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saires; ils aspirent au moment d'embrasser la France en leurs personnes.

» La réunion de ces deux contrées forme une époque unique dans l'histoire du monde ; elle se consomme au moment où les trônes s'ébranlent de toute part, et où les peuples se réveillent.

» Braves descendans des Allobroges, pendant trois siècles vous fûtes Français vous le fûtes toujours par l'énergie de votre caractère depuis mille ans le despotisme vous avait arrachés du sein de la patrie, et vous en tenait éloignés ; sous le règne de plusieurs dynasties abhorrées vos ancêtres et les nôtres ont traîné leur pénible existence; ils ont versé des larmes brûlantes de désespoir; elles sont à peine séchées, et leurs gémissemens retentissent encore dans nos cœurs! Mais ils sont vengés; leurs descendans ont brisé leurs fers, et si jamais ils repassent la cîme des Alpes ce sera pour aller renverser le trône du despote de Turin. Ils sont vengés! la liberté embrasse les siècles futurs; à sa suite elle conduit les vertus et le bonheur, et ils vous béniront ces hommes de l'avenir qui n'arriveront à l'existence que quand vous dormirez dans la poussière.

» Généreux Savoisiens, en vous nous chérirons des Français, des amis et des frères; nos intérêts communs vont se confondre; vous rentrez dans la famille pour n'en sortir jamais, et notre union, notre liberté et la souveraineté des peuples seront durables comme vos montagnes, immuables comme le ciel qui nous entend! ».

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Le décret de réunion, lu par Grégoire après son rapport, fut accueilli avec enthousiasme. De toute part on criait aux voix un seul membre, Pénières, se présente pour le combattre; il se fondait sur les obstacles qu'une trop grande extension de population et de territoire oppose à la force d'un gouvernement : on l'écoute avec impatience. Tous les autres orateurs s'étant fait inscrire pour, et l'Assemblée manifestant son vœu par une acclamation réitérée, le décret est mis aux voix : Pénières seul se lève contre. La réunion de la Savoie à la France fut proclamée au bruit d'applaudissemens unanimes et prolongés.

DÉCRET. Du 27 novembre 1792, an 1o de la République française.

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« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de constitution et diplomatique, et avoir reconnu que le vœu libre et universel du peuple souverain de la Savoie, émis dans les assemblées des communes est de s'incorporer à la République française; considérant que la nature, les rapports et les intérêts respectifs rendent cette union avantageuse aux deux peuples, déclare qu'elle accepte la réunion proposée, et que dès ce moment la Savoie fait partie intégrante de la République française.

» Art. 1. La Convention nationale décrète que la Savoie formera provisoirement un quatre-vingt-quatrième département, sous le nom de département du Mont-Blanc.

» 2. Les assemblées primaires et électorales se formeront incessamment, suivant la forme des lois établies, pour nommer leurs députés à la Convention nationale.

» 3. Ce département aura provisoirement une représentation de dix députés à la Convention nationale.

>> 4. Il sera envoyé dans le département du Mont-Blanc quatre conmissaires pris dans le sein de la Convention nationale pour procéder à la division provisoire et à l'organisation de ce département en districts et en cantons. Ces commissaires seront nommés par la voie du scrutin.

>> 5. Les bureaux de douanes établis sur les frontières de la France et de la Savoie sout supprimés; ceux sur les confius du Piémont, de la Suisse et de Genève seront conservés provisoirement, et le ministre des contributions publiques sera chargé de faire parvenir sur le champ les lois et tarifs relatifs à la perception des droits sur les objets exportés ou importés.

>> 6. Il sera établi dans les chefs-lieux de districts ou dans les bureaux de douanes aux frontières, après l'organisation des autorités, des commissaires pour la vérification des assignats.

» 7. Sur la proposition d'insérer dans le décret de réunion de la Savoie les mots au nom du peuple français, la Convention nationale passe à l'ordre du jour, motivé sur la déclaration solennelle qu'elle a faite qu'il n'y aura de Constitution que celle qui aura été acceptée par le peuple français. »

Ce décret rendu, les députés Savoisiens exprimèrent en quelques mots la joie vive et reconnaissante qu'ils éprouvaient au succès de leur mission. Le président (Hérault) leur répondit :

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Citoyens français, témoins des acclamations touchantes

que vient d'exciter dans ce temple national la réunion des Allobroges et des Français, vous devez juger si notre souverain s'empressera d'accepter la proposition du vôtre ! Une si douce espérance fait la plus belle partie du bonheur de cette auguste journée. Il sera donc répété deux fois dans tout l'empire que les deux nations seront unies éternellement! Déjà la nature avait décrété l'unité physique et morale de nos communs territoires nous venons de lui obéir; et ce ne sera pas le dernier hommage que la Convention se glorifiera de rendre aux inspirations de la nature. Dans cette chute nécessaire et prochaine de tous les rois, ensevelis sous leurs trônes, le seul trône qui restera sera celui de la liberté, assise sur le Mont-Blanc, d'où cette souveraine du monde, faisant l'appel des nations à renaître, étendra ses mains triomphales sur tout l'univers!

En vertu du décret de réunion la Convention nomma commissaires dans le Mont-Blanc les représentans du peuple Grégoire, Hérault, Simon, Jagot.

DE LA DÉCLARATION DE GUERRE AU ROI D'ANGLETERRE ET AU STAD

HOUDER DES PROVINCES-UNIES.

Il était digne de la France, à peine sortie de l'esclavage, d'offrir aux autres peuples protection et secours contre la tyrannie; il n'appartenait qu'à l'Angleterre, libre depuis longtemps, de s'allier aux despotes pour maintenir l'esclavage des peuples.

