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tentative pour s'évader; et ensuite, transportée dans le château de Baurevoir, à quatre lieues au sud de Cambrai, elle у fut d'abord traitée avec égard par la femme et la sœur de Jean de Luxembourg. Quoique sensible à l'affection qu'on lui témoignait, la crainte qu'avait la Pucelle d'être livrée aux Anglais, lui fit tenter une seconde fois de s'échapper : elle sauta par une fenêtre, et tomba sans connaissance au pied de la tour où elle était renfermée. Dès qu'elle fut rétablie, on la transporta à Arras, et ensuite au Crotoi, citadelle très forte à l'embouchure de la Somme. Le duc de Bedford, pour relever son parti abattu, en sacrifiant Jeanne à sa vengeance, voulait d'abord établir, par une procédure solennelle, qu'elle avait employé le sortilége et la magie; par là il parvenait à la faire condamner comme hérétique, il détruisait l'ascendant qu'aurait exercé sur tous les esprits le souvenir de ses vertus, il sauvait l'honneur de ses armes, flétri par tant de défaites; et, pour nous servir de l'énergique langage de ce siècle, il infâmait le roi de France. Déjà un frère Martin, vicaire-général de l'inquisition, avait prétendu évoquer le jugement de la Pucelle à son tribunal; Pierre Cauchon, cet évêque de Beauvais expulsé de son siége, la réclamait aussi, comme ayant été prise dans son diocèse, ce qui était une fausseté, car elle avait été faite prisonnière au-delà du pont de Compiégne, et sur le territoire du diocèse de Noyon; enfin l'université de Paris écrivit au duc de Bourgogne, pour qu'elle fût traduite devant un tribunal ecclésiastique, comme suspecte de magie et de sortilége. Ce concours de lâ

cheté et de férocité prouvait au duc de Bedford la facilité qu'il aurait pour accomplir ses projets; mais il fallait tirer la prisonnière des mains de Jean de Luxembourg, comte de Ligny, qui ne paraissait pas d'abord disposé à la céder. Son épouse, lorsqu'elle le voyait ébranlé par les offres qu'on lui faisait, le suppliait à genoux de ne pas livrer à une mort certaine une captive si intéressante par son courage et son innocence, et que d'ailleurs les lois de la guerre obligeaient de respecter. Enfin, on fit valoir le droit qu'avaient les souverains de s'emparer des prisonniers, de quelque condition qu'ils fussent, en payant une somme de dix mille livres à ceux auxquels ils appartenaient. Au moyen de cet argent, qui fut remis à Jean de Luxembourg, et d'une pension de trois cents livres pour le bâtard de Vendôme, l'héroïne d'Orléans fut livrée à un détachement de troupes anglaises, qui la conduisirent à Rouen. Là, on la chargea de chaînes, on la jeta dans un cachot, on l'accabla d'outrages, et l'on commença cet affreux procès, dont l'original, encore existant aujourd'hui à la bibliothèque du roi, dépose, comme par l'effet d'une justice divine, des vertus et de l'innocence de cette auguste victime, et porte au plus haut degré d'évidence historique, les faits les plus surprenants de sa merveilleuse histoire, puisque les preuves qui les constatent s'y trouvent rassemblées et vérifiées par ceux-là mêmes qui voulaient ternir sa chaste gloire, et qui étaient acharnés à sa perte. Pierre Cauchon et un inquisiteur nommé Lemaire, assistés de soixante assesseurs qui n'avaient que voix consultative, furent

les juges de l'infortnnée Jeanne. Son procès s'instruisit selon les formes mystérieuses et barbares des l'inquisition. Mais après plusieurs interrogatoires, on s'apercut combien il serait difficile de parvenir au but qu'on se proposait. Jeanne, dans l'infortune et dans les fers, et en présence du tribunal qui avait juré sa perte, se montrait peut-être plus étonnante que sur le champ de bataille et à la tête des armées : elle joignait un courage inébranlable à la plus touchante douleur; elle pleurait comme une jeune fille, et se conduisait comme un héros. Ses juges perfides accumulaient en vain les questions insidieuses, les réticences, les menaces, les violences, les impostures, les faux matériels pour la faire tomber dans le piége; rien ne leur réussissait, et ils se trouvaient eux-mêmes réduits au silence de la honte, par la justesse, la dignité et l'énergie de ses réponses. Telle était la crainte qu'elle inspirait encore aux Anglais, quoique captive, que des lettres écrites au nom du roi d'Angleterre, datées du 12 décembre 1430, ordonnent de faire arrêter et traduire devant des conseils de guerre, tous ceux à qui la peur de la Pucelle ferait abandonner leurs drapeaux: Quos terriculamenta Puellæ exanimaverint. L'impulsion qu'elle avait donnée à la valeur française enfantait d'ailleurs chaque jour de nouveaux succès. Les Anglais étaient partout défaits, et les revers multipliés qu'ils essuyaient les irritaient encore plus contre celle qui en était la cause primitive; ils pressaient les juges, et prodiguaient, pour hâter le moment de son supplice, et l'argent et les menaces; mais ils trouvaient un puissant obstacle

