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LA

REVUE DE PARIS

PREMIÈRE ANNÉE

Septembre-Octobre 1894

TOME CINQUIÈME

PARIS

BUREAUX DE LA REVUE DE PARIS

85, FAU BOURG SAINT-HONORÉ. 85 bis

1894

LA MÉTHODE DE PASCAL

Pascal projetait une démonstration de la vérité du christianisme. Sa tentative devait nécessairement l'amener à rendre sa croyance plus réfléchie, à examiner pour lui-même la doctrine qu'il se proposait de faire agréer d'autrui. De là vient que nous trouvons dans le recueil des Pensées, qui est, en quelque sorte, le chantier de son œuvre ébauchée, des matériaux très divers et parfois discordants, des assertions risquées, dubitatives ou même contradictoires, des objections à ses propres jugements et des jugements définitifs.

Quels qu'ils soient, ces matériaux réunis pêle-mêle, quartiers bruts, pièces à peine dégrossies, morceaux achevés, sont tous, ou peu s'en faut, marqués du signe de la croix qui en indique la commune destination.

Nous avons à considérer dans les Pensées quatre choses bien. distinctes: 1o la méthode, c'est-à-dire l'ensemble des tendances et des principes qui dirigeaient Pascal dans la recherche de la vérité: 2o les résultats de sa méditation pour la découvrir, résultats fragmentaires et incomplets; c'est le recueil même des Pensées; 3o l'ordre logique de celles-ci, lequel ne dépend ni de leurs dates relatives dans la vie de Pascal, ni de leur classe1er Septembre 1894.

ment accidentel ou arbitraire dans le recueil; 4° leur ordre didactique, projeté seulement, où sa volonté fût intervenue pour accommoder l'ouvrage à l'état moral des lecteurs qu'il visait, la composition, en un mot. De ces quatre choses, la seconde est fournie par d'excellentes éditions avec toute l'exactitude désirable; la première et la troisième ne sont pas impossibles à déterminer. On peut dégager des documents recueillis la façon dont Pascal abordait l'inconnu, et saisir les principaux fils de la trame logique reliant ses pensées les plus importantes. Quant à la quatrième, elle échappe entièrement à notre curiosité; elle est demeurée le secret de l'auteur, qui ne l'avait sans doute pas encore fixée quand il est mort. Ne dit-il pas, en effet : « La dernière chose qu'on trouve en faisant un ouvrage est de savoir celle qu'il faut mettre la première. » Il ne faut pas songer à rétablir le plan du sien d'après ces témoignages épars et tronqués. Il en eût approprié la composition à des circonstances, à des exigences dont beaucoup peut-être demeureront toujours inconnues. Cet arrangement artificiel, on n'oserait le suppléer, faute de renseignements suffisants et d'indications assez précises; on ne peut pas le deviner. Consolons-nous de cette impossibilité : c'est surtout l'absence d'art, gage d'entière sincérité, qui fait le prix des notes fiévreuses dont nous avons à tirer parti; nous y surprenons la pensée de Pascal sans apprêts, toute nue, de derrière la tête, qu'il dérobait avec jalousie à la curiosité du vulgaire, et c'en est la genèse qui, surtout, nous intéresse, plus peut-être que la savante ordonnance du livre où il l'eût disciplinée.

C'est le premier de ces points, la méthode, que nous examinerons dans les pages qui suivent.

I

Pascal se proposait, dans son ouvrage, de faire pénétrer la croyance chrétienne en ses lecteurs par toutes les ouvertures de l'âme; moins cependant par démonstration que par persua

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