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et de paix qui doivent embrasser le genre humain et assurer så félicité!

» Le roi des Français communique avec une juste confiance à sa majesté britannique des réflexions qui lui paraissent répondre également aux sentimens de justice et d'humanité dont elle est animée, à ses dispositions pacifiques et à l'intérêt bien entendu du commerce et de la navigation. Sa majesté ne se dissimule point que l'état présent de l'Europe peut apporter quelques obstacles au prompt accomplissement de cette mesure salutaire; mais elle sait aussi tout ce que le concours de la Grande-Bretagne doit ajouter de poids à ses représentations, et combien il peut en accélérer l'effet. En conséquence elle invite sa majesté britannique à lui faire part de ses vues sur les moyens les plus propres à assurer promptement à l'Europe un si grand bienfait.

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Signé le ministre plénipotentiaire de France, F. CHAUVELIN. >> Portman-Square, ce 25 juillet 1792, l'an 4 de la liberté. » Cette note, dont le but devait être d'une si haute importance pour le commerce et la navigation de la Grande-Bretagne ; cette note, dont l'objet, envisagé uniquement par la France sous un point de vue philantropique, pouvait et devait être saisi évidemment par la politique et l'intérêt bien entendu de la puissance de l'Europe qui a donné le plus d'extension à son commerce; cette note est restée sans réponse.

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Quelle que soit la confiance de l'Angleterre dans marine, elle doit se souvenir que dans les différentes guerres qu'elle a faites ses ennemis lui ont enlevé un grand nombre de bâtimens et des cargaisons très considérables. Les événemens nous apprendrons si la nation anglaise doit des remerciemens à ses ministres pour avoir repoussé avec dédain une proposition qui pouvait dans la suite lui devenir si profitable, uniquement parce qu'elle était faite au nom de la France, et paraissait tenir de trop près à des idées de philosophie et de raison universelle.

Quoique plusieurs circonstances qui ont accompagné la révolution française aient donné lieu de soupçonner que le gouvernement anglais n'y était aucunement favorable, la cour de Saint-James ne s'est longtemps permis aucune démarche publique qui ait pu manifester son opinion; elle avait même fait déclarer de bonne heure par son ambassadeur à Paris qu'elle observerait la plus exacte neutralité à l'égard des mouvemens qui se faisaient dans toute l'Europe. Elle ajouta cependant qu'elle ne pourrait s'en tenir à cette neutralité qu'autant que ses alliés ne se trouveraient point exposés : cette restric

tion, faite dans un temps où tout le monde connaissait déjà la malveillance et les préparatifs hostiles du roi de Prusse, allié de l'Angleterre, rendait cette déclaration au moins équivoque; mais ce ne fut que quelques jours après la suspension des pouvoirs que la nation avait confiés à Louis XVI que le gouvernement anglais crut devoir témoigner son aversion pour le nouvel ordre de choses établi en France. Le comte de Gower, ambassadeur de sa majesté britannique, reçut l'ordre de communiquer au conseil exécutif provisoire la lettre suivante de M. Dundas, secrétaire d'état, datée de Whitehall, le 17 août 1792.*

Copie de la lettre de M. Dundas, secrétaire d'état, au comte de Gower, ambassadeur d'Angleterre en France.

Milord, dans l'absence du lord Grenville j'ai reçu et mis sous les yeux du roi vos dernières dépêches.

» Sa majesté, en apprenant l'étendue des troubles qu'il y a eu à Paris, et leur suite déplorable, en a ressenti la plus vive affliction, tant à cause de l'attachement qu'elle a constamment eu pour les personnes de leurs majestés très chrétiennes, et de l'intérêt qu'elle n'a cessé de prendre à leur bien-être, qu'à cause des vœux qu'elle fait pour la tranquillité et la prospérité d'un royaume avec lequel elle est en bonne intelligence.

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Comme il paraît que dans la situation actuelle des choses « l'exercice du pouvoir exécutif a été retiré des mains de sa majesté très chrétienne, ,^» et que les lettres de créance qui ont servi jusqu'à présent à votre excellence ne peuvent plus être valables, sa majesté a jugé que vous ne deviez plus rester à Paris, tant par cette raison « que parce que cette démarche >> lui paraît la plus conforme aux principes de neutralité qu'elle » a observés jusqu'aujourd'hui. » La volonté de sa majesté est douc que vous quittiez cette ville pour retourner en Angleterre aussitôt que vous pourrez vous procurer les passeports nécessaires à cet effet.

