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qu'à son exhortation, par son conseil et diligence, avoit emmené oindre et sacrer ledit seigneur, lequel admonestoit de rendre grâce à Dieu du bien et honneur qu'il avoit receu en sa coronation, et des belles victoires qu'il lui avoit données.

La solennité dessusdicte parfaite, et le serment de fidélité faict par les habitants dudit lieu, le roy, par le conseil de ladicte Pucelle se deslogea, et print son chemin à Velly, auquel il fut bien volontiers receu et obéi, et pareillement à Soissons; et de là s'en alla par le pays de Brie, où il recouvra aucunes places qui estoient és mains de ses ennemis ; et eut toujours bonne issue de toutes les entreprises qu'il fit le conseil de la Pucelle. Desquelles par entreprises et faits d'icelle, je me passerai d'en écrire plus avant, pour ce que tout est escritpt bien en long ès cronique dont j'ai parlé ; et ce que j'en ai récité n'est que pour donner à congnoistre les grands biens qu'elle a faits en France, qui est admirable et digne de mémoire.

Et combien qu'on ne sauroit assez manifester et célébrer les faits, toutefois n'a esté ne est mon intention de les réciter au long, ne par le menu, mais veux seulement escrire commeut elle fut prinse devant Compiegne, et depuis menée à Rouen; auquel lieu, à la grande poursuite des Anglois, ses ennemis mortels, son procès fut faict, par lequel elle fut faulcement et iniquement condamnée à estre bruslée, ainsi qu'il a esté trouvé depuis par le procès de son absolution, par lequel

elle a esté déclarée innocente de tous ces cas desquels elle estoit accusée, nonobstant la détermination faicte par messieurs de l'Université de Paris, lesquels, par flatterie, et pour complaire au roy d'Angleterre, la déclarèrent hérétique, contre l'opinion de deffunct nostre maistre Jean Gerson, chancelier de Nostre-Dame de Paris, si savant et si sage, comme ses œuvres le montrent et en font le jugement. Laquelle opinion, avecques les raisons qui le meurent à estre contre l'opinion de ladicte Université, sont escriptes ci-après, par lesquelles on pourra voir où il y a plus d'apparence de vérité et de bon jugement.

Et pour retourner à mon propos, à parler de ladicte Pucelle, de laquelle la renommée croissoit tous les jours, pour ce que les affaires du royaume venoient toutes à bonne fin, et ne failloit ledit seigneur de venir à chef de toutes les entreprinses qu'il faisoit par le conseil de ladicte Pucelle, et aussi elle avoit l'honneur et la grâce de tout ce qui se faisoit. Et dont aucuns seigneurs et capitaines, ainsi que je trouve par escript, conceurent grand haine et envie contre elle; qui est chose vraisemblable, et assez facile à croire, attendu ce qui advint assez tost après; car, elle estant à Laigny-sur-Marne, fust advertie que le duc de Bourgoingne et grand nombre d'Anglois avoient mis le siége devant la ville de Compiègne, qui avoit, n'a pas long-temps, esté reduicte en l'obéissance du roy, se partist avecques quelque nombre de gens d'armes qu'elle avoit avecques elle, pour al

ler secourir les assiégés dudit lieu de Compiègne; la venue de laquelle donna grand couraige à ceux de ladicte ville.

