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3o Les charges qui pèsent sur nos nationaux du chef de l'inscription maritime les mettent, vis-à-vis de leurs concurrents étrangers, dans des conditions d'infériorité tout à fait injustes;

4o La question est résolue pour une grande partie de notre littoral par les lois de 1846 et de 1884; la même solution est prévue par le traité francoespagnol de 1882. Elle a été introduite par l'empire d'Allemagne dans son Code pénal, de telle sorte que le projet de loi ne fait que consacrer un état de droit et de fait déjà existant.

Il ne me reste plus, pour terminer ce rapport dans sa partie générale, qu'à résumer rapidement l'état de la législation en cette matière dans les différents pays sur lesquels des documents nous ont été fournis. Certains pays maintiennent encore l'ancienne règle de la liberté de la pêche dans les eaux territoriales: il en est ainsi dans les Pays-Bas (même après le traité de la Haye), en Grèce, en Portugal et aux États-Unis, où d'ailleurs la question offre peu d'intérêt à raison de circonstances locales.

La Belgique revendique le droit d'interdire la pêche aux étrangers dans les eaux territoriales, comme une conséquence de son droit de souveraineté; mais aucune loi, jusqu'ici, n'y réglemente ce droit.

En Danemark, une loi est en préparation, interdisant la pêche aux étrangers sous peine d'une amende de 10 à 400 couronnes.

En Suède et Norwège, la pêche est interdite aux étrangers.

En Italie, la pêche côtière est libre, sauf une patente de 30 lires imposée aux pêcheurs étrangers par un décret du 7 janvier 1869.

Les seuls pays, à notre connaissance, qui, avec la France, aient une loi spéciale en cette matière, sont l'Allemagne et l'Angleterre.

En Allemagne, le Code pénal promulgué le 15 mai 1871, article 296 a, punit d'une amende de 600 marcs au maximum, ou d'un emprisonnement de six mois au plus, tout étranger qui, sans droit, pêchera dans les eaux du littoral allemand. Il ordonne de plus la confiscation des engins de pêche et du poisson, sans qu'il y ait à distinguer si ces engins et ces poissons appartiennent ou non au contrevenant.

La loi anglaise de 1883, rendue à la suite et pour l'exécution de la Convention de la Haye (Sea Fishering Act), a pour nous, par cette raison même, un intérêt particulier. Son article 7 est ainsi conçu :

<< 1° Un bateau de pêche maritime étranger ne franchira pas les limites de pêche réservées des Iles-Britanniques, excepté pour un motif admis par la loi internationale ou par des arrangements, traités ou conventions en vigueur, ou pour une cause légitime quelconque;

2o Si un bateau de pêche étranger franchit les limites de pêche réservée : a) il se retirera hors de ces limites, dès que le but pour lequel il les a franchies aura été rempli; b) aucun individu à bord du bateau ne pêchera ou n'essayera de pêcher pendant que le bateau se trouvera en dedans de ces limites; c) les règlements qui pourront être éventuellement édictés par un ordre du Conseil de Sa Majesté seront dûment observés ;

3. Dans le cas de contravention à cet article de la part d'un bateau de pêche étranger ou d'un individu y appartenant, le patron ou la personne qui sera éventuellement responsable du bateau seront passibles, après un jugement sommaire, d'une amende n'excédant pas dix livres dans le cas d'une première contravention, et vingt livres en cas de récidive. »

La loi du 15 janvier 1884, rendue comme la loi anglaise que nous venons

de citer, pour assurer l'exécution de la convention de la Haye, réglemente avec beaucoup de soin tout ce qui concerne la constatation et la répression des contraventions à cette convention commises par les Français dans la mer libre, mais elle ne contient aucune disposition sanctionnant l'article 2, qui réserve aux nationaux le droit exclusif de pêche dans les eaux territoriales. Nous n'aurons donc à lui emprunter que certaines règles de procédure et de compétence qu'elle a prises elle-même, soit dans la loi du 22 juin 1846, soit dans le décret-loi du 11 janvier 1852.

