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La proposition d'appeler tous les peuples à la liberté, et de leur accorder fraternité et secours, avait d'abord été faite par Grégoire, et renvoyée à l'examen des comités. Elle était devenue l'objet de deux rapports, l'un du 20 octobre, par Anacharsis Cloots, l'autre du 24 dumême mois, par Lasource; mais les décrets proposés ne remplissaient pas tous les points; on les ajourna la Convention voulait que le même acte réglât la conduite des généraux français dans les pays conquis ou protégés. Cependant les circonstances devenaient pressantes; Rulh, chargé de transmettre à la Convention le vœu des Mayençais, rappela en même temps la proposition de Grégoire; elle fut accueillie. Laréveillère-Lepeau la rédigea en un décret qui fut adopté séance tenante, et sans dis

cussion.

DÉCRET du 19 novembre 1792, an 1o de la République française.

« La Convention nationale déclare, au nom de la nation française, qu'elle accordera fraternité et secours à tous les peuples qui voudront recouvrer leur liberté, et charge le pouvoir exécutif de donner aux généraux les ordres nécessaires pour porter secours à ces peuples, et défendre les citoyens qui auraient été vexés ou qui pourraient l'être pour la cause de la liberté.

» La Convention nationale décrète que le pouvoir exécutif donnera ordre aux généraux de la République française de faire imprimer et proclamer le décret précédent en diverses langues dans toutes les contrées qu'ils parcourront avec les armées de la République.

>>

Le complément, le mode d'exécution de ce décret restait confié aux comités : le 15 décembre suivant Cambon le soumit à l'Assemblée, qui l'adopta par acclamation. (1)

:

(1) On a reproché à la Convention d'avoir voulu républicaniser l'Europe voyons si la ligue des rois lui réservait un meilleur sort. Nous ne rappellerons pas le plan d'opérations d'après lequel les villes rebelles devaient être brûlées, les révolutionnaires suppliciés, leurs maisons livrées au pillage, leurs biens confisqués, etc., etc., etc., les hantes puissances s'engageant à préférer des déserts à des pays peuplés de révoltés, et à poursuivre sur toutes les terres de leur obéis

RAPPORT, DÉCRET et PROCLAMATION concernant la conduite à tenir par les généraux français dans les pays occupés par les armées de la République, présentés par Cambon au nom des comités diplomatique, militaire et des finances, le 15 décembre 1792, et adoptés par la Convention dans la méme séance.

Rapport.

« Vous avez chargé trois de vos comités de l'examen de plusieurs lettres des généraux commandant les armées qui sont

sance les révolutionnaires qui échapperaient au supplice..... Les manifestes de Brunswick et les excès commis par les alliés pendant leurs courts triomphes suffisent pour éterniser ces ridicules horreurs. Mais opposons aux décrets de la Convention le traité de Pavie, conclu la coalition en juillet 1791; en voici les principales clauses :

par

<< L'empereur reprendra tout ce que Louis XIV avait conquis sur les Pays-Bas autrichiens; joignant ces provinces aux Pays-Bas, il les donnera en échange à l'électeur Palatin, de sorte que les nouvelles possessions jointes au Palatinat porteront le nom de royaume d'Austrasie.

» L'empereur aura à perpétuité la propriété et la possession de la Bavière, pour faire à l'avenir masse indivisible avec les domaines héréditaires de la maison d'Autriche.

» L'archiduchesse Marie-Christine sera, avec son neveu l'archiduc Charles, mise en possession héréditaire du duché de Lorraine.

» L'Alsace sera restituée à l'Empire. L'évêque de Strasbourg et le chapitre recouvreront leurs priviléges, ainsi que les souverains ecclésiastiques de l'Allemagne.

>> Si les cantons suisses accédent à la coalition on leur proposera d'annexer à la ligue helvétique l'évêché de Porentrui, les gorges de la Franche-Comté et celles du Tyrol, avec les bailliages qui les avoisinent, ainsi que le territoire de Versoy, qui coupe le pays de Vaud.

