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ament, car je suspends leur arrêt dans un perpétuel combat il « leur faudrait donc nécessairement demeurer sans fin, et aucune a solution ne serait trouvée.

«La guerre lassée a accompli ce que la guerre peut faire, et elle « a lâché les rênes à une fureur désordonnée, se servant de mon«tagnes pour armes; œuvre étrange dans le ciel et dangereuse à

toute la nature. Deux jours se sont donc écoulés; le troisième est « tien à toi je l'ai destiné, et j'ai pris patience jusqu'ici afin que « la gloire de terminer cette grande guerre t'appartienne, puisque « nul autre que toi ne la peut finir. En toi j'ai transfusé une vertu, ⚫ une grâce si immense, que tous, au ciel et dans l'enfer, puissent connaître ta force incomparable: cette commotion perverse ainsi «apaisée, manifestera que tu es le plus digne d'être héritier de « toutes choses, d'être héritier et d'être roi par l'onction sainte, « ton droit mérité. Va donc, toi, le plus puissant dans la puissance «de ton Père; monte sur mon chariot, guide les roues rapides qui « ébranlent les bases du ciel; emporte toute ma guerre, mon arc «<et mon tonnerre; revêts mes toutes-puissantes armes, et suspends mon épée à ta forte cuisse. Poursuis ces fils des ténèbres, << chasse-les de toutes les limites du ciel dans l'abîme extérieur. « Là, qu'ils apprennent, puisque cela leur plaît, à mépriser Dieu, et le Messie son roi consacré.

« Il dit, et sur son Fils ses rayons directs brillent en plein; lui reçut ineffablement sur son visage tout son Père pleinement exprimé, et la Divinité filiale répondit ainsi :

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«-O Père! ò Souverain des Trônes célestes! le Premier, le Très«Haut, le Très-Saint, le Meilleur! tu as toujours cherché à glo« rifier ton Fils; moi toujours à te glorifier, comme il est très juste. Ceci est ma gloire, mon élévation, et toute ma félicité, que, te complaisant en moi, tu déclares ta volonté accomplie l'accomplir est tout mon bonheur. Le sceptre et le pouvoir, ton pré<< sent, je les accepte, et avec plus de joie je te les rendrai, lorsqu'à << la fin des temps tu seras tout en tout, et moi en toi pour toujours, et en moi tous ceux que tu aimes.

Mais celui que tu hais, je le hais et je puis me revêtir de tes << terreurs, comme je me revêts de tes miséricordes, image de toi << en toutes choses. Armé de ta puissance, j'affranchirai bientôt le « ciel de ces rebelles, précipités dans leur mauvaise demeure pré«parée; ils seront livrés à des chaînes de ténèbres et au ver qui ne meurt point, ces méchants qui ont pu se révolter contre l'obéissance qui t'est due, toi à qui obéir est la félicité suprême! alors « ces saints, sans mélange, et séparés loin des impurs, entoureront ta montagne sacrée, te chanteront des alleluia sincères, des 'hymnes de haute louange, et avec eux, moi leur chef.

« Il dit: s'inclinant sur son sceptre, il se leva de la droite de a gloire où il siége: et le troisième matin sacré perçant à travers « le ciel, commençait à briller. Soudain s'élance, avec le bruit d'un « tourbillon, le chariot de la Divinité paternelle, jetant d'épaisses

flammes, roues dans des roues, char non tiré mais animé d'un • esprit, et escorté de quatre formes de chérubins. Ces figures ⚫ ont chacune quatre faces surprenantes; tout leur corps et leurs • ailes sont semés d'yeux semblables à des étoiles; les roues de béril • ont aussi des yeux, et dans leur course le feu en sort de tous côtés. Sur leurs têtes est un firmament de cristal où s'élève un trône de saphir marqueté d'ambre pur et des couleurs de l'arc pluvieux. Tout armé de la panoplie céleste du radieux Urim, ouvrage divinement travaillé, le Fils monte sur ce char. A sa main droite est assise la Victoire aux ailes d'aigle; à son côté pendent son arc et son carquois rempli de trois carreaux de foudre; et autour • de lui roulent des flots furieux de fumée, de flammes belliqueuses • et d'étincelles terribles.

