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grand édifice de la liberté du monde. Les générations en les lisant diront: Les voilà ces héros français qui brisèrent les chaînes de l'espèce humaine, et qui s'occupèrent de notre bonheur lorsque nous n'existions pas !

» Heureuse France! telles sont les hautes destinées qui s'ouvrent devant toi! Loin de t'étonner de leur grandeur, parcoursles avec héroïsme ; que l'histoire ne trouve dans ses fastes rien qui ressemble à tes triomphes; efface tout à coup la gloire des républiques de la Grèce et de Rome; fais plus en une année sous le règne de la liberté que tu n'as fait en quatorze siècles sous le règne des rois; que l'étranger ne parle de ta République qu'avec respect, et d'un citoyen français qu'avec admiration!

» Pour nous, fermes à notre poste, nous promettons de donner l'exemple du civisme, du courage, du dévouement; nous imiterons s'il le faut ces sénateurs romains qui attendirent la mort sur leurs chaises curules. On vous dit que nous sommes divisés : gardez-vous de le croire; si nos opinions different nos sentimens sont les mêmes; en variant sur les moyens nous tendons au même but. Nos délibérations sont bruyantes..... Hé comment ne pas s'animer en discutant d'aussi grands intérêts! C'est la passion du bien qui nous agite à ce point; mais une fois le décret rendu, le bruit finit, et la loi reste.

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Peuple, compte sur tes représentans! Quels que soient les événemens, ils lutteront avec force contre la fortune et les hommes; jamais ils ne transigeront en ton nom avec la tyrannie. Lorsque nous avons été constitués en Convention nous avons cru entendre la voix de la patrie qui nous criait: Va, et rends-moi libre! Assure mon bonheur futur aux dépens de ma tranquillité présente. Si pour cesser d'être esclave il faut vaincre l'Europe, parle; je lutterai contre elle! et surtout, quelles que soient mes dépenses, mes fatigues, mes périls, ne me donne une paix définitive qu'avec une entière indépendance!— » O patrie! nous avons prêté l'oreille à ce sublime langage; il reste empreint dans nos cœurs ; il servira de règle à notre conduite, et tu seras sauvée! >>

SUITE DU LIVRE PREMIER. INTÉRIEUR.

LE salut de la République n'était pas seulement compromis aux armées par les défaites et par la trahison; un funeste état de guerre continuait d'exister entre les représentans du peuple : c'est cette guerre que nous allons reprendre et suivre.

Dans le tableau des premières délibérations de la Convention (tome X) on a vu s'établir la division entre ses membres. Le procès de Louis XVI, en aigrissant encore les passions, apporta néanmoins une espèce de trève aux reproches, aux accusations qui avaient éclaté dès les premières séances : ce procès terminé, les combats recommençèrent.

DES ÉVÉNEMENS DE SEPTEMBRE.

Un décret, rendu le 20 janvier 1793 (tome X, page 514), avait ordonné des poursuites contre les auteurs des massacres de septembre et contre les complices de la cour; ce décret, qui devait être un gage de paix pour les deux partis, aggrava la désunion. Des faits, des souvenirs déchirans ne tardèrent pas à être remis à l'ordre du jour. (1)

PÉTITION faite à la Convention nationale par la société des défenseurs de la République, séante aux Jacobins de la rue Saint-Honoré. (Lue par un membre de cette société dans la séance de la Convention du 8 février 1793.)

"

Représentans du peuple, après quatre ans de trahisons de la part d'une cour perfide et de mandataires infidèles, Paris s'est levé pour la seconde fois : le courage des citoyens et des fédérés a terrassé le despotisme, et le roi assassin est descendu du trône pour monter à l'échafaud.

» Nous espérions que cette leçon terrible ferait trembler les ennemis de la liberté; mais ils n'en sont devenus que plus audacieux. Une main sacrilége a enfoncé le poignard dans le sein d'un de nos représentans ; d'autres sont encore menacés : nous

(1) Voyez sur les journées de septembre Louvet, Roland, Robespierre, Pétion, Tallien, Garat, etc., tome X.

jurons de peuple.

venger sa mort dans le sang de tous les ennemis du

» Tous les tyrans se liguent contre nous; et c'est dans le moment que nous allons les combattre que vous avez rendu un décret qui ordonne de poursuivre les prétendus auteurs des journées des 2 et 3 septembre ! Poursuivez donc aussi les auteurs des massacres du Champ de Mars, de la Chapelle et de Nanci! Poursuivez donc aussi les auteurs des pétitions contre-révolutionnaires!

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Représentans, ces journées, sur lesquelles on affecte de s'apitoyer éternellement, ne sont point telles qu'on se plaît à le répandre. Le peuple ne savait-il pas que pendant que le traître Louis allait effectuer une seconde évasion les scélérats détenus à dessein dans les prisons par des tribunaux contrerévolutionnaires devaient en sortir tout à coup, se joindre aux chevaliers du poignard, et égorger les patriotes? Pouvait-il surtout l'oublier dans le moment où il voyait s'avancer contre lui soixante mille esclaves appelés par son ancien tyran?