Un jour ou deux après sa venue, fust faicte une entreprinse par aucuns de ceux qui estoient dedans de faire une saillie sur les ennemis. Et combien qu'elle ne fust d'opinion de faire ladicte saillie, ainsi que j'ai veu en quelques croniques, toutefois, afin qu'elle ne fust notée de lascheté, elle voulust bien aller en la compaignie; dont il lui print mal; car, ainsi que elle se combattoit vertueusement contre les ennemis, quelqu'un des François fit signe de retraicte; par quoi chascun se hasta de soi retirer. Et elle, qui vouloit soustenir l'effort des ennemis, cependant que nos gens se retiroient, quand elle vint à la barrière, elle trouva si grande presse qu'elle ne pust entrer dedans de ladicte barrière; et là fust prinse par les gens de monseigneur Jehan de Luxembourg, qui estoit audit siége, avec mondit seigneur le duc de Bourgoingne. Aucuns veulent dire que quelqu'un des François fust cause de l'empeschement qu'elle ne se peust retirer; qui est chose facile à croire, car on ne trouve point qu'il y eust aucuns Francois, au moins homme de nom, prins ne blecé en ladicte barrière. Je ne veux pas dire qu'il soit vrai; mais, quoi qu'il en soit, ce fust grand dommaige pour le roy et le royaume, ainsi qu'on peust juger par les grandes victoires et conquestes qui furent en si peu de temps qu'elle le roy.

ïust avecques

Ladicte Pucelle prinse par les gens dudit Luxembourg, en la manière que dit est, icellui de Luxembourg la feist mener au chasteau de Beauvois, auquel lieu la fist garder bien soigneusement de jour et de nuict, pource qu'il doubtoit qu'elle eschapast par art magique, ou par quel.. que autre manière subtile. Après ladicte prinse, le roy d'Angleterre et son conseil, craignants que ladicte Pucelle eschapast en payant rançon ou autrement, fist toute diligence de la recouvrer; et à ceste fin envoya plusieurs fois vers ledict duc de Bourgoingne et ledict Jean de Luxembourg; à quoi icellui de Luxembourg ne voulloit entendre; et ne la doubtoit bailler à nulle fin; dont ledict roy d'Angleterre estoit bien mal content. Pourquoi assembla son conseil par plusieurs fois, pour pour adviser qu'il pourroit faire pour la recouvrer; et en la fin fust conseillé mander l'évesque de Beauvois, auquel il fist remonstrer que ladicte Pucelle usoit d'art magique et diabolique, et qu'elle estoit héréticque; qu'elle avoit esté prinse en son diocèse, et qu'elle y estoit prisonnière ; que c'estoit à lui à en avoir cognoissance et en faire la justice, et qu'il devoit sommer et admonester ledict duc de Bourgoingne, et ledict de Luxembourg, de lui rendre ladicte Pucelle, pour faire son procès, ainsi qu'il est ordonné par disposition de droit aux prélats, faire le procès contre les héréticques, en lui offrant payer telle somme raisonnable qu'il

sera treuvé qu'elle devra payer pour sa rançon. Laquelle chose, après plusieurs remontrances, ledict évesque accorda faire par conseil, s'il trouvoit qu'il le deust et peust faire ; et pour se conseiller à messieurs de l'Université de Paris, qui furent d'oppinion qu'il le pouvoit et debvoit faire; et pour complaire au roy d'Angleterre, accordèrent audict évesque qu'ils escriroient de par l'Université de Paris à monseigneur Jehan de Luxembourg, qui tenoit la Pucelle prisonnière, qu'il la debvoit rendre pour faire son procès, et que s'il faisoit autrement, il ne se monstreroit pas bon catholique ; et plusieurs autres remonstrances contenues èsdictes lettres, ainsi qu'il sera veu par le double d'icelles, qui est escript ci-après. Quand ledict évesque eust ouï le conseil et l'offre de ladicte Université, il accorda faire ladicte sommation, qui fust mise escript, de laquelle la teneur ensuit.

par

Double de la cédulle de la sommation faicte par l'évesque de Beauvois au duc de Bourgoingne et monseigneur Jehan de Luxembourg, pour rendre la Pucelle.

« C'est ce que requiert l'évesque de Beauvois à monseigneur le duc de Bourgoingne, à monseigneur Jean de Luxembourg et au bastard de Vendôme, de par le roy nostre seigneur, et de par lui, comme évesque de Beauvois, que icelle femme nommée Jehanne la Pucelle, prisonnière, soit envoyée au roy pour la délivrer à l'Église pour lui faire son procès, pour ce qu'elle est suppessonnée

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