« Accompagné de dix mille mille saints il s'avance sa venue brille au loin, et vingt mille chariots de Dieu (j'en ai ouï compter le nombre) sont vus à l'un et à l'autre de ses côtés. Lui, sur les ailes des chérubins est porté sublime dans le ciel de cristal, sur un trône de saphir éclatant au loin. Mais les siens l'aperçurent les premiers; une joie inattendue les surprit quand flamboya, porté par des anges, le grand étendard du Messie, son signe dans le ciel. Sous cet étendard Michel réunit aussitôt ses bataillons, répandus sur les deux ailes, et sous leur chef ils ne forment plus • qu'un seul corps.

Devant le Fils la puissance divine préparait son chemin : à son ◄ ordre les montagnes déracinées se retirèrent chacune à leur place; elles entendirent sa voix, s'en allèrent obéissantes; le ciel renou■velé reprit sa face accoutumée, et avec des fraîches fleurs la colline et le vallon sourirent.

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«Ils virent cela les malheureux ennemis; mais ils demeurèrent endurcis, et pour un combat rallièrent leurs puissances insensés! concevant l'espérance du désespoir! Tant de perversité peut-elle habiter dans des esprits célestes? Mais pour convaincre l'orgueilleux à quoi servent les prodiges, ou quelles merveilles ⚫ peuvent porter l'opiniâtre à céder? Ils s'obstineront davantage par ce qui devait le plus les ramener désolés de la gloire du « Fils, à cette vue l'envie les saisit; aspirant à sa hauteur, ils se • remirent fièrement en bataille, résolus par force ou par fraude ⚫ de réussir et de prévaloir à la fin contre Dieu et son Messie, ou de tomber dans une dernière et universelle ruine maintenant ils se préparent au combat décisif, dédaignant la fuite ou une làche retraite, quand le grand Fils de Dieu à toute son armée, • rangée à sa droite et à sa gauche, parla ainsi :

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Restez toujours tranquilles dans cet ordre brillant, vous, saints; restez ici, vous, anges armés; ce jour reposez-vous de la bataille. Fidèle a été votre vie guerrière, et elle est acceptée de • Dieu; sans crainte dans sa cause juste, ce que vous avez reçu vous • avez employé invinciblement. Mais le châtiment de cette bande ◄ maudite appartient à un autre bras: la vengeance est à lui, ou

« à celui qu'il en a seul chargé. Ni le nombre ni la multitude ne « sont appelés à l'œuvre de ce jour; demeurez seulement et con<< templez l'indignation de Dieu, versée par moi sur ces impies. Ce << n'est pas vous, c'est moi, qu'ils ont méprisé, moi qu'ils ont << envié; contre moi est toute leur rage, parce que le Père, à qui, « dans le royaume suprême du ciel, la puissance et la gloire appar« tiennent, m'a honoré selon sa volonté. C'est donc pour cela qu'il « m'a chargé de leur jugement, afin qu'ils aient ce qu'ils souhaitent, « l'occasion d'essayer avec moi, dans le combat, qui est le plus « fort, d'eux tous contre moi, ou de moi seul contre eux. Puisqu'ils mesurent tout par la force, qu'ils ne sont jaloux d'aucune autre supériorité, que peu leur importe qui les surpasse autre◄ment, je consens à n'avoir pas avec eux d'autre dispute.