C'est dans la loi du 22 juin 1846 que nous trouvons le précédent le plus utile à consulter. Cette loi a été rendue pour donner une sanction pénale à la convention anglo-française de 1839 et à la déclaration du 23 juin 1843, par laquelle les deux pays réglementaient dans les plus grands détails la police de la pêche dans les mers situées entre la France et l'Angleterre. Par cette convention, le droit exclusif de pêche, nous l'avons vu, était réservé aux nationaux des deux pays dans leurs eaux territoriales respectives. Partant de cette clause, la déclaration de 1843 et, après elle, la loi soumettait les infractions commises par des sujets anglais dans les eaux françaises à la juridiction du tribunal de police correctionnelle du port où le délinquant aurait été conduit et punissait ces infractions d'une amende qui ne pouvait dépasser 250 francs, et, en cas de non payement de l'amende, le tribunal pouvait ordonner que le bateau serait retenu pendant trois mois au plus. La loi fixait en outre les règles de procédure qui devaient être suivies dans ce cas, et ces règles étaient les mêmes que celles établies pour les Français poursuivis pour infraction aux règlements de police.

Par ces dispositions, la déclaration de 1843 et la loi de 1846 qui la sanctionne achèvent de donner à une partie au moins des eaux territoriales le caractère d'extension du territoire national qui leur avait manqué jusqu'alors dans leur totalité, en ce qui concerne les droits de pêche et de navigation. C'est le principe que le projet de loi entend généraliser et appliquer à toutes les mers qui baignent nos côtes.

L'on aurait pu, dès lors, considérer la matière en elle-même et faire la loi sans se préoccuper des précédents. Le Conseil d'Etat, néanmoins, d'accord en ceci avec ses sections de législation et des finances, n'a pas cru devoir adopter cette méthode. La convention de 1843 ne pouvant, en aucun cas, être atteinte par la loi nouvelle, il a paru préférable de lui emprunter ses principales dispositions, notamment ses dispositions pénales, afin de n'avoir pas deux lois pénales différentes applicables, l'une dans la Manche, l'autre dans le golfe de Gascogne et dans la Méditerranée. Pour ce qui est de la peine, nous n'avons donc fait que reproduire les dispositions de la loi de 1846. Nous avons également emprunté à cette loi et à la loi du 15 janvier 1884 plusieurs de leurs règles de procédure. Seulement, comme sur ce point les conventions diplomatiques ne contiennent pas de règles obligatoires, le Conseil a pensé qu'il n'était pas nécessaire d'emprunter à ces lois les exemptions de frais qu'elles accordent et qu'au contraire il convenait, pour donner plus de force à la loi, d'appliquer aux délinquants étrangers toutes les formalités et tous les frais qui sont de droit commun et dont, exceptionnellement, les lois précitées dispensent nos nationaux (1).

(1) La loi de 1846 accorde ces mêmes exemptions aux Anglais dans le cas de pêche illicite dans nos eaux réservées; mais cette disposition, ne se trouvant pas dans le traité de 1839 ni dans la déclaration de 1843, est du nombre de celles qu'une loi ultérieure peut abroger.

DISCUSSION DES ARTICLES.

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ART. 1er. L'article premier pose le principe de l'interdiction de la pêche aux étrangers dans les eaux territoriales de la France et de l'Algérie. Mais, pour bien marquer que la loi n'entend nullement innover en ce qui concerne les limites des eaux teritoriales, telles qu'elles sont fixées par des lois spéciales ou par le droit des gens, le Conseil a pensé qu'il importait de dire en termes exprès que, dans cette matière spéciale, la limite réservée est de trois milles marins. C'est la limite admise par la convention anglo-française de 1839, par la déclaration de 1843, par la convention de La Haye de 1882, et par les lois de 1846 et de 1884.

L'interdiction est d'ailleurs absolue et porte sur la pêche maritime de toute nature, sur la pèche des huitres et des crustacés, aussi bien que sur celle du poisson ou du corail. C'est pour bien marquer cette intention que le Conseil a admis le terme le plus général, celui de pêche.

Le deuxième alinéa emprunté à la convention de La Haye, article 2, indique d'une manière très nette les règles à suivre pour déterminer la ligne à partir de laquelle, dans les baies, doit être tirée la limite des eaux réservées. ART. 2. Quoique, en principe, la contravention ne puisse être commise que par l'équipage d'un bateau de pêche, le Conseil a cru devoir mentionner dans cet article, d'une manière générale, tout bateau étranger. L'on sait, en effet, que sur certains bateaux, non proprement destinés à cet usage (yachts, etc.), la pèche est quelquefois pratiquée, même sur une assez grande échelle. Il fallait prévoir le cas pour ne pas donner ouverture à la fraude. La peine est celle qui se trouve dans la loi de 1846 et dans la convention de 1843. Nous avons expliqué dans le rapport les raisons pour lesquelles le Conseil a cru devoir s'en tenir à cette pénalité.

