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tation, et son mérite, la précision acquise. L'originalité n'y est pas.

« D'attitude, dans les livres, je ne connais personne de plus insolemment placide. Rien ne bat sous sa mamelle gauche, je le crois bien : elle n'en a pas! Et elle n'a pas eu besoin de la couper, comme une amazone. La philosophie la lui a desséchée. On a dit assez spirituellement que les femmes naissent et vivent femmes, mais qu'elles meurent vieilles filles. Mme Stern est une de ces vieilles filles-là. C'est une brehaigne littéraire. Ses livres ne sont point sortis de ses entrailles, mais de ses prétentions. »

Et Mme Craven ? «Une rosière d'académie... Une tête à couronnes, comme on est une tête à perruques ». Elle a l'innocence de la fadaise, et la sentimentalité de la fadeur... Assurément, c'est de la littérature hon. nête et même élevée, mais trop lacrymatoire, à l'usage des gens que l'ennui des choses honnêtes, ennuyeusement exprimées, ne dégoûte pas de l'honnêteté. C'est du Guizot, mêlé de Swetchine ».

M. d'Aurevilly voit en Mme Marie-Alexandre Dumas une dauphine littéraire.

Mme Swetchine, qui écrivait au crayon, parce qu'écrire au crayon c'est parler bas, a écrit des pages légères, malgré leur sérieux, gracieuses comme le monde. l'entend, et presque mystiques, comme l'Eglise l'approuve ». « Ce n'est pas très fort, mais c'est charmant, délicat, transparent... » Et il l'appelle une sainte devant Dieu, si elle n'a pas été une sainte devant les hommes, ajoutant : < Franchement, quand une femme, pendant vingt ans, a été cela, il n'importe

guère de savoir si elle eût réussi peu ou prou dans la littérature: elle a réussi devant Dieu ! »

Quant à Mme Louise Colet, c'est une bien autre antienne :

« Ce n'est pas seulement un bas-bleu. C'est le bas-bleu même. Elle s'élève jusqu'à l'abstraction. D'autres qu'elles sont bas-bleus, avec l'aveuglante vanité du genre, les prétentions, l'orgueil déplacé, le ridicule et l'impuissance. Elle a tout cela aussi, Mme Louise Colet, mais elle a de plus l'insolence et la provocation, la provocation lâche

et fanfaronne d'une femme qui sait bien qu'en cette terre de France, une jupe peut se permettre tout sans aucun danger. »

Louise Colet fut une vanité monstrueuse qui ne décoléra jamais »; « son pédantisme, à elle, était échevelé, enflammé, sybillin... C'était le bas-bleu à outrance, fastueusement impie et jacobin, insulteur, vésuvien... le bas-bleu rouge ! »>

Qui mentionner encore ? Mme André Léo, « bas-bleu foncé, trop conglutiné dans son indigo, pour être jamais la créature enflammée et inspirée, qu'on appelle une grande artiste », et dont l'esprit a des côtés déplaisants, ambitieux, pédantesques, mais il était touché de son double nom : charmante idée, disait-il, que d'avoir ainsi pris ceux de ses deux fils et de s'être souvenue qu'elle était mère en écrivant. Puis enfin, non dans le livre, mais je ne sais où la pauvre Olympe Audouard, la plus avancée des révolutionnaires féminines; le Marat couleur de rose du parti, et que je ne tuerais pas dans sa baignoire ».

*

La conclusion de ce chapitre, c'est à l'auteur des Bas-Bleus qu'il appartient de la formuler, et la voici :

« L'histoire ne fait pas toujours aux hommes l'honneur d'être sévère... Il est des décadences qui ne méritent que le rire de son mépris. Tomber n'est pas toujours tragique. Il y a pour les nations comme pour les hommes des chutes grotesques. Toutes n'ont pas la grandeur du vice, la poésie de la monstruosité. Il y a de petites décadences, disait Galiani. Mais je ne crois pas que dans l'histoire, il y en ait une plus petite que celle qui nous menace. Je ne crois pas qu'il y en ait de plus honteuse que celle d'un peuple qui fut mâle et qui va mourir en proie aux femelles de son espèce... Rome mourut en proie aux Gladiateurs; la Grèce, aux Sophistes; Byzance, aux Eunuques; mais les Eunuques sont encore des débris d'hommes. Il peut rester à ces mutilés une tête virile, comme celle de Narsès, tandis que nous, nous mourons en proie aux femmes, et émasculės par elles, pour être mieux en égalité avec elles... Beaucoup de peuples sont morts pourris par des courtisanes, mais les courtisanes sont dans la nature et les Bas-Bleus n'y sont pas ! Ils sont dans une civilisation dépravée, dégradée, qui meurt de l'être, et telle que, dans l'histoire, on n'en avait pas vu encore. Jusqu'ici, les sociétés les plus avancées comme les plus sauvages avaient accepté ou subi les hiérarchies sans lesquelles les sociétés ne sauraient vivre, et maintenant on n'en supporte plus... C'est la gloire du Progrès! L'orgueil, ce vice des hommes, est descendu jusque dans le cœur de la femme, qui s'est mise debout pour montrer qu'elle nous atteignait et nous ne l'avons pas rassise à sa place, comme un enfant révolté qui mérite le fouet! Alors, impunies, elles ont débordé... Ç'a été une

de pédantes au lieu d'une invasion de Barbares. Du moins les Barbares apportaient un sang neuf et pur au sang corrompu du vieux monde; mais les pédantes qui, dans la décrépitude de ce monde, ont remplacé les Barbares, ne sont pas capables, ces bréhaignes de le féconder! >>

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ΧΙ

LE ROMANCIER

Barbey d'Aurevilly eut durant plus de cinquante ans, la plume pour instrument de travail, et pendant ce demi-siècle il résolut à peu près le problème dont la solution paraissait impossible à Théodore de Banville Être poète lyrique et vivre de son état! > Que de journées, que de nuits de veilles représentent ces dix lustres d'un travail jamais interrompu, mal récompensé! Que d'efforts et que de peines!

Dur labeur, en effet, que celui de l'écrivain! Faire deux parts de son existence, l'une consacrée à la lutte pour la vie, aux prosaïques nécessités de chaque jour, aux difficultés sans cesse renaissantes, afin d'escalader degré par degré, l'escalier glissant qui mène rarement à la gloire, et plus rarement encore à la fortune. L'autre, réservée au rêve, c'est-à-dire à l'invisible travail qui se continue partout et dans tous les actes extérieurs de la vie, à l'inspiration qu'il faut saisir au vol, comme l'occasion, à l'étude, non pas calme et réfléchie, mais rapide et fiévreuse... Le savant, l'archéo

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