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dicte la Pucelle, laquelle estoit accusée et diffamée de plusieurs invocations de dyables et autres maléfices, lui avoit esté baillée et délivrée de la part de l'illustre prince le roy de France et d'Angleterre; et que depuis qu'elle lui avoit esté rendue, on avoit faict des articles sur les choses qui pouvoient concerner la foy catholique; et sur iceux articles on avoit faict examiner plusieurs tesmoings, ainsi que on pourra veoir par la lecture des articles et dépositions des tesmoings examinés sur iceux; lesquels articles et dépositions furent leus en présence des dessusdits. Après la lecture desquels, pour ce que l'inquisiteur général de la foy n'estoit point en la ville de Rouen, mais seulement y estoit son vicaire, fut ordonné et appoincté par ledit évesque que ledit vicaire seroit appelé, et en présence des notaires seroit sommé de oyr lire lesdits articles et informations qui avoient esté faictes sur les crimes et maléfices de ladicte Jehanne, et du scandale qui en estoit advenu; et après, par le conseil de ceux qui estoient présents, icelui évesque appoincta que icelle femme seroit appelée pour estre interrogiée en matière de la foy ; et ce fait, tous les assistants jurèrent tenir ferme tout ce qui sera faict en ceste matière.

AUTRE ACTE.

Item, ce jour, après disner, environ quatre heures du soir, ledit évesque somma et requist vé

nérable homme frère Jehan Magistri, vicaire dudit inquisiteur de la foy, qui avoit esté appelé pour assister audit procès, fust, par ledit évesque, requis et sommé de se adjoindre à procéder avecques lui en la matière de ladicte Jehanne, en offrant lui communiquer tout ce qui avoit esté faict audit procès; lequel Magistri respondit que si sa commission et vicairerie estoit suffisante, que volontiers il feroit ce qu'il debvroit et pourroit faire pour ladite inquisition. Ce fut fait en l'hostel dudit évesque, en présence de Jehan Massieu, frère Symon de Parys, Bosc Guillaume et Manchou.

AUTRE ACTE.

Item, le mardy, vingtiesme jour de febvrier, comparant ledit évesque, lesdits Beau-Père, de Tourraine, Mydy, Vendères, Maurice Gérard et de Courcelles, maistre Jehan Magistri, Martin Ladvenu et Nicolle Loyseleur, icelui évesque desclara et dist qu'il avoit veu la commission et vicariat dudict Magistri, qui estoit bonne et suffisante, et qu'il avoit trouvé par conseil que icelui Magistri, vicaire, se povoit adjoindre avecques lui à faire ledict procès; et que ce néanmoins il avoit trouvé par conseil qu'il debvroit faire sommer l'inquisiteur en chef, se il estoit au pays de Normandie, de venir en ceste cité de Rouen pour assister audit procès, ou pourveoir en la matière dont estoit mention, ou commettre ung vicaire qui auroit

pleine puissance pour y procéder; lequel Magistri respondit qu'il ne voudroit se mettre de ladite matière, tant pour le scrupule de sa conscience que pour la seureté de la déduction du procès. Et outre, en tant que estoit l'inquisiteur général dont a esté parlé, il dist qu'il accordoit que ledit évesqué peut commettre tel qu'il lui plairoit pour adsister au lieu dudict inquisiteur, jusqu'à ce qu'il se fust conseillé si le vicariat et commission qu'il avoit estoit suffisante pour soi adjoindre en la matière. Après lesquelles paroles, ledist évesque lui offrit le procès et tout ce qui avoit esté faict.

AUTRE ACTE.

Le lendemain, qui fut mercredy, vingt-uniesme jour de febvrier audit an, en la chappelle royale du chasteau de Rouen, ès présence dudit évesque, et de messeigneurs et maistres monseigneur Gilles, abbé de Fescamp, Jehan Beau-Père, Jean de Chastillon, Jacques le Tessier, Nicolle Mydy, Guérard Feuillet, Guillaume Hecton, Thomas de Courcelles et maistre Richard Prati, furent lues les lettres du roy d'Angleterre, par lesquelles il mandoit aux juges ordinaires de Rouen qu'ils baillassent et deslivrassent la Pucelle audit évesque, pour faire son procès; les lettres du chappitre de Rouen, comment ils avoient permis audit évesque de besongner audit procès audit procès en territoire de Rouen; la citation pour faire entrer ladicte Pucelle devant lui, avecques la citation de celui qui l'avoit citée; les

MONSTRELET. T. IX. CHRON. DE LA PUCELLE.

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4.

quelles lues, maistre Jehan Estivet, ordonné promoteur en ce procès par ledit évesque, demanda et requist que ladite Pucelle fust admenée et interrogiée selon la voye de droit, ce qui lui fut accordé par ledit évesque. Et sur ce que ladite Jehanne avoit supplié et requis qu'il lui fust permis de oyr la messe, icelui évesque dist qu'il avoit eu conseil avecques aucuns saiges et notables personnages, par lesquels il avoit trouvé que, attendu les crimes dont elle estoit accusée et diffamée, et aussi qu'elle avoit porté l'habit d'homme, on lui debvoit différer ladite requeste; et ainsi le desclara.

Assés tost après, ladite Jehanne fut admenée devant ledit évesque et les assistants dessus nommés. Laquelle venue, iceluy évesque lui dist et remonstra comment elle avoit esté prinse dedans les marches de son diocèse. Et pource qu'il estoit bruit et renommée de plusieurs de ses faits qui estoient contre nostre foy, non pas seulement en royaume de France, mais par touts les royaumes, ès quels ils estoient divulgués et publiés, et qu'elle estoit accusée d'hérésie, elle lui avoit esté bailliée et délivrée pour faire son procès en matière de la foy. Apprès lesquelles paroles, le promoteur dessusdit remonstra comment, à sa requeste, elle avoit esté citée et convenue, pour respondre en matière de la foy, ainsi qu'il apparoissoit par les lettres et actes qu'il exhiba présentement, suppliant qu'elle fust adjurée de dire vérité, et interroguée sur les parties qu'il bailleroit; laquelle requeste lui fust accordée par ledit évesque et assistants.

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INTERROGATOIRE.

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La dessusdite requeste accordée, comme dist est, iceluy évesque fist venir ladite Jehanne, et l'admonesta caritativement, et lui pria qu'elle dist vérité des choses qui lui seroient demandées, tant pour l'abréviation de son procès que pour la descharge de sa conscience, sans querir subterfuges ne cautelles, et qu'elle jurast sur les saincts Evangiles de dire vérité de toutes les choses sur lesquelles elle seroit interroguée. Laquelle Jehanne respondit : « Je ne sçais sur quoi vous me voulez interroguer, adventure me pourriez-vous de>> mander telles choses que je ne vous dirai point. >>> Sur quoi ledit évesque lui dist: « Vous jurerez de >> dire vérité de ce qui vous sera demandé, qui con>> cerne la foy catholique, et de toutes autres choses » que saurez. » A quoi ladite Jehanne respondit : Que de ses père et mère, et de toutes les choses quelle avoit faites, depuis qu'elle avoit prins le chemin pour venir en Franche, volontiers en jureroit ; mais de révélations à elle faictes de par Dieu, que jamais elle ne l'avoit dit, ne révélé fors à Charles que elle dit estre son roy; et se on lui debvroit copper la teste, elle ne les révèleroit, pour ce quelle savoit par ses visions, qu'elle devoit les tenir secrètes; mais que dedans huit jours elle saura bien se elle les doibt révéler. Apprès les

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