dans l'intérêt qu'elle inspirait, même aux assesseurs choisis à dessein pour la condamner. la condamner. I duchesse de

Bedford s'intéressait aussi vivement à son sort. Jeanne d'Arc s'étant déclarée vierge dans ses interrogatoire, et ayant offert de se soumettre à l'examen de femmes recommandables par leurs mœurs, la duchesse de Bedford nomma les matrones qui devaient la visiter. Quelques témoins ont assuré, dans le procès de révision, que le duc de Bedford, sans doute à l'insu de sa vertueuse épouse, se cacha pendant cet examen dans une chambre voisine, d'où, à l'aide d'une ouverture pratiquée dans le mur de séparation, il osa promener ses regards indiscrets sur l'infortunée qu'il destinait au dernier supplice. Le rapport des matrones s'étant trouvé à l'avantage de Jeanne, on eut bien soin de n'en faire aucune mention au procès, parce qu'il eût anéanti le principal chef, d'accusation, celui de magie et de sorcellerie. On l'in-... terrogea plusieurs fois sur sa première entrevue avec Charles VII; mais elle ne voulut jamais s'expliquer clairement sur le secret qu'elle lui avait révélé pour lui faire connaître la vérité de sa mission, ou, lorsqu'elle

fut contrainte, elle le fit d'une manière allégorique ou inintelligible. Sur tout ce qui concernait ses apparitions ou les voix qui la conseillaient, elle entra dans les plus grands détails, et raconta ingénuement tout ce qu'elle avait vu ou entendu, et tout ce qu'elle avait dit dans ses entretiens secrets avec les saintes, qui chaque jour lui apparaissaient, et lui disaient de répondre hardiment. Bien loin de nier les prédictions qu'elle avait faites dans ses lettres, elle dit à ses juges qu'avant

sept ans les Anglais abandonneraient un plus grand gage qu'ils n'aient fait devant Orléans, et qu'ils perdraient tout en France. Il est assez remarquable que Paris fut repris par les Français le 13 avril 1446, c'està-dire six ans après que l'on ent consigné cette prédiction dans le procès de Jeanne, dont nous possédons la grosse authentique. Jeanne répéta encore depuis cette prédiction en d'autres termes, dans les interrogatoires suivants, particulièrement lorsqu'on lui demanda si Dieu haïssait les Anglais. « De l'amour ou hayne que >> Dieu a aux Angloys, ou que Dieu leur faictà leurs âmes, >> ne sçay rien; mais je sçay bien que ils seront boutés hors >> de France, exceptez ceux qui y mourront; et que Dieu » envoyera victoire aux François, et contre les Angloys.» On lui demanda si elle ne disait pas aux guerriers qui portaient des étendards semblables au sien, qu'ils seraient heureux à la guerre. « Non, répondit-elle, je » disois : Entrez hardiment parmi les Anglois, et j'y en» trois moi-même. » Interrogée sur ce que lui avaient dit ses saintes sur l'issue de son procès, elle répondit: «Mes voix me dient que je serai délivrée par grante victoire; et après me dient mes voix : pren tout en gré ; » ne chaille (soucie) de ton martyre: tu t'en venras (viendras) enfin au royaume du paradis; et ce me dient mes voix, c'est à savoir sans faillir; et appelle ce (cela) martyre pour la peine et adversité que souffre en la prison: et ne sçay si plus grant souffrirai, mais m'en >> acte (rapporte) à Nostre-Seigneur. » On lui demanda quelle était la distinction entre l'Église triomphante et l'Église militante. Isambart, un des juges assesseurs,

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