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Vu le décret en date du 8 septembre 1888 (1), portant création de tribunaux de première instance et d'une Cour criminelle au Tonkin,

Décrète :

ART. 1er. La procédure suivie devant les tribunaux français installés en Cochinchine, au Cambodge et au Tonkin est réglée tant en matière civile qu'en matière criminelle, correctionnelle et de simple police, conformément aux dispositions du présent décret.

TITRE Ier.
Procédure civile.

ART. 2. Toutes les instances civiles sont dispensées du préliminaire de conciliation; néanmoins, pour toutes les affaires qui, en France, sont soumises à ce préliminaire, le juge devra inviter les parties à comparaître en personne, sur simple avertissement et sans frais.

ART. 3. La forme de procéder en matière civile et commerciale est celle qui est suivie en France devant les tribunaux de commerce.

ART. 4. Le délai pour interjeter appel des jugements contradictoires en matière civile et commerciale est de deux mois à partir de la signification à personne ou au domicile réel ou d'élection.

Ce délai est augmenté à raison des distances, dans les conditions qui seront déterminées par arrêtés du gouverneur général rendus sur la proposition du procureur général, chef du service judiciaire.

A l'égard des incapables, ce délai ne court que du jour de la signification à la personne ou au domicile de ceux qui sont chargés de l'exercice de leurs droits.

Dans aucun cas, l'appel ne sera reçu ni contre les jugements par défaut, ni contre les jugements interlocutoires avant le jugement définitif.

ART. 5. Les parties qui veulent se défendre par elles-mêmes et sans avoir recours au ministère des avocats défenseurs doivent déposer, dans les délais légaux, au greffe du tribunal, tous les actes nécessaires à l'instruction des causes civiles et commerciales et à l'exécution des jugements et arrêts. Le greffier donne un récépissé desdits actes en y portant la date du dépôt et doit, sous sa responsabilité, les signifier à la partie adverse dans les vingt-quatre heures.

CHAPITRE 1er.

TITRE II

Instruction criminelle.

De la procédure devant les tribunaux.

ART. 6. En matière correctionnelle et de simple police, le tribunal est saisi directement par le ministère public, soit qu'il y ait eu ou qu'il n'y ait pas eu instruction préalable, ou par la citation donnée au prévenu à la requête de la partie civile.

S'il y a eu instruction, le juge remet les pièces au magistrat chargé du ministère public, qui reste le maître de ne pas donner suite à l'affaire ou de saisir le tribunal compétent.

ART. 7. Des juges suppléants ou des attachés de parquet désignés par le gouverneur général, sur la proposition du procureur général, chef du service judiciaire, remplissent auprès des tribunaux de paix à compétence étendue toutes les fonctions du ministère public.

Ils sont officiers de police judiciaire et placés sous la surveillance du procureur de la République près le tribunal de première instance dans le ressort duquel se trouve le tribunal de paix à compétence étendue.

ART. 8. La forme de procéder en matière correctionnelle ainsi que les formes de l'opposition et de l'appel sont réglées par les dispositions du Code d'instruction criminelle, relatives à la procédure devant les tribunaux correctionnels, sous réserve des modifications prévues aux articles ci-dessus.

(1) Voir ci-dessus, page 101.

ART. 9. Le mode de procéder en matière de simple police est réglé par les sections 1 et 3 du chapitre premier, titre premier du livre II du Code d'instruction criminelle.

CHAPITRE II.

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De la procédure devant les cours criminelles.

ART. 10. Le procureur général près la cour d'appel de Saïgon poursuit devant la cour criminelle, soit par lui-même, soit par ses substituts, toute personne dont il a décidé la mise en accusation.

ART. 11. Il dresse, aussitôt que l'information est terminée, l'acte d'accusation, et le fait signifier à l'accusé auquel toutes les pièces de la procédure pourront être communiquées sur sa demande.

ART. 12. Il apporte tous ses soins à ce que les actes préliminaires soient faits et que tout soit en état pour que les débats puissent commencer à l'époque de l'ouverture de la cour criminelle.

ART. 13. Quand la mise en accusation a été décidée par le procureur général, si l'affaire ne doit pas être jugée dans le lieu où siège la cour d'appel, il transmet les pièces du procès au greffe du tribunal de première instance du chef-lieu d'arrondissement où doit siéger la cour appelée à en connaître.

Les pièces servant à conviction, qui sont restées déposées au greffe du tribunal ou qui ont été apportées au greffe de la cour d'appel, sont réunies, sans délai, au greffe où ont été réunies les pièces du procès.