« Ainsi parla le Fils, et en terreur changea sa contenance, trop sévère pour être regardée; rempli de colère, il marche à ses en« nemis. Les quatre figures déploient à la fois leurs ailes étoilées « avec une ombre formidable et continue; et les orbes de son char de feu roulèrent avec le fracas du torrent des grandes eaux, ou d'une nombreuse armée. Lui sur ses impies adversaires fond • droit en avant, sombre comme la nuit. Sous ses roues brûlantes « l'immobile empyrée trembla dans tout son entier; tout excepté le trône même de Dieu. Bientôt il arrive au milieu d'eux; dans sa « main droite tenant dix mille tonnerrès, il les envoie devant lui tels qu'ils percent de plaies les àmes des rebelles. Étonnés ils cessent «tcute résistance, ils perdent tout courage: leurs armes inutiles « tombent. Sur les boucliers et les casques, et les têtes des Trônes et des puissants séraphins prosternés, le Messie passe; ils sou<< haitent alors que les montagnes soient encore jetées sur eux << comme un abri contre sa colère! Non moins tempestueuses, des « deux côtés ses flèches partent des quatre figures à quatre visages semés d'yeux, et sont jetées par les roues vivantes également semées d'une multitude d'yeux. Un esprit gouvernait ces roues; chaque œil lançait des éclairs, et dardait parmi les maudits une pernicieuse flamme qui flétrissait toute leur force, desséchait leur vigueur accoutumée, et les laissait épuisés, découragés, désolés, a tombés. Encore le Fils de Dieu n'employa-t-il pas la moitié de sa force, mais retint à moitié son tonnerre; car son dessein n'était pas de les détruire, mais de les déraciner du ciel. Il releva ceux • qui étaient abattus, et comme une horde de boucs, ou un troupeau timide pressé ensemble, il les chasse devant lui foudroyés, « poursuivis par les Terreurs et les Furies, jusqu'aux limites et à la muraille de cristal du ciel. Le ciel s'ouvre, se roule en dedans, et laisse à découvert, par une brèche spacieuse, l'abîme dévasté. . Cette vue monstrueuse les frappe d'horreur; ils reculent, mais une horreur bien plus grande les repousse : tête baissée, ils se « jettent eux-mêmes en bas du bord du ciel la colère éternelle brûle après eux dans le gouffre sans fond.

« L'enfer entendit le bruit épouvantable; l'enfer vit le ciel crou

<< lant du ciel; il aurait fui effrayé; mais l'inflexible destin avait a jeté trop profondément ses bases ténébreuses, et l'avait trop fortement lié.

« Neuf jours ils tombèrent; le chaos confondu rugit, et sentit « une décuple confusion dans leur chute à travers sa féroce anarchie; tant cette énorme déroute l'encombra de ruines! L'enfer béant les reçut tous enfin, et se referma sur eux; l'enfer, leur • convenable demeure, l'enfer pénétré d'un feu inextinguible; maison de malheur et de tourment. Le ciel soulagé se réjouit; • il répara bientôt la brèche de sa muraille, en retournant au a lieu d'où il s'était replié.

«Seul vainqueur par l'expulsion de ses ennemis, le Messie ra« mena son char de triomphe. Tous ses saints, qui silencieux furent témoins oculaires de ses actes tout-puissants, pleins d'allégresse au-devant de lui s'avancèrent; et dans leur marche, om• bragés de palmes, chaque brillante hiérarchie chantait le triomphe, « le chantait lui, Roi victorieux, Fils, Héritier et Seigneur. A Lui tout pouvoir est donné; de régner il est le plus digne!

« Célébré, il passe triomphant au milieu du ciel, dans les parvis « et dans le temple de son Père tout-puissant élevé sur un trône; «son Père le reçut dans la gloire où maintenant il est assis à la droite de la béatitude.

« C'est ainsi que (mesurant les choses du ciel aux choses de la « terre), à ta demande, ô Adam, et pour que tu sois en garde par ce qui s'est passé, je t'ai révélé ce qui autrement aurait pu de• meurer caché à la race humaine : la discorde survenue et la guerre dans le ciel entre les puissances angéliques, et la chute pro• fonde de ceux qui, aspirant trop haut, se révoltèrent avec Satan : <<< il est maintenant jaloux de ton état, et complote pour te détourner « aussi de l'obéissance, afin qu'avec lui privé de félicité, tu par◄ tages son châtiment, l'éternelle misère. Ce serait toute sa conso◄lation et sa vengeance, s'il pouvait, comme une peine faite au Très« Haut, t'obtenir une fois pour compagnon de son malheur. Mais

ne prête pas l'oreille à ses tentations; avertis ta plus faible; pro<fite d'avoir appris d'un exemple terrible la récompense de la désobéissance: ils auraient pu demeurer fermes; cependant ils • tombèrent qu'il t'en souvienne, et crains de transgresser. »

LIVRE SEPTIÈME.