» Si le roi de Sardaigne souscrit à la coalition on rendra à la Savoie a Bresse, le Bugey et le pays de Gex, usurpés sur cette monarchie par la France.

» Au cas qu'il puisse opérer une assez grande diversion, on lui laissera prendre le Dauphiné pour lui appartenir dorénavant comme au plus proche descendant des anciens Dauphins.

» Le roi d'Espagne aura le Roussillon, le Béarn et l'île de Corse, et s'emparera de la partie française de Saint-Domingue.

» L'impératrice de Russie se charge de faire une invasion dans la

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actuellement sur le territoire étranger. Ces lettres sont en partie relatives au manque de vivres et d'habillemens : déjà vos comités vous ont proposé divers moyens de ramener l'abondance dans les armées et de pourvoir aux besoins imprévus, et bientôt ils vous feront un rapport sur les crimes qui ont été commis dans cette partie : les autres sont relatives à la conduite politique que doivent tenir les généraux. Vous avez voulu fixer des principes sur la manière de continuer la guerre. que vous avez entreprise; c'est sur ce dernier objet que porte mon rapport.

» Avant de vous rendre compte des principes de vos comités je dois vous annoncer l'objet de leurs délibérations. Ils se sont assemblés pendant quatre jours avec le conseil exécutif, que vous leur aviez ordonné de s'adjoindre, avec les commissaires de la trésorerie, avec les directeurs des vivres et des habillemens; et ce n'est qu'avec le concours de toutes les instructions qu'il leur a été possible de recueillir qu'ils ont rédigé le projet de décret que je suis chargé de vous soumettre.

>> Ils se sont demandé d'abord quel est l'objet de la guerre que vous avez entreprise. C'est sans doute l'anéantissement de tous les priviléges; guerre aux cháteaux, paix aux chaumières : voilà les principes que vous avez posés en la déclarant. Tout ce qui est privilégié, tout ce qui est tyran doit donc

Pologne, moyennant quoi elle conservera Kaminiek avec la partie de la Podolie qui confine la Moldavie.

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L'empereur contraindra la Porte à lui céder Chockzim, ainsi que les petits forts en Servie et ceux sur l'Anna.

>> Le roi de Prusse, au moyen de l'invasion de la Russie en Pologne, fera l'acquisition de Thorn et de Dantzick, et y joindra un palatinat à l'orient des confins de la Silésie.

» Le roi de Prusse acquerra en outre la Lusace, et l'électeur de Saxe recevra en échange le reste de la Pologne pour en occuper le trône comme roi héréditaire.

» Le roi actuel de Pologne abdiquera le trône, moyennant une pension convenable.

» L'électeur de Saxe donnera sa fille en mariage au prince puîné le grand duc de toutes les Russies, qui fera souche des rois héréditaires de Pologne et de Lithuanie. »

(Voyez, tome VIII, page 353, la déclaration de Pilnitz.)

:

être traité en ennemi dans les pays où nous entrons telle est la conséquence naturelle de nos principes.

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Quelle a été au contraire jusqu'ici notre conduite? Les généraux en entrant en pays ennemi y ont trouvé les tyrans et leurs satellites ; notre courage a fait fuir les uns et les autres ; nous sommes entrés dans les villes en triomphateurs et en frères ; nous avons dit aux peuples : vous étes libres; mais nous nous sommes bornés à des paroles. Nos généraux, embarrassés sur la conduite qu'ils avaient à tenir, nous ont demandé des règles et des principes pour la diriger: Montesquiou nous adressa le premier un mémoire à ce sujet. Deux rapports vous furent faits par le comité diplomatique le 20 et le 24 octobre dernier; ces rapports ont été imprimés; mais les décisions qui y étaient projetées vous ont peut-être paru insuffisantes, et vous n'en avez pas encore fait le sujet de vos délibérations. Les principes qu'ils contiennent vous sont parfaitement connus; voici les faits.

