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son chancelier, qui estoit présent; et lui dit qu'il la baillast à monseigueur Jehan de Luxembourg et au seigneur de Beaurevoir; ce qu'il feist présentement; car tous deux survindrent là. Laquelle cédule ledit de Luxembourg receut et leut; et après lui furent présentées les lettres de l'Université qu'il leut pareillement, ainsi qu'il est contenu en l'instrument d'un notaire appostolique nommé Triquelot, auquel est seulement faict mention de la cédule de la sommation; lequel instrument j'ai translaté de latin en françois ainsi qu'il ensuit. »

La teneur de l'instrument du notaire qui fust présent à la sommation faicte pour rendre la Pucelle.

« En l'an de grâce mil quatre cent trente, le seiziesme jour de juillet, en l'indiction huitiesme, du pape Martyn cinquiesme, l'an treiziesme de son pontificat, en la bastille de très illustre prince, monseigneur le duc de Bourgogne, establye au siége devant Compieigne, ès présence de nobles hommes messieurs Nicolle de Mailly, bailli de Vermandois, et Jehan de Pressy, chevalier, avecques plusieurs autres nobles en grande multitude, fut présentée par révérend père en Dieu, monseigneur Pierre, évesque et comte de Beauvois, audit très illustre prince, monseigneur le duc de Bourgoingne, une cédule en papier, contenante de mot en mot cinq articles escripts en double d'icelle ici devant escripte, laquelle cédulle mondit seigneur le duc bailla realment à noble homme Nicolle Raoullin,

son chancelier, qui estoit présent, et lui commanda la bailler à noble et puissant seigneur, monseigneur Jehan de Luxembourg, chevalier, et au seigneur de Beau-Revoir, laquelle cédulle, icelui chancelier réalment bailla audit de Luxembourg présent; laquelle il receut, ainsi qu'il me sembla. Ces choses dessus escriptes ont esté faictes en ma présence. Ainsi signé Triquelot, notaire et tabellion apostolique et impérial. »

Après ladite cédulle et lettres de l'Université; baillées et présentées, comme dit est, ledit évesque parla audit de Luxembourg; et après plusieurs paroles, il fut appoincté que en lui baillant une certaine somme d'argent, ladicte Pucelle lui seroit délivrée; ce qui fut fait trois ou quatre jours après '. Laquelle Pucelle, receue par ledict évesque, la mist entre les mains des Anglois, qui la menèrent

la

1. M. de l'Averdy (page 13) donne à entendre que négociation qui avait pour objet la rançon de la Pucelle, a traîné en longueur; cependant elle a été terminée en peu de jours, parce que l'évêque de Beauvais traitait en personne avec le duc de Luxembourg, et que celui-ci ne pouvait retenir sa prisonnière malgré le roi d'Angleterre, qui s'était enfin déterminé à la réclamer comme conduisant les osts du dauphin, et à offrir la plus forte rançon qu'on pouvait exiger de lui. J'ai prouvé néanmoins que la Pucelle ne fut remise aux Anglais qu'au mois d'octobre, parce qu'ils ne purent payer sa rançon qu'à cette époque. Voyez ma Dissertation sur la minute française du procès de la Pucelle. DUBOIS.

à Rouen, et la mirent dedans le château dudit lieu, en une forte prison bien enferrée, bien enfermée et bien gardée.

Certain bien bref temps après, ledit évesque de Beauvais, sollicité par le roy d'Angleterre et les gens de son conseil, qui désiroient la mort de ladicte Pucelle,se transporta à Rouen; en quel lieu il feist appeler tous les plus grands personnages et les plus clercs et lettrés, les advocats et notaires, les noms desquels sont ici après escripts. Et quand ils furent assemblés, il leur dit et déclara comme le roy de France et d'Angleterre, leur souverain seigneur, avoit esté conseillé de par les seigneurs de son conseil et par l'Université de Paris, de faire faire le procès d'icelle femme, nommée Jehanne, vulgairement appelée la Pucelle, laquelle est accusée de hérésie et d'art diabolique et de plusieurs autres crimes maléfices, et que pour ce que ladicte femme avoit été prinse et appréhendée en son diocèse, c'estoit à lui à faire son procès, auquel il vouloit besongner par leur conseil; et leur pria assister avecques lui pour y faire ce que sera trouvé par raison. Tous lesquels respondirent qu'ils estoient prests à obéir au roy, et qu'ils assisteroient volontiers audit procès.