ART. 3. Le doublement de l'amende, en cas de récidive, est prévu dans la loi de 1846 (art. 7). La rédaction de l'article est empruntée à la loi du 27 mars 1882 sur le balisage; seulement le Conseil, suivant en ceci le décret-loi de 1852 et la loi de 1846,a fixé à deux ans, au lieu de douze mois, le délai dans lequel, pour qu'il y ait récidive, les deux contraventions doivent avoir été commises.

ART. 4. Cet article détermine, conformément à l'article 16 du décret-loi de 1852, les officiers et agents chargés de constater les contraventions, d'en dresser procès-verbal, et de conduire ou faire conduire le contrevenant dans le port français le plus rapproché.

ART. 5. La loi de 1846 et celle de 1884 avaient dispensé les procès-verbaux de la formalité de l'affirmation, quelle que fût la qualité de l'officier ou de l'agent verbalisateur. Le Conseil a pensé qu'il n'y avait pas de raison suffisante pour déroger en ce point aux règles ordinaires, protectrices du droit de la défense. Il a donc rétabli ici la disposition de l'article 17 du décret-loi de 1852, laquelle ne dispense de l'affirmation que les procès-verbaux dressés par des fonctionnaires d'un ordre élevé, les officiers ou officiers mariniers, ou par les officiers du commissariat chargés de l'inscription maritime.

Le Conseil a pensé également que les procès-verbaux doivent être en cette matière, comme dans tous les cas non formellement exceptés, soumis à l'enregistrement. C'est la disposition du paragraphe 2 de l'article 5 qui reproduit les propres termes de l'article 47 de la loi du 15 avril 1829 sur la pêche fluviale.

ART. 6. La seule assurance que l'on puisse avoir de procurer effet aux condamnations éventuelles est la saisie provisoire du bateau, des engins de

pêche et des produits de la pêche trouvés à bord. Aussi cette disposition se rencontre dans toutes les lois sur la matière. L'article 6 a pour objet d'en régler la procédure. Le bateau est consigné entre les mains du service de l'inscription maritime. Le même service saisit les engins et les produits de la pêche; il garde les engins jusqu'à l'issue du jugement. Quant aux poissons et aux produits de la pêche qui ne peuvent être gardés, ils doivent être vendus dans les formes prescrites par la loi du 15 avril 1829 (art. 42) ; le prix en est consigné dans la caisse des gens de mer, pour être remis au contrevenant en cas d'acquittement et, dans le cas contraire, versé dans la caisse des invalides de la marine, à laquelle, suivant une règle générale, reviennent toutes les sommes provenant d'infractions à la police de la pêche maritime. Le deuxième paragraphe règle les suites à donner à la saisie provisoire. Les engins prohibés doivent dans tous les cas être détruits: le tribunal ordonne cette destruction obligatoirement. Pour les engins non prohibés et pour les produits de la pêche, les opinions se sont partagées. Plusieurs membres ont pensé que leur confiscation devait être la conséquence forcée de toute condamnation, mais la majorité du Conseil ne s'est pas rangée à cette opinion. Elle a considéré que les infractions pouvaient être de telle nature qu'elles n'entraînassent qu'une peine extrêmement faible, hors de toute proportion avec le dommage considérable résultant de la confiscation des engins et du poisson. Ainsi il pourrait se faire qu'il se trouvât à bord du bateau du poisson pêché hors des eaux réservées et que la contravention reprochée à l'équipage fût assez peu importante pour que le tribunal n'ait eu à appliquer que le minimum de l'amende. Il serait certainement très injuste, dans des cas analogues, de faire perdre au contrevenant le prix de ses engins et des produits de sa pêche légitime, comme conséquence forcée et inévitable de sa condamnation. Une telle rigueur entraînerait presque fatalement l'impunité. Le Conseil estime qu'il est préférable de laisser aux tribunaux la faculté de prononcer ou de ne pas prononcer la confiscation. Par des raisons de même ordre, il n'a pas adopté la proposition de plusieurs de ses membres, d'étendre la saisie et la confiscation, au moins facultative, au bateau lui-même, considéré comme l'instrument principal de la contravention. Il lui a paru que ce serait donner une extension démesurée à une peine accessoire de sa nature, et qui serait hors de toute proportion avec la peine principale. En effet, celle-ci comporte seulement une amende de deux cent cinquante francs et, en cas de récidive, de cinq cents francs au maximum.

