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fille, bonne, chaste, pieuse, craignant Dieu, pratiquant l'aumône et faisant le bien. Elle recueillait les pauvres; et elle voulait coucher au coin du foyer et qu'ils couchassent dans son lit1. Elle ne dansait pas; et nous, ses camarades, nous la grondions de cela, Elle aimait le travail, filait, cultivait la terre avec son père, faisait le ménage et quelquefois gardait les bêtes. On ne la voyait pas par les chemins; elle était le plus souvent dans l'Église à prier. Elle se plaisait à fréquenter les lieux de dévotion et se rendait de temps à autre à la chapelle de la bienheureuse Marie de Bermont. Souvent je l'ai vue se confesser; car il faut dire qu'elle était ma commère, ayant tenu sur les fonts du baptême mon fils Nicolas. Bien des fois je l'accompagnais et je la voyais aller à confesse, dans l'église, aux pieds de messire Guillaume, alors curé.

Quand le château était en prospérité, les seigneurs du village et leurs dames allaient prendre du bon temps aux Loges-les-Dames. Le dimanche de Lætare, que nous appelons aussi le dimanche des fontaines, et

1. Faciebat hospitare pauperes, et volebat jacere in focario et quod pauperes jacerent in lecto.

2. La chapelle de l'ermitage de Bermont, déformée sous prétexte de restauration et enclavée dans une propriété particulière, se trouve à une demi-lieue de Greux, sur la route de Domremy à Vaucouleurs. On y voit des statues de Notre-Dame et de sainte Marguerite que la tradition fait remonter au temps de Jeanne d'Arc. A remarquer aussi une petite cloche qui date probablement de l'époque où eut lieu le jugement de réhabilitation et où se détachent en relief les initiales A. V. E. M. P. E. I. A. D. E. P. M. A. N. G. T. Voici une interprétation de ces ini

certains autres jours, dans la belle saison, ils amenaient avec eux garçons et filles : je le sais, car jadis Pierre de Bourlemont, seigneur du village, et sa femme, qui était de France, m'y ont conduite avec les autres petites filles du village, à divers jours du printemps, et notamment le dimanche des fontaines. Ce dimanche-là, c'est la coutume que toute la jeunesse du village, garçons et filles, aille à l'arbre jouer et danser. Jeannette allait avec nous jouer et danser; comme nous elle portait son petit pain et puis s'en venait boire à la fontaine des groseillers. Encore aujourd'hui, on va à l'arbre des Dames, et petits pains, jeux et danses, tout est resté de mode.

Lors d'une irruption d'hommes d'armes, Jeannette se réfugia à Neufchâteau avec son père, sa mère, ses frères et ses sœurs 1, emmenant avec eux leurs animaux menacés. Mais son séjour à Neufchâteau fut court. Elle revint à Domrémy avec son père. Ce que je vous dis

tiales, qui me paraît un peu forcée, mais qui est très respectable, puisqu'elle émane de l'Académie des inscriptions et belleslettres, d'après les renseignements que je tiens du propriétaire actuel de la chapelle, neveu de Guillaume Sainsère, son zélé mais maladroit restaurateur : « Ad virginem e manibus populi extrahentem imperium Anglicani dedicatum est post mortem ad nominis gloriam tintinnabulum. » A la Vierge arrachant le royaume aux mains du peuple anglais, a été dédiée, après sa mort, pour la gloire de son nom, cette petite cloche.

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1. « Cum fratribus et sororibus suis. » — Jeanne avait plusieurs sœurs, d'après ce témoignage. Plus loin (p. 96), le laboureur Colin nous montrera Jeanne allant à l'ermitage avec une sœur à elle (« cum quadam sorore sua »).

là, je l'ai vu. Elle ne voulait pas rester à Neufchâteau et disait qu'elle aimait mieux demeurer à Domremy.

C'est Durand Laxart qui amena Jeannette à Robert de Baudricourt. Voici un propos de Durand que j'ai entendu : « Jeannette, disait-il, me pria de dire à son père qu'il fallait qu'elle vint assister ma femme en couches, afin d'avoir ainsi moyen de se faire conduire par moi à messire Robert 1. »

Je ne sais rien autre.

1. « Quod ipsa dixerat sibi quod ipse diceret patri suo quod ipsa iret relevatum suam uxorem, ad finem ut eam duceret dicto domino Roberto. >>

III.

DEPOSITIONS DE TROIS MARRAINES

DE JEANNE

Selon l'usage de l'époque, Jeanne avait eu plusieurs parrains et plusieurs marraines. Celles-ci étaient au nombre de quatre: Béatrix, femme Estellin; Jeannette, femme Thévenin ; Jeannette, femme Thiesselin ; et Édite, femme Barrey. Édite, qui n'est nommée qu'une fois dans le procès-verbal par Mengette, l'ancienne amie de Jeanne, n'a pas fait de déposition. On va entendre les trois autres marraines de Jeanne.

JEANNETTE, veuve de THIESSELIN de Viteau, en son vivant clerc à Neufchâteau, avait soixante ans lors de l'enquête. Elle dit:

Jeannette, dite la Pucelle, naquit à Domremy de Jacques d'Arc et d'Isabellette, époux probes, catholiques, de bonne réputation, qui vivaient en simples laboureurs, honnêtement selon leur pauvreté, car ils n'étaient guère riches 1.

1. « Qui se regebant ut laboratores, honeste secundum eorum paupertatem, quia non erant multum divites. >>

Jeannette fut baptisée aux fonts baptismaux de la paroisse du bienheureux Remy. Je fus sa marraine; et c'est mon nom qu'elle portait. Jeanne, femme de Thévenin, a été aussi sa marraine.

J'ai pu voir quelles étaient les mœurs de Jeannette durant son enfance et tout le temps qu'elle resta à Domremy. C'était une bonne enfant, vivant honnêtement et religieusement, comme il sied à une fille sage1. Elle allait volontiers à l'église et craignait Dieu. Assez souvent elle se rendait à la chapelle de Notre-Dame de Bermont, avec quelques autres jeunes filles, pour y prier sainte Marie. Il m'est arrivé d'y aller avec elle. Ses confessions étaient fréquentes. Je l'ai vue plusieurs fois se confesser à messire Guillaume Fronte, alors curé de la paroisse. Elle ne jurait jamais, et, pour affirmer, elle se contentait de dire : <«<< sans manque ». Elle n'était pas danseuse 3; et maintes fois, tandis que les autres chantaient et dansaient, elle allait prier.

2

Jeannette était bonne travailleuse, filant, faisant le ménage, et, quand le cas se présentait, gardant à son tour les animaux pour son père.

Il y a chez nous un arbre qui s'appelle l'arbre des Dames, parce que, dans l'ancien temps, le seigneur Pierre Granier, chevalier, seigneur de Bourlemont, et une dame qu'on appelait Fée, se donnaient des rendez

1. « Erat bona filia, vivens probe et sancte, ut prudens filia. » 2. « Sine defectu. »

3. «Non erat choreatrix. >>

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