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sous les murs de la ville les bourgeois se rendraient 1. Ce qui faisait craindre au roi la résistance des gens de Reims, c'est qu'il n'avait pas d'artillerie ni des machines pour faire le siège. Ainsi il eût été en peine s'ils se fussent montrés rebelles. Mais Jeanne lui disait : « Avancez hardiment et ne doutez de rien. Si vous voulez énergiquement avancer, vous gagnerez tout votre royaume2. »

Je crois que Jeanne est venue de Dieu; car elle faisait les œuvres de Dieu, se confessant souvent et communiant à peu près chaque semaine. Elle semonçait fort les hommes d'armes quand elle leur voyait faire quelque chose qui n'était pas à faire. Lorsqu'elle était sous son armure et à cheval, elle ne descendait jamais de sa monture pour des nécessités naturelles; et tous les hommes d'armes admiraient qu'elle pût si longtemps rester à cheval.

Je ne sais rien autre.

1. Dixit regi: « Nolite dubitare, quia burgenses villæ Remensis » venient vobis obviam; » et quod, antequam appropinquaret civitatem Remensem, burgenses se redderent. »

2. « Dicebat quod audacter procederet et quod de nullo dubitaret, quia si vellet procedere viriliter, totum regnum suum obtineret. >>

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DÉPOSITION DU FRÈRE SEGUIN, EXAMINATEUR
DE JEANNE A POITIERS

Parmi les examinateurs de Jeanne à Poitiers il y avait un frère prêcheur, professeur de théologie, nommé SEGUIN DE SEGUIN (Seguinus Seguini.)

Frère Seguin était « un bien aigre homme », dit la CHRONIQUE DE LA PUCELLE. C'était aussi un bon homme, moins ménager de son amourpropre que respectueux de la vérité. On le verra, en lisant son instructive et attachante déposition. I la fit à l'âge de soixante-douze ans, étant doyen de la faculté de théologie de Poitiers:

Avant de connaître Jeanne j'avais entendu dire` par maître Pierre de Versailles, professeur de théologie, qu'un jour en parlant d'elle, il avait ouï conter le fait suivant par quelques hommes d'armes. Ces hommes d'armes étaient allés au-devant de Jeanne lors de sa venue vers le roi, et ils s'étaient placés en embuscade

pour s'emparer d'elle et de ses compagnons. Mais au moment où ils croyaient la prendre, ils n'avaient pu se remuer de place 1; et tandis qu'ils demeuraient comme cloués, Jeanne s'éloigna avec ses compagnons sans empêchement.

J'ai vu Jeanne pour la première fois à Poitiers. Le conseil du roi était réuni en cette ville, dans la maison d'une dame La Macée, et parmi les conseillers il y avait l'archevêque de Reims, alors chancelier de France. On m'avait fait venir, ainsi que maître Jean Lombart, professeur de théologie sacrée à l'université de Paris, Guillaume Le Maire, chanoine de Poitiers, bachelier en théologie, Guillaume Aimery, professeur de théologie sacrée, de l'ordre des frères prêcheurs, frère Pierre Turrelure, de l'ordre des dominicains, maître Jacques Maledon, et plusieurs autres que je ne me rappelle pas, et on nous avait dit que nous étions mandés de la part du roi pour interroger Jeanne, avec charge de rapporter au conseil ce qu'il nous semblerait d'elle. On nous envoya en effet au logis de maître Rabateau, à Poitiers, pour interroger Jeanne qui y demeurait. Nous nous y rendîmes et fimes à Jeanne plusieurs questions.

Entre autres questions, maître Jean Lombart demanda à Jeanne « Pourquoi êtes-vous venue? Le roi veut savoir quel mobile vous a poussée à venir le trouver. » Elle répondit de grande manière: « Comme je

4. «Non potuerant se movere a loco in quo erant, »

gardais les animaux une voix m'apparut. Cette voix met dit: «< Dieu a grande pitié du peuple de France. Il faut que toi, Jeanne, tu te rendes en France. » Ayant oui ces paroles, je me mis à pleurer. Lors la voix me dit : Va à Vaucouleurs. Tu trouveras là un capitaine qui te conduira sûrement en France et près du roi. Sois sans crainte. » J'ai fait ce qui m'était dit. Et je suis arrivée au roi sans empêchement quelconque1. >>

Là-dessus, maître Guillaume Aimery la prit ainsi à partie « D'après vos dires, la voix vous a dit que Dieu veut délivrer le peuple de France de la calamité où il est. Mais si Dieu veut délivrer le peuple de France, il n'est pas nécessaire d'avoir des gens d'armes 2. <«< En nom Dieu, répondit Jeanne, les gens << d'armes batailleront et Dieu donnera victoire 3. » Cette réponse plut, et maître Guillaume en fut content.

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Moi qui parle je demandai à Jeanne quel idiome parlait sa voix. « Un meilleur que le vôtre, » me ré

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1. «Ipsa respondit magno modo quod, ipsa custodiente animalia, quædam vox sibi apparuit, quæ sibi dixit quod Deus habebat magnam pietatem de populo Franciæ, et quod oportebat quod ipsa Johanna veniret ad Franciam. Quæ, hoc audito, inceperat lacrimari; et tunc vox sibi dixit quod iret apud Valliscolorem, et quod ibidem inveniret quemdam capitaneum, qui eam secure duceret ad Franciam et apud regem, et quod non dubitaret; et quod ita fecerat, quodque venerat apud regem, sine quocumque impedimento. »>

2. « Non est necessarium habere armatos ».

3. Cette réponse de Jeanne est en français dans la déposition.

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pondit-elle. Et en effet je parle limousin 1. L'interrogeant derechef, je lui dis : « Croyez-vous en Dieu? >> <«< Oui, mieux que vous », me répondit-elle 2. <«< Mais enfin, lui dis-je, Dieu ne veut pas qu'on vous croie, s'il n'apparaît quelque signe montrant qu'il faut yous croire. Nous ne saurions conseiller au roi, sur une simple assertion, de vous confier et de mettre en péril des hommes d'armes. N'avez-vous donc rien autre à dire? » Elle répondit : « En nom Dieu, je ne suis pas venue à Poitiers pour faire signes. Mais menezmoi à Orléans; et je vous montrerai signes pourquoi je suis envoyée". » Elle ajouta : « Qu'on me donne des hommes en si grand nombre qu'on le jugera bon, et j'irai à Orléans . »

En même temps, elle nous dit quatre choses, alors à venir, qui sont arrivées depuis : Premièrement, que les Anglais seraient détruits, le siège d'Orléans levé et la ville affranchie de ses ennemis, après sommation préalable faite par ladite Jeanne; deuxièmement, que le roi serait sacré à Reims; troisièmement, que la ville de Paris serait remise en l'obéissance du roi;

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1. « Ipse autem loquens interrogavit eam quod idioma loquebatur vox eidem loquens : quæ respondit quod melius idioma quam loquens, qui loquebatur idioma Lemovicum ».

2. « Quæ respondit quod sic, melius quam loquens ».

3. La première partie de la réponse de Jeanne est en français dans le texte. La suite est « Sed ducatis me Aurelianis; ego ostendam vobis signa ad quæ ego sum missa ».

4. « Et quod traderentur sibi gentes cum tanta quantitate quanta videbatur eisdem, et quod iret Aurelianis ».

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