ART. 14. L'accusé, s'il est détenu, est envoyé en temps utile, dans la maison de justice du lieu où doit se tenir la cour criminelle.

ART. 15. Aussitôt après la remise des pièces au greffe et l'arrivée de l'accusé dans la maison de justice, celui-ci est interrogé par le président de la cour criminelle ou par le juge qu'il a délégué.

ART. 16. L'accusé est interpellé de déclarer le choix qu'il a fait d'un conseil pour l'aider dans sa défense, sinon le juge en désigne un, à peine de nullité de tout ce qui suivra.

Cette désignation est comme non avenue, et la nullité ne sera pas prononcée si l'accusé choisit un conseil.

ART. 17. Le conseil de l'accusé est choisi par lui ou désigné par le juge parmi les défenseurs, ou, à défaut de ces derniers, parmi les personnes parlant le français et jouissant de leurs droits civils et politiques.

Le président de la cour criminelle peut, en outre, l'autoriser à prendre pour conseil un de ses parents ou amis.

ART. 18. Le conseil peut communiquer avec l'accusé après son interrogatoire. Il peut aussi prendre connaissance de toutes les pièces sans déplacement.

ART. 19. Les conseils des accusés peuvent prendre ou faire prendre copie de telle pièce du procès qu'ils jugent utile à leur défense.

ART. 20. Trois jours au moins avant l'ouverture de la cour criminelle, il est procédé par le président de la cour criminelle ou par le juge qu'il a délégué à cet effet au tirage au sort des assesseurs, sur une liste de vingt notables, dressée chaque année, dans la seconde quinzaine de décembre, conformément aux prescriptions de l'article 30 du décret du 15 novembre 1887.

Une liste complémentaire de dix notables, pour chaque catégorie d'accusés, peut être dressée dans les mêmes conditions.

En cas d'insuffisance des notables de la liste principale, par suite de décès, d'incapacité ou d'absence de la colonie, le président pourvoit à leur remplacement par une simple ordonnance.

Il complète la liste des vingt notables en suivant l'ordre de l'inscription sur la liste complémentaire.

ART. 21. Les mêmes membres peuvent être indéfiniment inscrits sur les listes dressées chaque année.

Nul ne peut être porté sur la liste des notables s'il ne jouit de ses droits civils et politiques.

ART. 22. Les fonctions d'assesseur sont incompatibles avec celles de membre du

conseil privé, de membre de l'ordre judiciaire, de ministre d'un culte quelconque et de militaire en activité de service dans les armées de terre et de mer.

ART. 23. Le jour du tirage au sort des assesseurs est fixé par une ordonnance du président de la cour criminelle, sur la réquisition du procureur général ou de ses substituts.

Cette ordonnance et la liste des vingt notables sont notifiées à l'accusé la veille au moins du jour déterminé pour le tirage.

ART. 24. Le tirage se fait en chambre du conseil, en présence du ministère public, du greffier, des accusés et de leurs conseils. A cet effet, le juge chargé du tirage dépose un à un dans une urne, après les avoir lus à haute et intelligible voix, les noms des vingt notables de l'arrondissement, écrits sur des bulletins.

ART. 25. Cette première opération terminée, le président ou le juge délégué retire successivement chaque bulletin de l'urne et lit le nom qui s'y trouve inscrit.

Les accusés, quel que soit leur nombre, ont la faculté d'exercer deux récusations péremptoires. Le ministère public jouit de la même faculté. Lorsque les accusés ne se sont point concertés pour exercer leurs récusations, l'ordre des récusations s'établit entre eux, d'après la gravité de l'accusation.

Dans le cas d'accusation de crime de même gravité contre divers individus, l'ordre des récusations est déterminé par la voix du sort.

ART. 26. La liste des assesseurs est définitivement formée lorsque le magistrat chargé du tirage a obtenu par le sort le nombre d'assesseurs nécessaires au service de la session, sans qu'il y ait eu de récusations, ou lorsque les récusations ont été épuisées. Les deux assesseurs ainsi désignés font partie de la cour criminelle pour le jugement de toutes les affaires inscrites au rôle de la session.

Il est tiré également au sort, de la même manière, un ou deux assesseurs supplémentaires pour remplacer, le cas échéant, les assesseurs titulaires.

Procès-verbal des opérations du tirage est dressé par le greffier et signé du magistrat qui y a présidé.

ART. 27. Les empêchements résultant pour les juges de leur parenté ou de leur alliance soit entre eux, soit avec les accusés ou la partie civile, sont applicables aux assesseurs, soit entre eux, soit entre eux et les juges, soit entre eux et les accusés et la partie civile.