» Le général Custine, à peine entré en Allemagne, vous a demandé s'il devait supprimer les droits féodaux, les dîmes, les priviléges, en un mot tout ce qui tient à la servitude, et s'il devait établir des contributions sur les nobles, les prêtres et les riches, en indemnité des secours qu'ils avaient accordés aux émigrés vous ne statuâtes rien sur ces objets en attendant il crut ne devoir pas laisser péricliter les intérêts de la république; il exigea des contributions: on l'a accusé sur ce point, quoiqu'il vous eût soumis les motifs de ces contributions diverses, et ses ennemis ont voulu en tirer avantage contre lui, notamment par rapport aux 1,500,000 florins qu'il imposa sur Francfort. Depuis ce temps Francfort a été repris, et vous avez frémi au récit des nouvelles vêpres siciliennes qui ont ensanglanté cette ville. (1)

(1) Extrait d'une lettre du général Custine, adressée de Mayence, le 7 décembre 1792, à la Convention nationale.

« Citoyen président, je ne puis dissimuler à la Convention nationale l'insigne trahison qui a donné lieu à la reprise de Francfort (par les Prussiens, le 2 décembre 1792), à l'assassinat de nos frères d'armes

1

» Dumourier en entrant dans la Belgique a annoncé de grands principes de philosophie; mais il s'est borné à faire des adresses aux peuples; il a jusqu'ici tout respecté, nobles, priviléges, corvées, féodalité, etc. Tout est encore sur pied; tous les préjugés gouvernent encore ces pays, et le peuple n'y est ́rien, c'est à dire que nous lui avons bien promis de le rendre heureux, de le délivrer de ses oppresseurs, mais que nous nous sommes bornés à des paroles. Le peuple, asservi à l'aristocratie sacerdotale et nobilière, n'a pas eu la force seul de rompre ses fers, et nous n'avons rien fait pour l'aider à s'en dégager.

» Le général a cru, d'après les instructions du conseil exécutif, devoir respecter sa souveraineté et son indépendance, ne pas lui imposer de contributions extraordinaires : lorsque

trois cents d'entre eux sont tombés sous les couteaux des assassins en combattant glorieusement pour la cause de la liberté.

>> J'envoie à la Convention nationale un de ces couteaux, pris dans les mains d'un de ces malheureux, et apporté par un soldat qui l'avait arraché, et qui a trouvé le moyen de s'échapper de Francfort au milieu des horreurs du carnage. Les couteaux étaient tous du même modèle ; près de dix mille hommes en étaient armés. Cent cinquante charpentiers, destinés à ouvrir les portes, étaient arrivés de Nassau, appartenant au landgrave, dans deux bateaux; et le sieur van Helden, qui commandait Francfort, ose dire n'avoir point été instruit de cette arrivée, non plus que de la fabrication ou de l'arrivée de ces couteaux !... >>

Voilà ce qu'écrivait Custine, et ce qui justifie l'assertion de Cambon. Rétablissons la vérité. Le fait est qu'il n'y a eu aucune trahison, que les charpentiers et les couteaux sont de pure invention, et que Custine, trompé par de faux rapports, a préféré les accueillir sans examen plutôt que de s'accuser seul de la reprise de Francfort. Des calculs mal fondés sur la marche de l'ennemi avaient déterminé ce général à retirer son artillerie, et à ne laisser que deux mille hommes de garnison dans une ville non fortifiée, au milieu d'une population naturellement portée pour les Allemands, irritée d'ailleurs par la forte contribution dont elle avait été frappée. A ces avantages les Prussiens en joignaient un autre ; ils se présentèrent devant Francfort au nombre de vingt-quatre mille hommes. Ainsi il ne reste de vrai du récit de Custine que la belle défense des Français, hautement admirés par le roi de Prusse lui-même.

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