» Dans toutes les conversations que vous pourrez avoir avant votre départ vous aurez soin de vous exprimer d'une manière conforme aux sentimens qui vous sont ici communiqués, et surtout vous ne négligerez aucune occasion de déclarer qu'en même temps que sa majesté a le dessein d'observer les principes de neutralité en tout ce qui regarde l'arrangement du gouvernement intérieur de la France, << elle ne croit pas du tout s'écarter de ces mêmes principes en manifestant par tous » les moyens possibles sa sollicitude pour la situation person» nelle de leurs majestés très chrétiennes » et de la famille royale. Elle s'attend avec le désir le plus vif que ses espérances

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ne seront pas trompées à cet égard, « qu'elles seront à l'abri » de tout acte de violence, qui ne manquerait pas d'exciter un » sentiment d'indignation universelle dans tous les pays de l'Europe. »

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Il est difficile de concevoir comment la suspension du chef du pouvoir exécutif en France a pu démontrer la nécessité du rappel du comte de Gower, ni comment cet ambassadeur a pu communiquer au conseil exécutif provisoire une lettre de rappel motivée sur ce qu'il n'y avait pas de pouvoir exécutif. La communication même de la lettre prouvait la fausseté du motif, ou bien la détermination du cabinet britannique de ne reconnaître en France que le pouvoir exécutif qui lui convenait; en d'autres termes c'était renoncer à la neutralité dont M. Dundas affecte de décorer les sentimens de son maître.

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Cependant cette démarche lui paraissait la plus conforme aux principes de neutralité que sa majesté britannique avait adoptés. Certes elle donnait une grande preuve de neutralité en rappelant son ambassadeur! mesure que l'usage constant des nations a fait considérer comme presque équivalente à une déclaration de guerre, mesure d'autant plus nuisible alors à la France qu'à l'imitation de l'Angleterre plusieurs autres puissances de l'Europe ont cru devoir rappeler également leurs ambassadeurs.

Pour mettre le comble à cette inconséquence M. Dundas se fonde sur la sollicitude de son maître pour la situation personnelle de leurs majestés très chrétiennes, et c'est pour cela même qu'il rappelle la seule personne qui pouvait être en France l'organe de sa tendre commisération, et que son ministre refuse d'avoir aucune communication officielle avec le représentant de la France en Angleterre! D'après cette lettre la neutralité du roi Georges était au moins aussi sincère que sa sensibilité.

A ces détours de la diplomatie anglaise le conseil exécutif de France opposa le langage franc et loyal qui a toujours caractérisé les agens de la République; il répondit à lord Gower par

la note suivante :

Note en réponse à la communication qui a été faite par M. le comte de Gower, ambassadeur d'Angleterre.

« Le soussigné, ministre des affaires étrangères, s'est empressé de communiquer au conseil exécutif provisoire la lettre dont son excellence le comte de Gower, ambassadeur de sa majesté britannique, lui a fait part.

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» Le conseil a vu avec regret que le cabinet britannique se décidât à rappeler un ministre « dont la présence attestait les dispositions favorables d'une nation libre et généreuse, et » qui n'avait jamais été l'organe que de paroles amicales et de >> sentimens de bienveillance. » S'il est quelque chose qui puisse diminuer ce regret c'est le renouvellement de l'assurance de neutralité donnée par l'Angleterre à la nation française.

>> Cette assurance paraît être le résultat de l'intention sagement réfléchie et formellement exprimée par sa majesté britannique « de ne point se mêler de l'arrangement intérieur des » affaires de France. » Une pareille déclaration ne peut surprendre de la part d'un peuple éclairé et fier, qui le premier a reconnu et établi le principe de la souveraineté nationale; qui, substituant l'empire de la loi, expression de la volonté de tous, aux caprices arbitraires des volontés particulières, a donné l'exemple de soumettre les rois eux-mêmes à ce joug salutaire; qui enfin n'a pas cru acheter trop cher par de longues convulsions et de violens orages la liberté, à laquelle il a dû tant de gloire et de prospérité.

