer à un foyer commun le zèle variable et pour entretenir le noble amour des choses de l'esprit.

2

Si chaque science ne progresse réellement que par le travail individuel; si les découvertes éclosent le mieux dans les laboratoires, et les grandes idées dans le silence du cabinet, il n'en est pas moins vrai que les résultats ainsi acquis ont besoin d'être confrontés, contrôlés, classés, et que les méthodes diverses se prêtent un mutuel secours. N'oublions pas, du reste, que la science est une, qu'elle parle le langage des chiffres ou celui du syllogisme, qu'elle calcule, mesure, pèse ou décrive, qu'elle observe ou expérimente, qu'elle formule ses arrêts en signes algébriques ou en parangons chimiques.

Cette unité majestueuse, loin de se perdre dans les travaux de détail et de critique qui plaisent à l'époque actuelle, en reçoit, au contraire, une consécration nouvelle. Là où l'objet pouvait, autrefois, paraître disparate, le génie moderne a découvert des affinités, signalé des analogies et établi des identités. Nulle part cela ne ressort mieux que dans les rapports qui relient entre eux le monde physique et celui des êtres vivants, le système des forces générales et l'ensemble des forces individuelles.

La cause qui tient les astres suspendus dans l'espace, ou celle qui assure l'équilibre des atomes dans les plus petites parcelles de la matière, diffère-t-elle essentiellement de la cause qui fait germer la graine végétale, qui féconde l'œuf de l'animal et répand à la surface du globe la vie et l'abondance?

L'ancienne science a répondu affirmativement à cette question fondamentale, et cette affirmation a engendré des conceptions métaphysiques qui, tout en étant ruinées aujourd'hui, excitent encore notre admiration. La science moderne obéit à des tendances contraires, elle cherche à éliminer ce qu'on avait appelé les forces vitales et à

étendre le règne des forces physiques jusqu'aux manifestations intimes des êtres organisés.

Je me garderai bien, messieurs, de jeter le moindre blâme sur cette tendance, dont un des bienfaits a été d'asseoir la physiologie sur une base solide et de la rendre accessible, dans toutes ses parties, à l'observation et à l'expérimentation; mais tout en les approuvant, il faut parfois savoir résister aux tendances, ne fût-ce que pour les empêcher de se précipiter. La science est une froide déesse; elle n'aime ni l'entraînement ni les surprises.

En acquit du devoir que m'ont imposé vos suffrages, messieurs, et m'inspirant des considérations qui précèdent, je me propose, en cette séance solennelle, de traiter d'un ordre de phénomènes à l'égard desquels l'interprétation physique a été admise d'abord avec une sorte de parti pris, mais qui, en réalité, me semblent protester contre toute absorption prématurée. Ce sont les phénomènes de périodicité physiologique.

Vous l'avouerai-je, messieurs? — J'ai été attiré vers ce sujet par les antécédents de la classe et par le désir de rendre hommage à l'illustre secrétaire perpétuel de l'Académie, dont les travaux persévérants, lumineux et exacts ont fondé la Climatologie et la Périodologie de la Belgique, tout en donnant l'impulsion dans ce sens aux différents centres scientifiques qui existent dans les deux mondes.

Le sujet est vaste. Compris dans sa plénitude, il excéderait les limites d'un discours et surtout celles de mes moyens. Aussi laisserai-je entièrement de côté les phénomènes périodiques de la végétation et ceux du règne animal, ainsi que les observations sur le développement physique de l'homme, pour lesquelles l'honorable M. Quetelet

sera toujours cité comme auteur et comme maître. Je me bornerai à ce qu'on pourrait appeler les variations périodiques des fonctions, considérées chez l'homme; je les dessinerai à grands traits, en insistant sur les différences qui les séparent des variations physiques et astrónomiques.

Les fonctions du corps humain se rapportent à trois ordres d'organes, à savoir le sang, les nerfs et les tissus. Chacun de ces ordres a sa périodicité propre, bien distincte de celle des autres, non-seulement par sa forme, mais surtout par ses conditions. Il est donc nécessaire de les considérer chacun à part.

I.

Le sang nous représente le mouvement des matériaux, la recette et la dépense, .l'assimilation et la désassimilation, la composition et la décomposition, en un mot, l'économie domestique ou ce qu'on a appelé parfois la chimie animale. Contenu dans un système de canaux d'une ténuité extrême, il se porte, sans relâche, dans tous les recoins de l'organisme pour y distribuer ce qu'il faut pour vivre et reprendre ce qui a vécu. Aucun des éléments qui le composent ne demeure stable un instant; tous sont dans une voie de transformation perpétuelle, transformation chimique et organique, tendant, en partie, à la rénovation des tissus et à l'entretien des forces, en partie à l'élimination des scories ou résidus. Puis, par l'emprunt qu'il fait continuellement à l'air atmosphérique, le sang est soumis à un acte d'oxydation dont l'effet se manifeste, d'une part, par l'élévation de sa température jusqu'à 38-39° C., d'autre part, par la production de corps oxydés,

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