ART. 28. Nul ne peut être assesseur dans la même affaire où il a été officier de police judiciaire, témoin, interprète, expert ou partie.

ART. 29. Les récusations fondées sur une des causes prévues par les deux articles qui précèdent sont jugées sur simple requête par la cour criminelle, qui ordonne, s'il y a lieu, que l'assesseur récusé soit remplacé par un des assesseurs supplémentaires, en suivant l'ordre du tirage au sort.

ART. 30. Les accusés qui ne sont arrivés dans la maison de justice qu'après le tirage des assesseurs ou l'ouverture des assises ne pourront y être jugés que lorsque le procureur général l'aura requis, lorsque les accusés y auront consenti et lorsque le président l'aura ordonné. En ce cas, le procureur général et les accusés seront considérés comme ayant accepté la composition de la cour criminelle.

ART. 31. Tout assesseur qui ne se sera pas rendu à son poste sur la citation qui lui aura été notifiée sera condamné par la cour criminelle à une amende, laquelle

sera:

Pour la première fois, de deux cents francs au moins et de cinq cents francs au plus; pour la seconde, de cinq cents francs au moins et de mille francs au plus; pour la troisième, de mille francs au moins et de deux mille francs au plus.

Cette dernière fois il sera, de plus, déclaré incapable d'exercer à l'avenir les fonctions d'assesseur. L'arrêt sera imprimé et affiché à ses frais.

ART. 32. Seront exceptés ceux qui justifieront qu'ils étaient dans l'impossibilité de se rendre au jour indiqué.

La cour prononcera sur la validité de l'excuse.

ART. 33. Les peines portées en l'article 31 sont applicables à tout assesseur qui, même s'étant rendu à son poste, se retirerait avant l'expiration de ses fonctions sans une excuse valable qui sera également jugée par la cour.

ART. 34. Au jour fixé pour l'ouverture de la session, la cour ayant pris séance, les assesseurs se placent à ses côtés dans l'ordre désigné par le sort.

ART. 35. Le président a la police de l'audience. Il est investi d'un pouvoir discrétionnaire en vertu duquel il peut prendre sur lui tout ce qu'il croit utile pour découvrir la vérité, et la loi charge son honneur et sa conscience d'employer tous ses efforts pour en favoriser la manifestation.

Il peut dans le cours des débats appeler, même par mandat d'amener, et entendre toutes personnes ou se faire apporter toutes nouvelles pièces qui lui paraîtraient d'après les nouveaux développements donnés à l'audience, soit par les accusés, soit par les témoins, pouvoir répandre un jour utile sur le fait contesté. Les témoins ainsi appelés ne prêtent point serment et leurs déclarations ne sont considérées que comme renseignements.

Le président doit rejeter tout ce qui tendrait à allonger les débats sans donner lieu d'espérer plus de certitude dans les résultats.

ART. 36. L'accusé comparaît libre et seulement accompagné de gardes pour l'empêcher de s'évader. Le président lui demande son nom, ses prénoms, son âge, sa profession, sa demeure et le lieu de sa naissance.

ART. 37. Le Président avertit le conseil de l'accusé qu'il ne peut rien dire contre sa conscience ou contre le respect dù aux lois et qu'il doit s'exprimer avec décence et modération.

ART. 38. A la première audience de chaque session d'assises, le président fait préter aux assesseurs, debout et découverts, le serment suivant, dont il prononcera la formule en ces termes :

« Je jure et promets, devant Dieu et devant les hommes, d'examiner avec l'attention la plus scrupuleuse les affaires qui me seront soumises pendant le cours de la présente session; de ne trahir ni les intérêts de l'accusé ni ceux de la société ; de n'écouter ni la haine, ni la méchanceté, ni la crainte ou l'affection, et de ne me décider que d'après les charges et les moyens de défense, suivant ma conscience et mon intime conviction, avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre. »

Chacun des assesseurs appelé individuellement par le président, répondra, en levant la main : « Je le jure », à peine de nullité.

ART. 39. Immédiatement après, le président avertit l'accusé d'être attentif à ce qu'il va entendre.

Il ordonne au greffier de lire la décision du parquet et l'acte d'accusation.
Le greffier fait cette lecture à haute voix.

ART. 40. Le procureur général expose le sujet de l'accusation et présente ensuite la liste des témoins qui doivent être entendus, soit à sa requête, soit à la requête de la partie civile, soit à celle de l'accusé.

Cette liste est lue à haute voix par le greffier.

ART. 41. Le président ordonne aux témoins de se retirer dans la chambre qui leur aura été destinée. Ils n'en sortiront que pour déposer. Le président prend des précautions, s'il en est besoin, pour empêcher les témoins de conférer entre eux avant leur déposition.

