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Peu après son arrivée elle envoya un message aux assiégeants et les somma, par une lettre bien simplement faite en sa langue maternelle, d'avoir à se retirer, selon la volonté de Dieu : « Messire vous mande que >> vous en aliez en vostre pays, car c'est son plaisir, » ou sinon, je vous feray ung tel hahay... 1. »

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Lors de l'affaire de Saint-Loup, Jeanne était en train de dormir dans la maison de son hôte. Tout à coup elle s'éveilla, dit que ses gens avaient à faire, se fit armer et sortit de la ville. Ce même jour il fut proclamé par son ordre que nul ne prit des biens d'église.

Sur le propos tenu par Jeanne le jour où la bastille du Pont fut prise, je ne puis que confirmer la déposition de ma femme2.

Jeanne semonçait les hommes d'armes qu'elle savait en faute, surtout ceux qui juraient ou blasphémaient. Elle chassait les femmes qui venaient à la suite de l'armée et leur faisait force menaces pour les faire partir. Je crois fermement que ses faits et gestes furent œuvre divine plutôt qu'oeuvre humaine.

J'ajouterai que j'ai ouï dire par le sire de Gaucourt et par d'autres capitaines que Jeanne était fort docte. au métier des armes. Tous s'étonnaient de son habileté. Je ne sais rien autre.

1. La citation de Milet s'arrête ici; et ces mots sont en français dans le texte.

2. « Et pariformiter deponit de Bastilia Pontis sicut uxor

sua. »

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MAITRE AIGNAN VIOLE, licencié ès lois, avocat dans la vénérable cour du Parlement, âgé de cinquante ans, fit à Paris la déposition suivante qui ne manque pas d'intérêt :

Je n'ai connu Jeanne la Pucelle qu'au temps du siège d'Orléans. Elle fut logée en cette ville chez Jean Bouchier. J'ai bien souvenir qu'un jour, après diner, ce fut le jour où la bastille de Saint-Loup fut prise, Jeanne qui dormait s'éveilla tout à coup et dit : « En nom Dé, nos gens ont bien à besoigner. Apportez mes armes et amenez mon cheval1. >> Sur-le-champ on lui amène son cheval, elle s'arme, et la voilà aux champs avec les autres hommes d'armes devant le fort de Saint-Loup. Peu de temps après, le fort était pris et les Anglais vaincus.

Avant la prise de la bastille du Pont, Jeanne avait annoncé que cette bastille serait prise et qu'elle-même passerait sur le pont pour revenir chose qui semblait impossible, ou du moins fort difficile. Bien plus, elle

1. « En nom Dé, nos gens ont bien à besoigner. Afferatis arma mea et adducatis equum. »

avait annoncé qu'elle serait blessée devant ledit fort du Pont. Et ainsi fut fait.

Le dimanche, après la prise des forts du Pont et de Saint-Loup, les Anglais se rangèrent en bataille devant la ville. A cette vue, un grand nombre des nôtres et la plus grande partie de l'armée voulaient combattre. On sortit de la ville. Jeanne, blessée, était avec les hommes d'armes, vêtue d'une cotte légère. Elle fit ranger les soldats en bataille; mais elle défendit qu'on n'attaquât les Anglais. « C'est le plaisir et la volonté de Notre-Seigneur, disait-elle, que, s'ils veulent se retirer, nous leur permettions de s'en aller 1. » Pour lors, les hommes d'armes rentrèrent dans Orléans.

On disait que Jeanne était aussi experte que possible dans l'art d'ordonner une armée en bataille, et que même un capitaine nourri et élevé dans la guerre n'aurait su montrer tant d'habileté de quoi les capitaines étaient singulièrement émerveillés 2.

1. « Eisdem tamen inhibuit ne invaderent Anglicos, quia, ut dicebat, placitum Domini et voluntas erat quod, si vellent recedere, quod permitterent abire. »

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2. « Dicebatur quod ipsa erat ita expers (lire expertä) in ordinatione armatorum ad bellum, quantum poterat; imo capitaneus nutritus et eruditus in bello ita experte nescivisset facere. Unde capitanei erant mirabiliter admirati ». Remarquez comme les témoins les plus divers rendent témoignage du génie militaire de Jeanne. Ici c'est l'avocat Aignan Viole; tout à l'heure c'était le président Simon Charles (voir page 146), bientôt ce sera dame Marguerite la Touroulde (page 294). Rapprochez de ces dépositions les attestations significatives des hommes de guerre les

Dans tous ses faits et gestes Jeanne se comportait le plus honnêtement du monde. En tout, hors le fait de la guerre, elle était si simple que c'était merveille. Aussi, attendu ses actes et leurs suites, je crois qu'elle était conduite par l'esprit de Dieu et qu'en elle il y avait non une vertu humaine, mais une vertu divine.

Je ne sais rien autre.

plus compétents, du duc d'Alençon (pages 183 et 184), du comte de Dunois (p. 199), du sire de Gaucourt (fin de la déposition de Pierre Milet, p. 274), du chevalier Thibault d'Armagnac (p. 283 et 284). Sur ce point, les chroniqueurs confirment les dépositions des témoins. Walter Bower, dans sa chronique, qualifiait Jeanne de capitainesse, (( capitanea ».

Aussi fine que vaillante, Jeanne s'entendait aux ruses de guerre. De son propre aveu, il lui arrivait de mettre une croix dans ses lettres pour marquer aux siens qu'il ne fallait pas faire ce qu'elle leur écrivait de faire, et pour engager ainsi sur une fausse piste les ennemis qui seraient mis au courant de ses communications. « Respondit quod... aliquando ponebat >> crucem in signum quod ille de parte sua cui scribebat non >> faceret illud quod eidem scribebat. >> (Voir PROCÈS DE CONDAMNATION, p. 96.)

XXI.

DEPOSITIONS DU PANETIER RICHARVILLE

ET DU CHIRURGIEN THIERRY

Noble homme, GUILLAUME DE RICHARVILLE, panetier de la cour en 1429, était maître d'hôtel du roi et avait soixante ans quand il fit sa déposition à Orléans, qui porte principalement sur la venue de Jeanne et sur l'examen qu'elle subit :

J'étais dans Orléans, alors assiégé par les Anglais, en compagnie de monseigeur de Dunois et de plusieurs autres capitaines, quand le bruit s'y répandit qu'il était passé par Gien une bergerette, appelée la Pucelle, que conduisaient deux ou trois gentilshommes du pays de Lorraine d'où elle était originaire. Cette pucelle disait qu'elle venait pour lever le siège d'Orléans et qu'après elle conduirait le roi à Reims au sacre, comme cela lui était ordonné de la part de Dieu '.

Ce nonobstant, elle ne fut pas reçue à la légère auprès du roi. Loin de là. Il voulut qu'elle fût d'abord

1. « Dicebat quod ibat pro levando obsidionem Aurelianensem et quod postea duceret regem Remis ad sacrandum, sicut erat sibi præceptum ex parte Dei. »

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