ART. 7 et 8. Ces articles empruntés aux lois antérieures ne donnent lieu qu'à une seule observation. Quelques membres du Conseil auraient désiré que la juridiction du juge de paix fùt substituée à celle du tribunal de police correctionnelle. Ils y voyaient le double avantage d'une économie de temps et de frais. Mais le Conseil n'a pas cru que l'on pût, dans une manière aussi spéciale, déroger aux principes généraux de nos lois sur les compétences, principes appliqués dans les lois de 1846 et de 1884. Il a jugé qu'il était d'autant moins opportun de le faire que les Chambres sont saisies d'un projet de loi sur la compétence des juges de paix, où la question trouvera tout naturellement sa place et sa solution.

ART. 9. Cet article emprunté à la loi de 1884 (art. 4) n'a pas été adopté sans opposition par le Conseil. Plusieurs membres ont pensé qu'il serait préférable de s'en tenir aux règles du droit commun et de n'accorder tout au

plus cette autorité qu'aux procès-verbaux dressés par plusieurs agents ou qui, à raison de la qualité de ceux qui les ont dressés, sont dispensés de l'affirmation. Mais le Conseil a considéré que presque tous les agents chargés de constater la contravention se trouveraient presque toujours, à raison mème de leurs fonctions, dans l'impossibilité de soutenir en personne leurs procèsverbaux ; il s'est donc décidé pour le maintien de la règle spéciale, consacrée déjà, pour certaines hypothèses, par la loi du 15 avril 1829 sur la pêche fluviale, et reprise pour tous les cas par le décret-loi du 9 janvier 1852 (art. 20) et par la loi de 1884.

ART. 10. Comme nous l'avons dit déjà, la retenue du bateau est, dans l'espèce, la seule garantie du payement et des frais. Aussi est-elle prévue déjà dans la convention de 1843 et dans la loi de 1846. Mais dans le système qui a prévalu alors, elle est facultative, dans ce sens au moins qu'elle ne peut avoir lieu que par une décision du tribunal; de plus, le tribunal peut l'ordonner, non seulement comme garantie de l'amende, mais pour en tenir lieu. Le Conseil a pensé que cette procédure n'était pas suffisamment sûre, ni même pratique. Il est clair, en effet, que, pour être efficace, la retenue du bateau doit commencer au moment même où la contravention est constatée, et la loi de 1846 le reconnaît, puisqu'elle ordonne de conduire le bateau dans le port français le plus rapproché. D'un autre côté, elle doit être maintenue dans tous les cas, puisque c'est le seul moyen d'obtenir, presque à coup sûr, le payement de l'amende et des frais, sans parler de la peine accessoire de la confiscation éventuelle des engins et des produits de la pêche trouvés à bord. Ce n'est pas, d'ailleurs, imprimer à la loi un caractère de rigueur excessive, puisque le contrevenant pourra toujours libérer son bateau. en payant l'amende et les frais.

La limitation à trois mois au maximum du laps de temps pendant lequel le bateau peut être retenu, est empruntée à la loi de 1846 ; continuée pendant une durée aussi longue, elle constitue certainement un équivalent plus que suffisant de l'amende.

Le deuxième alinéa contient une disposition qui ne se trouve pas dans la loi de 1846, mais qui a paru nécessaire. Dans le cas où le prévenu frappe d'appel ou d'opposition le jugement qui l'a condamné, le Conseil a pensé qu'il était équitable de lui accorder la faculté de libérer son bateau, en consignant le montant de l'amende et des frais. C'est la conséquence naturelle de la règle adoptée par le Conseil, suivant laquelle la retenue du bateau ne doit pas être une peine, même accessoire, mais simplement le gage des condamnations éventuelles.

L'article ne prévoit que l'appel formé par le prévenu; il a paru, en effet, qu'il serait trop rigoureux et même injuste de priver plus longtemps de l'usage de son bateau, qui peut être son unique moyen d'existence, un prévenu acquitté en première instance. Si le ministère public croit devoir interjeter appel, cé sera dans l'intérêt de la loi.

ART. 11. Le premier paragraphe de cet article n'est que la reproduction du paragraphe 3 de l'article 2 de la convention de La Haye. Il a pour objet d'assurer, même dans la partie réservée des eaux territoriales, le droit de libre navigation. Mais ce droit, toujours reconnu, a toujours aussi, pour son exercice, été soumis aux règles spéciales de police édictées par les Etats riverains, et la convention de La Haye a soin de rappeler cette restriction.

Le deuxième paragraphe de notre article donne au pouvoir réglementaire

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