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attirer sur elle l'exécration de la nation anglaise et de l'Europe entière;

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Que le but de cet armement, destiné contre la France, n'a pas même été déguisé dans le parlement d'Angleterre ;

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Que, quoique le conseil exécutif provisoire de France ait employé tous les moyens pour conserver la paix et la fraternité avec la nation anglaise, et n'ait répondu aux calomnies et aux violations des traités que par des réclamations fondées sur les principes de la justice, et exprimées avec la dignité d'hommes libres, le ministère anglais a persévéré dans son système de malveillance et d'hostilités, continué ses armemens, et envoyé une escadre vers l'Escaut pour troubler les opérations de la France dans la Belgique ;

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Qu'à la nouvelle de l'exécution de Louis il a porté l'outrage envers la République française au point de donner ordre à l'ambassadeur de France de quitter sous huit jours le territoire de la Grande-Bretagne ;

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Que le roi d'Angleterre a manifesté son attachement à la cause de ce traître, et son dessein de le soutenir, par diverses résolutions prises au moment de sa mort, soit pour nommer les généraux de son armée de terre, soit pour demander au parlement d'Angleterre une addition considérable de forces de terre et de mer, et ordonner l'équipement de chaloupes canonnières ;

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Que sa coalition secrète avec les ennemis de la France, et notamment avec l'empereur et la Prusse, vient d'être confirmée par un traité passé avec le dernier dans le mois de janvier dernier ;

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Qu'il a entraîné dans la même coalition le stadhouder des Provinces-Unies; que ce prince, dont le dévouement servile aux ordres des cabinets de Saint-James et de Berlin n'est que trop notoire, a dans le cours de la révolution française, et malgré la neutralité dont il protestait, traité avec mépris les agens de France, accueilli les émigrés, vexé les patriotes français, traversé leurs opérations, relâché, malgré les usages reçus et malgré la demande du ministère français, des fabricateurs de faux assignats; que dans les derniers temps, de concert avec les états-généraux pour concourir aux desseins hostiles

de la cour de Londres, il a ordonné un armement, ordonné à des vaisseaux hollandais de joindre l'escadre anglaise, ouvert un emprunt pour subvenir aux frais de la guerre, empêché les exportations pour la France, tandis qu'il favorisait les approvisionnemens des magasins ennemis de la France;

>> Considérant enfin que toutes les circonstances ne laissent plus à la République française d'espoir d'obtenir par la voie des négociations amicales le redressement de ces griefs, et que tous les actes de la cour britannique et du stadhouder sont des actes d'hostilité, et équivalent à une déclaration de guerre ;

» La Convention nationale décrète ce qui suit :

>> Art. 1. La Convention nationale déclare, au nom de la nation française, qu'attendu les actes multipliés d'hostilité et d'agression ci-dessus mentionnés la République française est guerre avec le roi d'Angleterre et le stadhouder des ProvincesUnies.

» 2. La Convention nationale charge le conseil exécutif provisoire de déployer les forces qui lui paraîtront nécessaires pour repousser leur agression, et pour soutenir l'indépendance, dignité, les intérêts de la République française.

» 3. La Convention nationale autorise le conseil exécutif provisoire à disposer des forces navales de la République ainsi que le salut de l'Etat lui paraîtra l'exiger, et elle révoque toutes les dispositions particulières ordonnées à cet égard par les précédens décrets. »

Ce n'est pas au bruit des applaudissemens que ce décret solennel fut proclamé ; on le reçut avec le sentiment de la conviction, avec la sérénité du courage.

Ducos demanda immédiatement la parole pour proposer l'impression et la publication de la correspondance du ministère de la République avec le ministère anglais : la Convention adopta cette proposition, ordonnant en outre que le discours de Ducos serait imprimé en tête de cet exposé historique.

Dans la même séance, embrassant avec promptitude et énergie la situation de la République sous tous les points de vue, la Convention reconnut les besoins que la guerre allait

entraîner, et décréta les ressources qui pouvaient y satisfaire.

EXPOSÉ HISTORIQUE des motifs qui ont amené la rupture entre la République française et le roi d'Angleterre.

DISCOURS prononcé par Ducos, député de la Gironde, dans la séance du 1er février 1793, an 1er de la République.

«La Convention nationale de France n'a point déclaré la guerre au roi d'Angleterre. Je jure, en présence de l'Europe et de la postérité, que, grands dans votre longanimité comme dans votre courage, vous avez longtemps sacrifié le juste ressentiment inspiré par les dédains, la malveillance et les outrages du gouvernement anglais, à l'estime obstinée que vous gardiez pour une nation qui fut libre, au désir de vous unir à elle par des liens fraternels. Pitt et Georges III ont répondu à vos vœux d'alliance par des insultes, à votre modération par l'insolence et le mépris. Les ministres d'un roi, ces grands hommes d'état, vous ont cru sans vertus parce que vous étiez sans préjugés; ils vous ont crus sans gouvernement parce que vous étiez sans roi; ils vous ont méprisés parce qu'ils n'étaient pas dignes de vous connaître, et, leur audace croissant avec l'opinion de votre faiblesse, ils ont voulu parler en maîtres à des hommes que le destin lui-même ne pourra maîtriser. Représentans du peuple français, vous répondez, trop tard peutêtre, aux injures diplomatiques, aux provocations d'un despote par le seul langage qui convienne à la République offensée, à coups de canon! Vous négocierez par des batailles. Le ministre de France est outrageusement expulsé d'Angleterre c'est Pitt qui vous attaque le premier; Pitt, coalisé avec les tyrans de Prusse et d'Autriche, a vendu la nation anglaise aux viles passions de son maître et à sa haine jalouse contre la liberté française. Hé bien, nous saurons la défendre, et ce gouvernement anglais, qui a traité si longtemps en ennemis nos concitoyens, nos agens, et surtout nos principes, ce gouvernement, dans lequel nous nous plaisions à respecter la

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nation qu'il opprime, obtient enfin ce qu'il a désiré, ce qu'il a provoqué par ses hostilités, la guerre!