ART. 42. Les témoins font à l'audience, sous peine de nullité, le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, et le greffier en tient note, ainsi que de leurs nom, prénoms, profession, àge et demeure.

Sont en outre observées les dispositions des articles 156, 157, 158, 319, 325, 326, 327 et 329 du Code d'instruction criminelle.

ART. 43. Si, d'après les débats, la déposition d'un témoin paraît fausse, le président peut, sur la réquisition, soit du procureur général, soit de l'accusé, et même d'office, faire sur-le-champ mettre le témoin en état d'arrestation. Le procureur général, le président ou l'un des juges par lui commis remplissent à son égard : le premier, les fonctions d'officier de police judiciaire; le second, les fonctions attribuées au juge d'instruction dans les autres cas.

Les pièces d'instruction sont remises au procureur, pour être, par lui, statué sur la mise en accusation.

ART. 44. Dans le cas de l'article précédent, le procureur général, la partie civile ou l'accusé peuvent immédiatement requérir et la cour ordonner, même d'office, le renvoi de l'affaire à la prochaine session.

ART. 45. Si l'accusé, les témoins ou l'un d'eux ne parlent pas le même langage ou le même idiome, ou si l'accusé est sourd et muet et ne sait pas écrire, le président doit se conformer aux prescriptions des articles 332 et 333 du Code d'instruction criminelle.

ART. 46. Le président détermine celui des accusés qui doit être soumis le premier aux débats, en commençant par le premier accusé, s'il y en a un.

Il se fait ensuite un débat particulier sur chacun des accusés.

ART. 47. A la suite des dépositions des témoins et des dires respectifs auxquels elles auront donné lieu, la partie civile ou son conseil et le procureur général sont entendus et développent les moyens qui appuient l'accusation.

L'accusé ou son conseil peut leur répondre.

La réplique est permise à la partie civile et au procureur général; mais l'accusé ou son conseil a toujours la parole le dernier.

Le président déclare ensuite que les débats sont terminés.

ART. 48. Le président pose les questions de l'acte d'accusation en ces termes: « L'accusé est-il coupable d'avoir commis tel meurtre, tel vol ou tel autre crime, avec toutes les circonstances comprises dans le résumé de l'acte d'accusation? » Il observe pour le surplus les dispositions des articles 338, 339 et 340 du Code d'instruction criminelle.

ART. 49. En toute matière criminelle, même en cas de récidive, le président, après avoir posé les questions résultant de l'acte d'accusation et des débats, pose la question des circonstances atténuantes.

ART. 50. Après la lecture des questions par le président, l'accusé, son conseil, la partie civile et le procureur général peuvent faire sur la position de ces questions telles observations qu'ils jugent convenables.

Si le procureur général ou l'accusé s'oppose à la position des questions telles qu'elles ont été présentées, il est statué par la cour sur le mérite de cette opposition.

ART. 51. Le président fait ensuite retirer l'accusé de l'auditoire, et la cour se rend, avec les assesseurs, dans la chambre du conseil pour délibérer sur la solution des questions.

ART. 52. La cour criminelle avec les assesseurs rentre ensuite en séance, et le président, après avoir fait comparaître l'accusé, donne lecture de la délibération, qui est signée par les membres de la cour, les assesseurs et le greffier.

ART. 53. La cour, sans la participation des assesseurs, délibère sur l'application de la peine.

Sont observées pour le surplus les dispositions des articles 191, 358, 359, 360, 361, 362, 368, 364, 365, 367, 368, 195 et 371 du Code d'instruction criminelle.

ART. 54. La cour, jugeant sans le concours des assesseurs, statue sur les affaires de contumace, conformément aux dispositions des articles 465 à 478 inclus du Code d'instruction criminelle.

DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

ART. 55. En toute matière, le procureur général peut autoriser la mise en liberté provisoire avec ou sans caution. Il peut admettre comme cautionnement suffisant, sans qu'il soit besoin de dépôts de deniers ou autres justifications et garanties, la soumission écrite de toute tierce personne jugée solvable, portant engagement de présenter ou de faire représenter le prévenu ou l'accusé à toute réquisition de la justice ou, à défaut, de verser au trésor, à titre d'amende, une somme déterminée dans l'acte de cautionnement.

ART. 56. Sont abrogés:

Les décrets du 25 juillet 1864 et du 7 mars 1884, l'article 11 du décret du 25 novembre 1887 et toutes dispositions contraires au présent décret.

ART. 57. Le Ministre de la Marine et des Colonies et le Garde des Sceaux, Ministre

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