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l'Espagne, si ceux qui étaient chargés de l'organiser et de l'approvisionner n'avaient fait tout ce qu'il fallait pour l'anéantir dès son origine, si nous n'avions pas donné au gouvernement espagnol une confiance trop longue, dont il n'était pas digne, nous aurions eu le long des Pyrénées une force disponible' qui aurait assuré la neutralité de la cour de Madrid, arrêté l'Angleterre dans ses projets hostiles, et défendu à l'Espagne de se constituer en puissance navale; car l'Angleterre n'a eu l'audace de l'agrèssion qu'en s'appuyant sur les galions de l'Espagne et les florins de la Hollande. Il est donc indispensable que vous ordonniez sur le champ que le conseil exécutif fasse passer dans les Pyrénées le matériel nécessaire à une armée qui nous donne tous les moyens d'agression: il faut que les Bourbons disparaissent d'un trône qu'ils ont usurpé avec les bras et les trésors de nos pères, et que le plus beau climat, le peuple le plus magnanime de l'Europe reçoive la liberté, qui semble faite pour lui!

» Et vous, citoyens libres de la France méridionale, que vos alarmes cessent, que votre courage se relève! L'armée des Pyrénées s'organise sur un pied formidable: unissez-vous à nos légions patriotiques; vous apprendrez au gouvernement espagnol que la République française n'est pas un ennemi à dédaigner, et qu'elle ira porter dans son sein tous les germes de la liberté, de l'égalité et de la tolérance, qu'ils n'ont jamais connues. Le despotisme vous insulte et vous menace; mais le despotisme est vieux en Europe, et il fut lâche dans toutes les contrées. Le souverain de l'Espagne sommeille; allez le réveiller, et aussitôt le fanatisme, qui soutient les prêtres et les rois, sera détruit; le colosse du gouvernement espagnol sera abattu, et de nouvelles sources d'industrie et de commerce vous dédommageront des sacrifices que vous aurez faits à la liberté.

» Le nord est défendu par des armées victorieuses contre les tyrans de Vienne et de Berlin: que vos braves légions nous défendent des fanatiques et des esclaves d'Aranjuez! Descendez de ces rochers qui, produisant du fer et des soldats, furent toujours les boulevarts de la liberté du genre humain ; la gloire yous attend au-delà des monts! Allez faire trembler à Madrid le despote coalisé avec les ennemis de la République ; les Pyré

nées ne peuvent être une barrière que contre des esclaves ou des moines.

» En allant venger vos frères rappelez-vous que lorsqu'un des despotes de la France eut placé un de ses petits-fils sur le trône espagnol il s'écria dans son orgueil : il n'y a plus de Pyrénées! Portons la liberté et l'égalité en Espagne par nos victoires, et nous dirons alors avec plus de vérité : il n'y a plus de Pyrénées! et nous le dirons pour le bonheur du monde. »>

Le décret présenté à la suite de ce rapport passa immédiatement, et à l'unanimité.

DÉCRET portant que la République française est en guerre avec le roi d'Espagne. Du 7 mars 1793, an 2 de la

République.

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La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de défense générale sur la conduite du gouvernement espagnol envers la France;

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» Considérant que depuis le 14 juillet 1789 le roi d'Espagne a constamment outragé la souveraineté du peuple français dans les diverses communications avec son gouvernement, et qu'il toujours persisté à considérer Louis Capet comme souverain de la nation;

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Que par une cédule du 20 juillet 1791 il a exposé les Français à des vexations multipliées; qu'il les a condamnés à des emprisonnemens arbitraires, à des bannissemens injustes ; qu'il leur a fait éprouver des pertes et des persécutions dont la réparation a été réclamée inutilement; que par cette cédule il les a forcés au serment de renoncer à leur patrie;

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Que ses gouverneurs et ses troupes n'ont cessé de favoriser la révolte des nègres à Saint-Domingue par des approvisionnemens et des échanges de vivres, de munitions d'armes et de canons ; ont refusé un asile aux Français poursuivis, et même rendu aux nègres plusieurs Français qui y avaient réclamé l'hospitalité, et qui ont été ensuite massacrés ;

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Qu'à l'époque du 10 août 1792 il a ordonné à son ambassadeur à Paris de se retirer, ne voulant pas reconnaître le conseil exécutif provisoire élu par l'Assemblée législative;

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Que depuis l'ouverture de la session de la Convention nationale il n'a pas voulu reprendre la correspondance accoutumée entre les deux états;

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Qu'il a refusé de reconnaître l'ambassadeur de la République française, quoique muni de lettres de créance en son

nom;

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Qu'au lieu de donner à la France le contingent de secours stipulé par les traités d'alliance, il a fait faire des armemens sur terre et sur mer qui ne peuvent avoir d'autre destination que de combattre l'indépendance de cette nation, et de se coaliser contre elle avec les puissances ennemies;

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Que tandis qu'il faisait avec activité l'armement maritime il le présentait hypocritement comme une précaution de sûreté contre l'Angleterre, dont il disait connaître les intentions perfides, et négociait cependant une alliance avec elle au mépris des traités ;

