Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]
[ocr errors]

souverain, situés en Europe, quels qu'ils puissent être, et d'en revenir, d'y séjourner ou d'y passer, et d'y acheter aussi » et acquérir à leur choix toutes les choses nécessaires pour » leur subsistance et pour leur usage; et ils seront traités réci»proquement avec toute sorte de bienveillance et de faveur, » bien entendu, etc. »

» Il suffit sans doute d'avoir rapporté des clauses du bill nouvellement adopté par le parlement britannique pour vous convaincre que leur exécution à l'égard des Français serait une infraction évidente au traité de commerce.

» Ce traité a été cependant religieusement observé par les Français, malgré qu'il s'en faut de beaucoup que les avantages en soient réciproques, malgré les plaintes universelles du commerce français, dont les intérêts y sont lésés: même dans ces momens d'orage et de crise violente, qui auraient pu justifier des précautions extraordinaires, nous avons usé envers les Anglais résidant en France de ménagemens extrêmes, que quelques-uns d'entre eux n'ont pas toujours mérités. Ainsi ce ne sera point à la nation française que les Anglais devront s'en prendre s'il arrive que nous soyons forcés à regarder comme non avenu un traité qui n'a pas peu servi à accroître la prospérité de leur commerce.

» Le conseil exécutif a cru devoir user encore d'une dernière précaution pour mettre mieux en évidence la conduite du cabihet de Saint-James à notre égard, et donner aux Anglais une nouvelle preuve des regrets que nous éprouvons en voyant s'affaiblir les liaisons d'amitié qui ont subsisté jusqu'à présent entre les deux peuples. Il s'est borné eu conséquence à arrêter :

» 1°. Que le ministre de la République française à Londres serait chargé de présenter une note au ministère britannique par laquelle il demanderait à ce ministère, au nom de la République française, une réponse claire, prompte et catégorique pour savoir si, sous la dénomination générique d'étrangers que porte le nouveau bill, le parlement et le gouvernement de la Grande-Bretagne entendaient aussi comprendre les Français.

» 2°. Que dans le cas d'une réponse affirmative, ou si, dans le terme de trois jours, il n'en recevait aucune, il serait autorisé à déclarer que la République française ne peut considérer cette conduite que comme une infraction manifeste au traité de commerce conclu en 1786; qu'en conséquence elle cesse de se croire elle-même obligée par ce traité, et qu'elle le regarde dès lors comme rompu et annulé. »

Conformément à ses instructions, le citoyen Chauvelia remit à lord Grenville le 7 janvier la note suivante :

Note rem se par le citoyen Chauvelin à lord Grenville.

«Le soussigné, ministre plénipotentiaire de la République française, a fait passer au conseil exécutif la réponse que lui a adressée lord Grenville à sa note du 27 décembre. Il a cru ne devoir pas attendre les instructions qui en seront le résultat nécessaire pour transmettre à ce ministre les nouveaux ordres qu'il a reçus du conseil exécutif. La déclaration que lord Grenville lui a faite que sa majesté britannique ne le reconnaissait pas comme ministre plénipotentiaire de la République française ne lui a point paru devoir l'arrêter; cette déclaration ne peut sous aucun rapport altérer ou effacer la qualité de délégué du gouvernement français dont le soussigné est notoirement revêtu, et l'empêcher, surtout dans des circonstances aussi décisives, d'adresser aux ministres de sa majesté britannique, au nom du peuple français, dont il est l'organe, la note sui

vante :

>> Le conseil exécutif de la République française a été informé que le parlement britannique s'occupe d'une loi relative aux étrangers, dont les dispositions rigoureuses doivent les soumettre à des mesures d'autant plus arbitraires qu'il sera libre aux secrétaires d'état de sa majesté britannique de les resserrer ou de les étendre selon leurs vues et leur volonté. Le conseil exécutif, connaissant la fidélité religieuse du peuple anglais à remplir ses engagemens, a dû croire que les Français seraient positivement exceptés de cette loi le traité de navigation et de commerce conclu en 1786 entre les deux nations devait formellement les en garantir; ce traité porte, article 4: Il sera libre, etc. (Voyez cet article dans le rapport qui précède.)

» Mais au lieu de trouver dans le bill proposé une juste exception en faveur de la France, le conseil exécutif a été convaincu par des déclarations positives dans les deux chambres du parlement, par des explications et des interprétations ministérielles, que ce projet de loi, sous une acception générale, était principalement dirigé contre les Français.