I

Le lendemain, pour ce que alors le siège archié

1. M. de l'Averdy ne parle pas de cet acte de procédure.

piscopal estoit vaccant, et que la jurisdiction estoit ès mains du chapitre de l'église de Rouen, ledit évesque se trouva audit chapitre, et dist au doyen et chanoines d'icelle église pareilles parolles qu'il avoit dictes le jour de devant. Mais, pour ce qu'il estoit hors de son diocèse, vouloit bien avoir congié et permission de besongner au territoire de l'archevesque de Rouen ; et leur pria lui permettre besogner audit territoire, ce qui lui fust accordé; dont il demanda lettre, ce qui lui fust octroyé. Ces préparatifs faits pour commencer le procès, combien qu'on eust remonstré audit évesque, attendu que ledit procès se faisoit en matière de foi et par gens d'église, qu'on devoit mettre ladicte Jehanne Pucelle ès prisons de l'archevesque de Rouen, toutefois, ce bon seigneur, voullant complaire au roy d'Angleterre, et avoir la grace des Anglois, ne le voulut faire ; mais la laissa aux prisons desdicts Anglois ses mortels ennemis : en quoi il commenca à monstrer le vouloir qu'il avoit de faire bonne justice en ce procès, en quel lui et sa compagnie ne se monstrèrent pas moins affectés à faire mourir ladicte Pucelle, que Cayphe et Anne, et les scribes et pharisées se monstrèrent affectés à faire mourir Nostre-Seigneur, ainsi qu'on pourra clèrement veoir en la déduction dudict procès, auquel il y a plusieurs mensonges, ainsi que j'ai trouvé en deux livres ès quels est escript le procès de sa condempnation, où il y a plusieurs diversités, spécialement et interrogations, et en ses réponses ; et

aussi est bien prouvé par le procès de son absolution, que le procès de sa condempnation estoit falcifié en plusieurs lieux.

Ensuit la teneur des lettres envoyées par le roy d'Angleterre pour ordonner à ceux qui gardoient Jehanne, dicte la Pucelle, de la remettre à l'évesque de Beauvais, toutes les fois qu'il la requerroit '.

<«< HENRY, par la grace de Dieu, roy de France et d'Angleterre, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut.

>> Il est assez notoire et congnu, comme depuis aucun temps en çà, une femme qui se faict appeler Jehanne la Pucelle, laissant l'habit et vesture de sexe féminin, s'est contre la loy divine, comme chose abominable à Dieu, répugnée et deffendue de toute lɔi, vestue, habillée et armée en estat et habit d'homme, a faits et exercé cruel faict ethomicides, et comme l'on dit, a donné à entendre au simple peuple, pour le séduire et abuser, qu'elle estoit envoyée de par Dieu, et avoit connoissance de ses secrets divins, ensemble plusieurs autres dogmatisations très périculeuses, et à nostre foy catholique

1. M. de l'Averdy s'étonne de ce que le roi d'Angleterre n'a adressé à aucun tribunal l'ordre qu'il donna à ceux qui gardaient la Pucelle, de la remettre à l'évesque de Beauvois toutes les fois qu'il la requerrait; mais ce qui me surprend, c'est que cet ordre se bornant à une simple permission, le roi l'ait fait expédier en forme de lettres-patentes adressée : A tous ceux qui ces présentes lettres verraient. DUBOIS.

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