» Le premier mouvement de ceux qui s'armèrent pour aller à la rencontre des satellites de Brunswick fut de mettre leurs femmes et leurs enfans à l'abri de toute atteinte; ils se portèrent aux prisons, punirent les conspirateurs, et mirent en liberté les innocens : libres après cela de toute inquiétude, ils marcherent fièrement à l'ennemi.

» Voilà les événemens qui ont donné lieu aux aristocrates et aux modérés de calomnier le peuple de Paris.

Représentans, ceux qui font un crime au peuple des premières journées de septembre sont les mêmes qui applaudissaient à celle du 17 juillet : ils seraient déplorables ces événemens dans un temps calme; mais au sein d'une révolution orageuse, à la suite d'une insurrection sanglante, ne peut-on donc les excuser?

» Si la morale les réprouve la politique les justifie, et il en sera ainsi toutes les fois qu'au lieu de faire pour, on fera contre le peuple, qui dans sa juste vengeance peut se tromper; et, comme l'a dit un de vos membres, Isnard, les vengeances populaires sont un supplément au silence des lois. Et nous aussi, qu'on accuse de cannibalisme, nous pleurons de bonne

foi les innocens, n'y en eût-il qu'un seut; et s'il en a péri est-ce au peuple qu'il faut s'en prendre? Non; il faut toujours reprocher les écarts du peuple à ceux qui les provoquent en investissant les traîtres d'un brevet d'impunité.

Mais quels sont donc ceux que l'on voudrait poursuivre ? Est-ce le peuple de Paris et les fédérés ? Vous auriez alors huit cent mille hommes à punir. Est-ce une poignée de brigands soldés, comme le prétendent les aristocrates et les modérés ? Dans cette hypothèse le peuple serait encore complice, puisque par son silence il aurait adhéré à leurs exécutions.

» Cette procédure ridicule qu'on veut intenter contre les auteurs des journées de septembre n'est qu'un échafaudage contre-révolutionnaire, bâti par les ennemis de la République. C'est pour leur arracher le masque que nous venons à votre barre vous demander le rapport du décret qu'ils vous ont surpris. Vous le devez au peuple; encore plus à votre gloire; et si ce que nous vous disons ne suffisait pas nous citerions un rapport que vous a fait le ministre de la justice (1), qui a pensé

comme nous.

» Ce décret a déjà donné lieu à une procédure dans la ville de Meaux plusieurs de nos frères sont dans les fers, et prêts à perdre la vie. Cinquante pères de famille ont abandonné leurs femmes et leurs enfans pour se soustraire aux persécutions des traîtres qui au nom de la loi veulent assassiner le peuple. Nous devons obéir à la loi, sans doute; mais si elle est mauvaise nous avons le droit de réclamer contre elle, et d'invoquer la loi suprême, qui est le salut du peuple.

» Nous demandons donc que vous ordonniez que nos frères de Meaux soient mis en liberté, en vous observant qu'il existe une loi qui annulle toutes les procédures faites et à faire pour cause de révolution. » (2)

La lecture de cette pétition, faite avec assurance par un membre de la société des Jacobins (3), avait excité divers

(1) Voyez tome X, page 136.

(2) Voyez tome V, page So.

(3) Roussillon, commissaire rédacteur, électeur de la section de Marseille.

mouvemens dans l'Assemblée d'une part on réclamait l'ordre du jour avec une sorte d'indignation; de l'autre on demandait le rapport du décret du 20 janvier : de tout côté des orateurs se précipitent à la tribune.

Jambon Saint-André.

une

Une grande révolution ne peut s'opérer que par un grand mouvement on y trouve à côté des actes les plus éclatans de générosité, de grandeur d'âme, des traits qu'il faut autrement qualifier; de grands maux accompagnent alors de grands biens: mais si l'on ne tirait le rideau sur les premiers, jamais une révolution ne serait possible, jamais un grand peuple ne pourrait remonter à la liberté. La France, esclave depuis des siècles, courbée sous le joug de ses rois et de ses prêtres, a voulu briser ce joug avilissant; mais elle n'a pu le briser sans commotion violente. Montrez-vous grands et généreux; faites par esprit de patriotisme ce que les réviseurs firent par esprit d'aristocratie : ils accordèrent une amnistie dans laquelle les contre-révolutionnaires de Nîmes, de Montauban, etc., trouvèrent l'impunité de leurs assassinats médités, réfléchis, préparés avec lenteur. Avec combien plus de raison ne devezvous pas pardonner à des homines dont les mains se sont, il est vrai, souillées de sang, mais dont les intentions étaient pures! Ce n'est pas que je regarde de sangfroid ces tableaux déchirans, qui font gémir l'humanité, la philosophie; mais, plutôt que d'enlever des pères à leurs enfans, des enfans à leurs pères, ne vaut-il pas mieux couvrir leurs fautes d'un voile de générosité? Vous donnerez par là une grande preuve des sentimens philantropiques qui vous animent. Après cette indulgence vous arriverez à toute la sévérité des principes ; vous direz : nous avons pardonné ce que la révolution exigeait; mais à présent toute téte pliera sous le joug de la loi. Je demande le rapport du décret. »

Lanjuinais.

« Je n'ignore pas les provocations au meurtre qui se répètent souvent dans les lieux d'où vient cette pétition, et qui nous sont transmises par des journaux plus ou moins fidèles; je comprends

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