>>

Lorsque le ministère britannique a proposé une loi qui violerait aussi positivement le traité de commerce, lorsqu'il a hautement annoncé l'intention de la faire exécuter contre les Frauçais seuls, son premier soin a dû être sans doute d'essayer de couvrir cette mesure extraordinaire d'une apparence de nécessité, et de préparer à l'avance une justification tôt ou tard nécessaire en accablant la nation française de reproches, en la présentant au peuple anglais comme une ennemie de sa constitution et de son repos, en l'accusant, sans pouvoir fournir

aucune preuve, et dans les termes les plus injurieux, d'avoir cherché à fomenter des troubles en Angleterre. Le conseil exécutif a déjà repoussé avec indignation de pareils soupçons. Si quelques hommes, rejetés du sein de la France, se sont répandus dans la Grande-Bretagne avec l'intention criminelle d'agiter le peuple, de le porter à la révolte, l'Angleterre n'a-t-elle point des lois protectrices de l'ordre public? Ne pouvait-elle pas sévir contre eux? Sans doute la République n'eût pas réclamé en leur faveur; de tels hommes ne sont pas français.

>> Des reproches aussi peu fondés, des imputations aussi insidieuses parviendront difficilement à justifier aux yeux de l'Europe une conduite dont le rapprochement avec celle qu'a tenue constamment la France à l'égard de la Grande-Bretagne suffira pour démontrer l'injustice et la malveillance. Non seulement la nation française, devenue libre, n'a cessé de témoigner sous toutes les formes son désir de se rapprocher du peuple anglais, mais elle a réalisé ce vœu de tout son pouvoir en accueillant chez elle en alliés, en frères, tous les individus de la nation anglaise; au milieu des combats de la liberté et du despotisme, au sein des plus violentes agitations, elle s'est honorée par un respect religieux pour tous les étrangers vivant parmi elle, et particulièrement pour tous les Anglais, quelles que fussent leurs opinions, leur conduite, leurs liaisons avec les ennemis de la liberté; partout ils ont été aidés, secourus avec toute sorte de bienveillance et de faveur. Et ce serait pour prix de cette conduite généreuse que les Français se trouveraient soumis, peut-être seuls, à un acte parlementaire qui accorderait au gouvernement anglais contre les étrangers la latitude d'autorité la plus arbitraire! qui les soumettrait à prendre des permissions ou saufconduits pour entrer, aller et rester en Angleterre! qui permettrait aux secrétaires d'état de les assujétir sans motif et sur un simple soupçon aux formalités les plus odieuses! de leur fixer un arrondissement dont ils ne pourront passer les bornes! de les rejeter même à leur gré du territoire de la Grande-Bretagne !

Il est évident que toutes ces clauses sont contraires à la lettre du traité de commerce, dont l'article 4 s'étend sur tous les Français indistinctement; et il ne serait que trop à craindre que, par une suite de la détermination que sa majesté britannique a cru devoir prendre, en rompant toute communication entre les gouvernemens des deux pays, les négocians français mêmes ne se trouvassent souvent dans l'impossibilité de jouir de l'exception que le bill a établie en faveur de ceux qui « prouveront qu'ils sont venus en Angleterre pour affaires de commerce. »

>> C'est ainsi que le gouvernement britannique a le premier voulu rompre un traité à qui l'Angleterre doit une grande partie

de sa prospérité actuelle, onéreux pour la France, arraché par l'adresse et l'habileté à l'impéritie ou à la corruption des agens du gouvernement qu'elle a détruit ; traité qu'elle n'a cependant jamais cessé d'observer religieusement; et c'est au moment même où la France a été accusée dans le parlement britannique de violer les traités, que la conduite publique des deux gouvernemens offre un contraste si propre à rétorquer victorieusement l'accusation!

» Toutes les puissances de l'Europe auraient droit sans doute de se plaindre des rigueurs de ce bill si jamais il obtenait force de loi; mais c'est la France surtout, dont les habitans, garantis de ses atteintes par un traité solennel, en paraissent cependant exclusivement menacés, qui a le droit de prétendre à une satisfaction plus prompte et plus particulière.