ARGUMENT.

Raphaël, à la demande d'Adam, raconte comment et pourquoi ce monde a été d'abord créé Dieu, ayant expulsé du ciel Satan et ses anges, déclara que son plaisir était de créer un autre monde et d'autres créatures pour y habiter. 11 envoie 'son Fils

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dans la gloire et avec un cortège d'anges, pour accomplir l'œuvre de la création en six jours. Les anges célèbrent par des cantiques cette création, et la réascension du Fils au ciel.

VII.

Descends du ciel, Uranie, si de ce nom tu es justement appelée ! En suivant ta voix divine, j'ai pris mon essor au-dessus de l'OIympe, au-dessus du vol de l'aile de Pégase. Ce n'est pas le nom, c'est le sens de ce nom que j'invoque; car tu n'es pas une des neuf Muses, et tu n'habites pas le sommet du vieil Olympe; mais née du ciel, avant que les collines parussent ou que la fontaine coulât, tu conversais avec l'éternelle Sagesse, la Sagesse ta sœur, et tu jouais avec elle en présence du Père tout-puissant qui se plaisait à ton chant céleste. Enlevé par toi, je me suis hasardé dans le ciel des cieux, moi hôte de la terre, et j'ai respiré l'air de l'empyrée que tu tempérais avec la même sûreté guidé en bas, rends-moi à mon élément natal, de peur que, démonté par ce coursier volant sans frein (comme autrefois Bellerophon dans une région plus abaissée), je ne tombe sur le champ Aélien, pour y errer égaré et abandonné.

La moitié de mon sujet reste encore à chanter, mais dans les bornes plus étroites de la sphère diurne et visible. Arrêté sur la terre, non ravi au-dessus du pôle, je chanterai plus sûrement d'une voix mortelle; elle n'est devenue ni enrouée ni muette, quoique je sois tombé dans de mauvais jours, dans de mauvais jours quoique tombé parmi des langues mauvaises, parmi les ténèbres et la solitude, et entouré de périls. Cependant je ne suis pas seul, lorsque la nuit tu visites mes sommeils, ou lorsque le matin empourpre l'orient.

Préside toujours à mes chants, Uranie! et trouve un auditoire convenable, quoique peu nombreux. Mais chasse au loin la barbare dissonance de Bacchus et de ses amis de la joie; race de cette horde forcenée qui déchira le barde de la Thrace sur le Rhodope, où l'oreille des bois et des rochers était ravie, jusqu'à ce que la clameur sauvage eût noyé la harpe et la voix: la muse ne put défendre son fils. Tu ne manqueras pas ainsi, Uranie, à celui qui t'implore; car, toi, tu es un songe céleste; elle, un songe vain.

Dís, ô déesse, ce qui suivit après que Raphaël, l'archange affable, eut averti Adam de se garder de l'apostasie, par l'exemple terrible de ce qui arriva dans le ciel à ces apostats, de peur qu'il n'en arrivât de même dans le paradis à Adam et à sa race (chargés de ne pas toucher à l'arbre interdit) s'ils transgressaient et méprisaient ce seul commandement si facile à observer, au milieu du choix de tous les autres goûts qui pouvaient plaire à leurs appétits, quel qu'en fût le caprice. Adam, avec Eve sa compagne, avait écouté attentivement l'histoire; il était rempli d'admiration et plongé dans une profonde rêverie en écoutant des choses si élevées et si étranges; choses à leur

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