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PRÉFACE

Tracer de Jeanne une image ressemblante, naturelle et vivante, d'après les documents originaux, et, parmi ces documents, faire connaître les deux principaux d'après les textes latins officiels, tel est l'objet des trois livres intitulés JEANNE D'ARC, LIBÉRATRICE DE LA FRANCE; LE PROCÈS DE CONDAMNATION DE JEANNE D'ARC; LE PROCÈS DE RÉHABILITATION DE JEANNE D'ARC.

Dans l'Introduction du livre dont celui-ci est le complément, j'ai dit ce que j'avais à dire sur l'importance des deux si intéressants procès de la Pucelle, sur les manuscrits conservés et sur ma double traduction.

Je me contenterai ici d'inviter les esprits curieux à confronter avec les réponses de Jeanne à ses

juges les dépositions des témoins qui l'ont connue. Ils constateront que, si la Jeanne des anciens historiens est trop hiératique, la Jeanne de récents historiens est trop émancipée. A la Jeanne classique et à la Jeanne romantique ils substitueront la vraie Jeanne.

Les uns n'ont vu dans la Pucelle qu'une fille miraculeuse, figée dans le moule traditionnel des saintes et accomplissant une mission divine qu'ils ont systématiquement bornée au sacre du roi. Ils n'ont soupçonné ni la croyante opposant aux consignes ecclésiastiques le témoignage de ses voix intérieures et les élans de sa libre individualité; ni la Gauloise aussi gaillarde dans ses saillies qu'impeccable dans sa conduite; ni la tacticienne qui, d'instinct, poussait à ces prompts mouvements où triomphe la fougue française; ni l'initiatrice qui, dans le vague de ses rêves de guerre contre les hérétiques, aspirait à voir tous les royaumes unis par la paix chrétienne, de même qu'aujourd'hui nous aspirons à voir tous les peuples unis par la paix républicaine.

Les autres, parce que Jeanne s'est montrée rebelle aux théologiens de Rouen, ont voulu faire d'elle une révoltée contre l'Église, préludant aux revendications des futurs adversaires du despotisme théocratique.

Égale erreur.

Il ne faut ni affubler Jeanne des défroques de la légende dorée, ni la déguiser sous le masque de l'esprit moderne.

A force de vouloir trouver en elle le divin, on lui ôte son humanité. L'héroïne, si ingénue, si gaie, si tendre, si vive, si agissante, devient une entité froide. Sous la chape de plomb du surnaturel je n'aperçois plus que l'ombre de la bonne Lorraine.

Mais, autre excès, n'allons pas remplacer les effusions béates d'un mysticisme aveugle par les pédantesques dissertations d'un étroit rationalisme. Parce que cette enthousiaste opposa aux arguties et aux menaces des clercs de Rouen l'indépendance et l'inflexibilité de sa foi en ses inspirations, ne faisons pas d'elle une libre-penseuse. Parce que cette fille du peuple

incarna en sa personne l'instinct populaire, ne faisons pas d'elle une républicaine.

Pourquoi transposer les temps et méconnaître les milieux? Prenons Jeanne telle qu'elle fut, catholique par amour de Dieu et royaliste par amour de la patrie. Il n'est aucunement besoin de défigurer la Pucelle pour que nos cœurs s'allument au contact de ce grand cœur et qu'ainsi les fils de la Révolution aient pour seconde mère l'héroïne de la monarchie.

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Sous ce titre Jeanne et le peuple de France, on trouvera ici un appendice au procès de réhabilitation.

Dans cet Appendice, j'essaye d'abord de montrer combien il serait beau, juste et utile d'instituer une fête nationale en l'honneur de la libératrice de la France.

Ensuite, je fais un historique de la fête du 8 mai que la ville d'Orléans, vraiment digne d'être appelée la cité de Jeanne d'Arc, établit dès 1430, devançant la réhabilitation tardive de Jeanne par sa glorification annuelle,

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