» Le conseil exécutif aurait pu accepter sur le champ la rupture du traité que le gouvernement anglais sembie lui avoir offerte; mais il n'a voulu précipiter aucune de ses démarches, et avant de faire connaître sa résolution définitive il a voulu présenter au ministère britannique l'occasion d'une explication franche et loyale. En conséquence le soussigné a reçu ordre de demander à lord Grenville de lui apprendre par une réponse claire, prompte et catégorique, si sous la dénomination générique d'étrangers que porte le bill dont s'occupent les chambres, sur la proposition d'un membre du ministère, le gouvernement de la Grande-Bretagne entend aussi comprendre les Français.

Portman-Square, 7 janvier, l'an deuxième de la Répu– blique française.

>>

Signé F. CHAUVELIN. ». Pour lever les obstacles qui entravaient les communications officielles entre le ministre de la République et le cabinet de Saint-James, le conseil exécutif, en répondant à la note du lord Grenville du 31 décembre, adressa en même temps au citoyen Chauvelin, au nom de la nation française, de nouvelles lettres de créance. Voici l'extrait de la dépêche dans laquelle ce ministre rend compte du peu de succès de cette mesure conciliante.

Extrait d'une dépêche du citoyen Chauvelin, ministre plénipotentiaire de la République française, au ministre des affaires étrangères.

Londres, ce 13 janvier 1793, l'an 2o de la République.

« Hier au soir j'ai reçu par le retour de mon courrier la réponse du conseil exécutif et les lettres de créance que vous m'avez envoyées; j'ai écrit immédiatement à l'ord Grenville pour

[ocr errors]

l'en prévenir, et lui proposer de lui porter le plus tôt possible votre réponse.

[ocr errors]

Lorsque mon domestique lui a porté ma lettre il était en conférence avec les ministres de Hollande, de Prusse et de l'empereur; il a fait dire qu'il enverrait la réponse. « Ce matin j'ai » reçu un billet du sous-secrétaire d'état des affaires étrangères qui me disait être chargé de me renvoyer le papier joint à son billet; c'était la déclaration de rupture du traité » de commerce. »>

[ocr errors]
[ocr errors]

» Un quart d'heure après environ j'ai reçu la lettre du lord Grenville, qui m'invite à une conférence non officielle, en me prévenant cependant de mettre par écrit ce que j'avais à lui communiquer. Je lui ai répondu que c'était bien par écrit que je comptais lui porter votre réponse, et je me suis rendu à son bureau.

» Il m'a reçu avec beaucoup de politesse. Je lui ai dit qu'avant de lui donner à lire la réponse du conseil exécutif j'étais bien aise de lui rappeler que ma démarche d'hier matin et cette réponse, quoique très rapprochées l'une de l'autre, avaient été faites toutes deux à des époques et dans des dispositions très différentes; que lorsque le conseil exécutif s'était décidé à regarder le traité de commerce comme rompų si les Français n'étaient pas exceptés du bill sur les étrangers, on ne connaissait encore les dispositions du cabinet britannique que par ses nombreuses mesures malveillantes, , par les préparatifs de guerre, par ses déclarations dans le parlement, et qu'on était alors bien fondé à croire en France, comme je l'avais fait moi-même, qu'il était irrévocablement décidé à nous faire la guerre à quelque prix que ce fût; que depuis, et par la réponse qu'il avait faite à ma note du 27 décembre, on avait bien pu voir encore qu'il se montrait exigeant, difficultueux avec nous mais «< qu'au moins » s'était-on flatté qu'il n'était pas entièrement engagé dans la » guerre qui se fait coutre nous, et qu'il avait quelque désir de

[ocr errors]

conserver la paix; que c'était cette remarque qui avait décidé » le ministère français à revenir encore sur des explications qu'il >> aurait dû croire satisfaisantes, et à n'épargner aucun des » moyens de prouver à quel point il désirait conserver la paix » avec l'Angleterre.

>> Lord Grenville a lu ma note avec attention; puis il m'a dit que je ne serais sans doute pas étonné qu'il ne s'expliquât pas avec moi sur ce qu'il en pensait avant d'en avoir conféré avec ses collègues ; que l'importance de cette pièce exigeait beaucoup de réflexion pour y répondre, et que le conseil me ferait passer cette réponse par écrit le plus tôt possible.

» J'ai fait ensuite remarquer à lord Grenville que parmi les

« AnteriorContinuar »