Imágenes de páginas
PDF
EPUB

dans le fait de la guerre, pour conduire et disposer les troupes, pour ordonner la bataille et animer les soldats, elle se comportait comme si elle eût été le plus habile capitaine du monde, de tout temps formé à la guerre1.

Je ne sais rien autre.

1. « Ipsa se habebat ac si fuisset subtilior capitaneus mundi, qui totis temporibus suis edoctus fuisset in guerra. »

XXIII.

DÉPOSITION DU CHAUDRONNIER
HUSSON LEMAITRE

Après le chevalier, l'artisan. Honnête homme, HUSSON LEMAITRE, chaudronnier, âgé de cinquante ans, et domicilié à Rouen où il fut interrogé, dit :

Je suis originaire de Viville, à trois lieues de Domremy. J'ai connu le père et la mère de Jeanne. C'étaient de bonnes et simples gens, qui vivaient chrétiennement.

J'étais dans mon pays au temps où Jeanne alla à Vaucouleurs vers le seigneur Robert de Baudricourt pour obtenir qu'il la menât ou la fit mener au roi de France. Dès ce temps, on disait qu'il y avait là un trait de la grâce de Dieu et que Jeanne était animée par l'esprit divin.

Il me fut raconté que Jeanne avait requis le sire Robert de lui donner des gens pour être ses conducteurs auprès de monseigneur le dauphin.

Dans le pays, Jeanne était réputée une bonne et honnête jeune fille. On ajoutait qu'elle était demeurée autrefois avec une honnête femme nommée la Rousse, résidant à Neufchâteau; qu'elle se confessait très souvent, et qu'elle aimait à faire la communion,

J'ai ouï dire que, lors du voyage de Vaucouleurs à Chinon, quelques-uns des hommes d'armes qui la conduisirent faisaient semblant d'être du parti contraire, et que, comme ceux qui étaient avec elle feignaient de vouloir fuir, elle leur disait : « Gardez-vous de fuir, en nom Dé; ils ne nous feront pas de mal1.

[ocr errors]

On assurait aussi que, lors de sa visite au roi, elle sut le reconnaître, quoiqu'elle ne l'eût jamais vu.

Jeanne finit par mener le roi à Reims sans empêchement; et c'est à Reims que je la vis.

Je ne l'ai connue que dans cette ville, quand elle y vint pour le couronnement du roi. J'habitais Reims à cette époque. Il y avait aussi le père de Jeanne et messire Pierre, son frère. L'un et l'autre, vu leur qualité de compatriotes, étaient très familiers avec moi ainsi qu'avec ma femme, qu'ils appelaient « voisine ».

De Reims le roi s'en vint à l'abbaye de Saint-Marcoul de Corbeny (pour guérir les écrouelles); puis il alla à Château-Thierry, qui se rendit à lui. Comme on était là, le bruit vint que les Anglais arrivaient pour combattre contre le roi. Mais Jeanne dit aux gens du roi: << Ne craignez point; les Anglais ne viendront pas2. » Je ne sais rien autre.

1. « Nolite fugere, en nom Dé; non facient nobis malum. » 2. « Quod non timerent, et quod Anglici non venirent. »

wwwwww

XXIV. LETTRE DE TROIS GENTILSHOMMES

ANGEVINS SUR LE SACRE DE REIMS

Une très intéressante lettre fut écrite, le jour même du sacre, par Pierre de Beauvau et par deux autres gentilshommes angevins, Moréal et Lussé, à la femme et à la belle-mère de Charles VII.

Au xvII° siècle, un jésuite très érudit, ClaudeFrançois Menestrier, a publié cette lettre pour la première fois, d'après l'original trouvé dans les archives de l'abbaye de Bénissons-Dieu en Forez.

Comme elle supplée au silence des témoins sur le sacre de Reims, je la reproduis ici :

Nos souveraines et très redoubtées dames, plaise » vous sçavoir que yer le roy arriva en ceste ville de » Rains, ouquel (dans laquelle) il a trouvé toute et

pleine obéissance. Aujourd'hui a esté sacré et cou» ronné; et a esté moult belle chose à voir le beau » mystère, car il a esté auxi solempnel et accoustré

» de toutes les besongnes y appartenans, auxi bien et >> si convenablement pour faire la chose, tant en abis >> royaux et autres choses à ce nécessaires, comme s'il » eust mandé un an auparavant; et y a eu autant de >> gens que c'est là chose infinie à escrire, et auxi la >> grande joye que chacun en avoit.

» Messeigneurs le duc d'Alençon, le conte de Cler>>mont, le conte de Vendosme, les seigneurs de Laval, » et de La Trémoille, y ont esté en abis royaux, et mon» seigneur d'Alençon a fait le roy chevalier, et les des>> susditz représentoient les pairs de France; monsei» gneur d'Albret a tenu l'espée durant ledit mystère » devant le roy; et pour les pairs de l'église y estoient. >> avec leurs croces et mitres messeigneurs de Rains et » de Chalons, qui sont pairs; et en lieu des autres, les » évêques de Séez et d'Orléans, et deux autres prélas; >> et mondit seigneur de Rains y a fait ledit mystère et »sacre qui lui appartient.

>> Pour aller quérir la sainte ampolle en l'abaye de » Saint-Remy et pour l'apporter en l'église de Nostre» Dame, où a esté fait le sacre, furent ordonnez le >> mareschal de Bossac, les seigneurs de Rays, Graville, » et l'admiral, avec leurs quatre bannières que cha>> cun portoit en sa main, armez de toutes pièces et » à cheval, bien accompagnez pour conduire l'abbé » dudit lieu, qui apportoit ladite ampolle; et entrè>> rent à cheval en ladite grande église et descendirent » à l'entrée du chœur, et en cet estat l'ont rendue » après le service en ladite abaye; lequel service a

« AnteriorContinuar »