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Cependant suffit-il de vous confier dans la justice de votre cause? Devez-vous supporter le soupçon d'avoir provoqué, quand vous n'avez songé qu'à nous défendre et nous venger? Citoyens, vous démontrerez avec éclat que le fléau, j'allais dire le crime de la guerre, ne doit point vous être imputé, et que le sang qui va couler ne doit pas retomber sur vos têtes. La nation française, je le sais, ne vous demandera point d'apologie; c'est en se précipitant tout entière sur nos frontières et sur nos flottes qu'elle justifiera ses représentans : mais une autre justification est réclamée par la voix de tous les hommes libres et éclairés de l'Europe, dont le cœur suit en secret la marche de votre révolution et le cours de vos victoires, qui vous conjurent de triompher par la justice et le courage, et de mériter qu'ils vous imitent un jour; elle est réclamée par le peuple anglais lui-même, qui rougira bientôt d'avoir porté le deuil d'un tyran, et prodigué sa vie et ses trésors pour venger une ombre odieuse et avilie. N'en doutez pas, législateurs, le jour n'est pas loin où cet esprit de liberté, terrassé par Pitt, va se relever avec énergie : il a pu le comprimer; mais il ne lui est pas donné de le détruire. C'est en sacrifiant en faveur du despotisme le principe de fuir les innovations dans un gouvernement né de l'habitude et fortifié par elle, en corrompant une constitution qu'il redoute tant de voir réformée, en évoquant toutes les viles passions de l'égoïsme, de l'orgueil et de la cupidité, qui forment le cortège de son ministère odieux, que Pitt a obtenu un triomphe honteux et éphémère; mais ce triomphe même amènera sa chute, et les armes qu'il a préparées lui donneront la mort! La nation anglaise ne peut tarder à s'apercevoir qu'un ministre qui ne voit d'ennemis que les amis de la liberté n'est pas l'homme à qui sans danger elle puisse confier le dépôt de son droit natal; plus elle chérit sa constitution, et plus elle doit s'indigner un jour contre ces imposteurs qui prétendent que chercher en elle des moyens de perfection hautement réclamés par la raison, la justice et les lumières du siècle, c'est l'altérer, mais qu'enter sur sa tige antique et vénérée la verge du pouvoir absolu c'est la conserver.

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>> C'est à cet instant, c'est lorsque le peuple anglais, trompé par les proclamations mensongères et les terreurs hypocrites de son gouvernement, se sentira avec horreur à son réveil dans les bras du despotisme, qu'il se repentira d'avoir volé luimême au devant de ses fers. Vos victoires et ses pertes contribueront aussi, j'ose l'espérer, à lui ouvrir les yeux sur ses véritables dangers, et à exciter ses remords: comparant à la franchise, à la bienveillance de vos démarches vers lui, l'ingratitude et l'injustice de son gouvernement à l'égard de la France, prononçant entre Pitt et Fox, ou plutôt oubliant les hommes s'attacher à ses vrais intérêts, il se souviendra de la guerre pour d'Amérique, provoquée par ses cris, et terminée à sa honte! Peut-être alors il aura chèrement payé cette réflexion tardive, qu'il valait mieux assurer sa propre liberté que de donner deux fois au monde dans le même siècle l'humiliant spectacle d'un peuple qui se dit libre vaincu par des nations qu'il voulait asservir!

» Eh! pourrait-il douter longtemps ce peuple abusé que l'asservissement de la France et le sien ne fussent l'unique et constant objet des hostilités de son gouvernement ? Qu'il sache examiner sans prévention la conduite de ce cabinet, qui n'a cessé d'être ridicule que pour devenir atroce, et qu'il reconnaisse le crime de ses intentions à la perfidie de ses moyens! Ah! si jamais une guerre entreprise sous les saints auspices de l'indépendance nationale pouvait nous accabler d'éclatans revers, si le sort qui nous protége trahissait enfin la plus juste des causes, les Anglais verraient trop tard que cette guerre impie ne fut point entreprise par leur gouvernement pour maintenir la liberté britannique. Avant qu'il alléguât ces vains et méprisables prétextes dont il colore aujourd'hui sa malveillance, et qu'il a plutôt laissé deviner que fait connaître, le sujet véritable de sa haine et le motif réel de ses plaintes avaient percé malgré lui les Français avaient commis deux crimes, qu'il ne leur pardonnera jamais; le premier d'être devenu un peuple libre, et le second d'avoir cru voir un peuple libre en Angleterre. C'est pour nous en punir qu'il a repoussé avec horreur l'idée de cette alliance dont nous lui avons si souvent manifesté le vœu : voilà pourquoi, spectateur immobile, mais

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