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ner sa vieille tête, comme la roue de leurs chars ! Elle devint la proie et la prostituée de ses cochers. Ils régnèrent sur elle. »

Dans ces appréciations sur le théâtre, sur les hommes et sur les choses du théâtre, il faut évidemment faire la part des opinions qui dictaient au critique ses jugements. Après son livre sur Diderot, Francisque Sarcey l'appelait un jour en plaisantant: « Parricide! » ajoutant que Diderot était leur père à tous, à eux feuillonnistes du spectacle quotidien.

Mais d'Aurevilly repudiait cette paternité de l'un, cette filiation des autres, et s'il aimait le théâtre pour lui-même, il l'eût voulu moins accommodé ou raccommodé de reprises par les directeurs, et moins soumis aux fluctuations de la littérature prétendue siècle ».

fin de

X

LES BAS-BLEUS

Je ne sais pas si Molière est le premier qui ait fait, par les Femmes savantes, la guerre aux Bas-Bleus, — ces éternels ennemis de tous les hommes qui écrivent, car la guerre est déclarée entre l'un et l'autre sexe, dès qu'il s'agit de tremper ses doigts dans l'encre, et les plus féminisés » de nos écrivains, ceux qui, à l'exemple de feu Legouvé, tombent aux pieds de ce sexe auquel ils doivent... leur gloire, ne se font pas faute, loin des oreilles indiscrètes, de se moquer des authoress », voire des plus spirituelles.

Lord Byron haïssait les femmes qui écrivent, Joseph de Maistre les raillait : « Le goût et l'instruction, voilà le domaine des femmes, écrivait-il à sa fille Adèle. Elles ne doivent point chercher à s'élever jusqu'à la science, ni laisser croire qu'elles en ont la prétention. Louis Veuillot partageait cette antipathie, mais en l'appliquant surtout aux émules de George Sand.

«Dans les livres de ces dames, qu'ils soient écrits pour le commun peuple ou pour les législateurs, l'amour est

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la loi première et même la loi unique, contre qui rien ne prévaut, ni l'autorité du père, ni le droit du mari, ni l'intérêt des enfants, ni la volonté de Dieu. Il y a deux individus qui s'aiment et qui doivent s'appartenir. Périssent tous les règlements, tous les codes, tout le fondement des sociétés humaines, et que Margoton, femme de Jean, puisse habiter en paix avec Pierrot, mari de Toinette! Elles vous prouvent cela de toutes les manières, et vous ne trouverez pas une objection à leur faire que ces charmants avocats n'aient cent fois réfutée dans les cent plaidoyers qui remplissent leurs cent volumes. Et vous êtes des tyrans, vous êtes des lâches, vous êtes des athées et des brutes, si vous n'en passez pas par leur avis1. »

Comme on l'a dit ailleurs 2, Paul Féval ne laissait passer aucune occasion de cribler les bas-bleus d'impitoyables épigrammes. Il aimait à rappeler cette plaisanterie de Charles Dickens décrivant les seize cents demoiselles anglaises employées à la fabrication du roman-thé. Il se plaignait surtout de leur invasion dans la littérature catholique. Aussi la lettre que voici et qu'il écrivit à Barbey d'Aurevilly en 1878, à propos du livre les Bas-Bleus, sera-t-elle comprise:

« Cher et grand ami,

« Voilà déjà quinze jours que j'ai votre livre si beau, si étonnant et si profitable. Il a été pendant ces deux semaines le repos du vieux forçat. Votre mérite n'est pas d'être unique, votre mérite vaut bien mieux que cela, mais cette condition de suprême originalité est un charme qui va toujours, traversant vos œuvres de bout en bout et se renouvelant à mesure qu'il se prodigue, parce

1 Les Libres-Penseurs.

PAUL FÉVAL. Souvenir d'un ami, par Charles Buet.

que c'est vous-même et que la dépense ne vous en coûte rien. Cette condition de vous est non seulement votre fond, mais aussi votre style, séduisant comme une aventure d'épée, et si fier, et vainqueur des témérités, et tout éclatant de forte jeunesse.

«Ici, votre sujet était-il bien digne de vous ? Vous l'avez haussé, il est vrai, à force d'audace et de virilité, mais votre talon a peine à sonner sur cette paille.

« En Bretagne, nos paysans font du fumier économique avec du chaume qu'ils mettent pourrir au beau milieu du chemin. On y enfonce jusqu'au genou. Ainsi la peste que vous avez attaquée pourrit sur la grande route littéraire, faisant de l'ordure, mais non pas même du bon fumier, car rien ne pousse par elle sinon l'ennui, la colique, le mensonge, la migraine, la perversité et la langueur. Personnellement, vous ne pouviez me faire un plus loyal plaisir qu'en piétinant cela. D'autant que vous avez un pied de fer, et terriblement emmanché d'un jarret qui écraserait des rochers, mais justement, cette chose flasque ne vous résiste pas assez; vous y enfoncez d'autant plus profond que vous êtes plus puissant, et làdessous il y a uniforme fétidité de femmasserie. Quel talent véritablement énorme il vous a fallu pour faire un livre non seulement beau, mais varié, mais empoignant d'infatigable verve avec CELA!

« Vous ne savez peut-être pas que j'avais inventé la pieuvre, non pas avant le bon Dieu, mais longtemps avant Hugo. Et pourtant, je ne la vois plus, cette bête de lettres qui a pour sang de l'encre, qu'à travers la description d'Hugo. Vous avez batiu la pieuvre des écritoires avec la massue d'Hercule qui broie les géants, et comme vous connaissiez la nature visqueuse du monstre, vous avez garni la massue de pointes de diamant, et par surcroît vous l'avez trempée dans votre esprit mordant, fin, subtil, généreux. Il y avait là de quoi matagraboliser n'importe quoi de robuste, de féroce et même de félin, mais la pieuvre!!! Que faire contre cette infernale confiture? Un chef-d'œuvre ? Vous l'avez fait et la pieuvre s'y

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