» Ce principe de la souveraineté inalienable du peuple va se manifester d'une manière éclatante dans la Convention nationale, dont le corps législatif a décrété la convocation, qui fixera sans doute tous les partis et tous les intérêts. La nation française a lieu d'espérer que le cabinet britannique ne se départira point en ce moment décisif de la justice, de la modération, de l'impartialité qu'il a montrées jusqu'à présent.

>> Dans cette confiance intime, fondée sur les faits, le soussigné renouvelle à son excellence le comte de Gower, au nom du conseil exécutif provisoire, l'assurance qu'il a eu l'honneur de lui donner de vive voix que << les relations de commerce et » toutes les affaires en général seront suivies de la part du gou» vernement français avec la même exactitude et la même loyauté. Le conseil se flatte que réciprocité sera entière de » la part du gouvernement britannique, et qu'ainsi rien n'al»térera la bonne intelligence qui règne entre les deux peu>> ples.

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» Signé le ministre des affaires étrangères, LEBRUN. »

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Les sentimens d'amitié et de bonne intelligence manifestés dans cette réponse furent confirmés depuis par toutes les instructions adressées successivement au citoyen Chauvelin à Londres. Ce ministre s'y conduisit avec une circonspection qui justifia complètement la confiance du conseil exécutif : il n'a cessé de témoigner le désir d'entretenir la bonne intelligence entre les deux nations saus compromettre la dignité d'un peuple

puissant et généreux, qui chérit la paix, mais qui ne sait pas la recevoir à des conditions humiliantes.

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Les mois de septembre et d'octobre se passèrent sans que la cour de Londres parût disposée à violer, du moins ouvertement, la neutralité qu'elle avait professée : se reposant tranquillement sur les succès que se promettaient les puissances coalisées, elle comptait profiter de leurs victoires, et recueillir sans aucun sacrifice le fruit de ses intrigues. Les ministres anglais se contentèrent donc alors d'éviter soigneusement le ministre de France, d'écouter les relations de Calonne, arrivant des armées coalisées, et d'embrasser toutes ses espérances sur notre destruction prochaine, et tous les faux bruits qu'il répandait. Ce n'est qu'en novembre que la conduite de cette cour comà être moins mesurée : les avantages brillans remportés par nos armées firent éclater successivement toute sa jalousie, qui, pour s'être abusée par de vaines espérances, n'en devint que plus implacable. Le ministre Chauvelin s'efforça en vain de se rapprocher du ministère anglais : on affecta de ne pas naître; on affecta de considérer le gouvernement provisoire de la République comme le gouvernement de Paris, et le représentant de la nation comme l'agent d'une seule ville. Un faux bruit répandu à Londres que les armées victorieuses de la France avaient entamé la Hollande produisit plus d'effet que toutes les démarches conciliantes de Chauvelin : lord Grenville, qui n'avait répondu que d'une manière évasive à une lettre par laquelle Chauvelin lui demandait un entretien particulier, le pria dix jours après de se rendre chez lui. Nous soumettons au public les détails de cette conférence, dont le rapport se trouve dans la dépêche de Chauvelin du 29 novembre: on y verra d'un côté la loyauté, la franchise et la fermeté du ministre de la République ; de l'autre la politique astucieuse du cabinet anglais, les anciens détours de sa diplomatie, et l'étiquette vétilleuse dont il fait tant de cas.

Copie d'une lettre du citoyen Chauvelin, ministre plénipotentiaire de la République française auprès de sa majesté britannique (1).

Londres, 29 novembre 1792, l'an 1er de la République. «En entrant dans le cabinet du ministre une chaise m'a semblé m'être préparée; j'ai dérangé cette chaise, qui m'a paru une

(1) En envoyant au ministre des affaires étrangères la copie du billet par lequel lord Grenville lui demandait à le voir, le citoyen Chauvelin s'exprime ainsi :

« Je vous engagerai à faire une remarque que je regarderais comme de très pen de valeur si la connaissance que j'ai acquise de la minu

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