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Que dans le même temps qu'il armait ses frontières il accordait une protection ouverte et des secours d'argent aux émigrés et aux chefs des rebelles armés contre la France;

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Que malgré la persévérance la plus constante du conseil, exécutif provisoire de France à employer tous les moyens qui pouvaient conserver la paix et la fraternité avec la nation espagnole, et qui étaient compatibles avec le dignité de républicains, le ministère espagnol a persévéré dans son système de dissimulation, de malveillance et d'hostilité; qu'il a continué les armemens de terre et de mer, et envoyé une artillerie nombreuse aux deux extrémités des frontières de la France; Que sur la demande qui lui a été faite de s'expliquer sur l'objet précis de ses armemens il n'a donné que des réponses évasives et dilatoires;

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Que le roi d'Espagne a manifesté son attachement à la cause de Louis, et son dessein de le soutenir si l'on n'obtempérait pas son intervention ;

» Qu'à la nouvelle de l'exécution de Louis il a outragé la République française en prévenant l'ambassadeur de la République qu'il ne lui serait plus donné de réponse, et en interrompant avec lui toute communication ; qu'il a positivement refusé l'admission de deux notes officielles du conseil exécutif, du

4 janvier, en réponse aux siennes du 17 décembre, et en conséquence qu'il a refusé de s'engager à observer une stricte neutralité envers la France, à désarmer, et à nommer des commissaires pour opérer les désarmemens respectifs ;

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Que depuis ce refus il a accueilli le chef des émigrés, s'est lié plus fortement que jamais avec la cour d'Angleterre, quoiqu'elle soit en guerre avec la République française; qu'il a toléré et qu'il tolère les prédications publiques et les persécutions faites contre les Français dans ses états.

» Considérant enfin que toutes ces circonstances réunies ne laissent plus à la République française l'espoir d'obtenir par la voie des négociations amicales le redressement de ces griefs, et que tous les actes de la cour de Madrid sont de véritables actes d'hostilité et de coalition avec les puissances belligérantes, et équivalent ainsi à une déclaration de guerre ;

» La Convention nationale décrète ce qui suit :

» Article 1. La Convention nationale déclare, au nom de la nation française, qu'attendu les actes multipliés d'hostilité et d'agression ci-dessus désignés, la République française est en guerre avec le roi d'Espagne.

» 2. La Convention nationale charge le conseil exécutif provisoire de déployer les forces qui lui paraîtront nécessaires pour repousser son agression, et pour soutenir l'indépendance, la dignité et les intérêts de la République française ; et en conséquence il sera tenu de prendre dès à présent les mesures les plus promptes pour faire passer dans les départemens des Pyrénées le matériel nécessaire pour une armée de cent mille hommes.

» 3. La Convention nationale autorise le conseil exécutif provisoire à disposer tant des forces navales que de celles de terre ainsi que le salut de la République lui paraîtra l'exiger.

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4. Il sera pris dans le sein de la Convention nationale six commissaires pour aller dans les départemens méridionaux de la République et dans l'armée des Pyrénées accélérer le recrutement, surveiller les approvisionnemens, et encourager tous les Français à se réunir pour venger les injures faites par un tyran à la nation française. >>

RELATIONS AVEC LES COURS D'ITALIE.

Ferdinand III, frère de l'empereur d'Autriche, et grand duc de Toscane, est le seul prince d'Italie qui resta fidèle à la France: il reconnut le premier la République, et entrelint avec elle des relations franches et amicales; il accueillit et protégea les citoyens français échappés aux trahisons de la cour de Rome; entraîné quelque temps et malgré lui dans la coalition générale, il s'empressa de rétablir la paix et l'harmonie entre ses états et la République aussitôt que la coalition fut contrainte d'abandonner l'Italie aux armées françaises. La conduite de Ferdinand le rendait digne de succéder à Léopold, dont la mémoire sera toujours vénérée en Toscane, mais qui, arbitre de l'Europe, eut le malheur de compromettre en quelques jours vingt-cinq années de sagesse (1).

Un autre Ferdinand, roi de Naples, gouverné par sa femme, avait laissé faire en son nom des démarches outrageantes à la République : le conseil exécutif en demanda satisfaction, et l'obtint. Ferdinand promit à la vue d'une escadre française; bientôt après il se dégagea sous l'influence de l'Angleterre : la coalition compta un roi de plus, et la République un faux ami de moins. Mais consignons ici les détails de la mission qui eut pour objet d'obtenir une première satisfaction du roi de Naples; mission remplie avec toute la fierté républicaine, au résultat de laquelle la France entière applaudit, et qui ouvrit la carrière politique à un simple grenadier de la garde nationale parisienne (2).

(1) Léopold, si célèbre par son administration en Toscane, parvint au trône impérial après la mort de Joseph II, en 1790; l'année suiyante il signa la déclaration de Pilnitz ; il mourut au commencement de 1792.

(2) Belleville devint successivement commissaire général, intendant, préfet, maître des requêtes, commandant de la Légion-d'Honneur, etc

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