Les premiers rapports qui ont été présentés sur la conduite du gouvernement britannique sont du mois de janvier 1793 : ce n'est pas qu'antérieurement le cabinet de Saint-James n'eût ajouté à cette longue suite de déceptions dont le souvenir se réveille dans les esprits aux seuls mots de gouvernement. anglais (1); en pleine paix il avait maintenu cet état de

(1) Dans les trop justes réproches qui s'élèvent de toutes les contrées du monde contre la Grande-Bretagne il est assez généralement reçu de séparer le peuple anglais de son gouvernement; c'est sans doute un hommage rendu à la nation de l'Europe qui dans les temps d'esclavage jouissait déjà d'une sorte de liberté, liberté grossière il est vrai, et que cependant elle n'a pas su conserver: mais ce qui n'est pas reçu avec une égale faveur, ce qui même fait mal à entendre c'est l'éloge de ec

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guerre sourde qui semble devoir être permanent entre l'An ́gleterre et la France, et dans lequel on voit incessamment l'égoïsme et la perfidie surprendre la générosité et la franchise mais jusqu'à cette époque les différentes communications du ministre des affaires étrangères avaient été renvoyées sans discussion à l'examen des comités; ensuite on les réunit dans un Exposé historique que nous imprimons plus loin: c'est là qu'on pourra consulter les documens qui motivent les discours et les rapports suivans.

Deux vaisseaux chargés de blé, l'un pour Bayonne, l'autre pour Brest, avaient été arrêtés dans la Tamise par ordre du gouvernement anglais. Le comité diplomatique, chargé d'examiner la nature de cet événement, s'était borné à proposer de ne prendre encore aucun parti avant que le ministre des affaires étrangères eût fait les réclamations d'usage, et la

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peuple égoïste prononcé par des Français ; et cent fois il a retenti à notre tribune nationale! Par un échange de procédés des Anglais ont célébré la révolution française et ses illustres auteurs. Apprécions ces témoignages réciproques de fraternité: en France ils étaient inspirés par la plus pure philantropie; le seul esprit d'opposition les dictait en Angleterre. Au surplus, que quelques uns de nos publicistes, nos orateurs distingués aient cru devoir payer ce tribut à la terre classique de la liberté, oubliant que les autres pays n'ont reçu d'elle que des chaînes et la mort, jamais le peuple français n'a sanctionné ces panégyriques anti-nationaux; jamais il n'a pris le peuple anglais pour modèle; ce qu'il a eu de beau, de sublime dans sa révolution il le tient de lui seul, et toujours il signalera comme un de ses plus grands malheurs les imitations du système anglais qu'il fut contraint de subir... Quant à la séparation du peuple anglais de son gouvernement, jamais non plus le peuple français ne l'admit; il répondait à ses orateurs: oui, si chaque Anglais tenait tour à tour en ses mains l'administration de son pays, chacun d'eux tour à tour s'armerait contre nous de la foi punique!

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Les éternelles considérations des publicistes sur la dette de l'Angleterre, sur les partis qui l'agitent, sur son inévitable ruine, etc., toutes ces prédictions ne sont guère mieux accueillies du peuple français; il sait que toujours les Auglais seront unis entr'eux pour spolier. les autres peuples, et qu'ils subsisteront tant que toutes les nations ne répéteront pas de concert : et que l'Angleterre périsse!

* Foycz, tome II, l'hommage de la société de la Révolution de Londres.

Convention avait adopté cet avis. Kersaint, organe du comité diplomatique, demanda ensuite et obtint la parole /pour présenter ses réflexions particulières sur la nécessité de se préparer à la guerre de mer si la sûreté et la dignité de la République l'exigeaient.

DISCOURS de Kersaint, député de Seine-et-Oise. (Séance du 1er janvier 1793.)

« Je diviserai le résultat de mes réflexions sur cette importante matière en deux parties : dans la première j'essaierai de pénétrer et de dévoiler les intentions du ministère anglais; dans la seconde j'aborderai hardiment les conséquences de la guerre dont on nous menace.

>> Si le cabinet de Saint-James vous déclare la guerre, vous découvrirez la coalition des puissances maritimes, et vous pouvez d'avance compter que vous aurez à les combattre toutes à la fois : mais ce n'est pas de leur nombre ou de leur désir de nous nuire que je doute; c'est de leur pouvoir. Les gouvernemens d'Angleterre, d'Espagne, de Hollande, de Russie et de Portugal sont vos ennemis, car ils sont despotiques. Arrêtonsnous au plus puissant, car il exerce son empire sur un peuple qui naguère jouissait de quelque liberté, et ce seul avantage dans le temps de notre servitude l'avait rendu redoutable : voyons ce que peut le gouvernement anglais; démêlons ses desseins, et découvrons le but qu'il se propose. J'aperçois dans ses mouvemens trois intérêts distincts, également étrangers au peuple anglais la haine du roi contre les Français, et ses craintes pour sa couronne, seul motif de l'intérêt qu'il a manifesté pour Louis XVI; cet intérêt est fortifié par celui des nobles et des épiscopaux, nos ennemis naturels : les inquiétudes du premier ministre Pitt, maître absolu de l'Angleterre depuis huit ans, et que les orages d'une révolution ou ceux d'une

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guerre menacent également de sa chute, et ce parti tient à l'autre par l'aristocratie de la finance et les nombreux agens du gouvernement; guerre formera la coalition de ces deux intérêts, et telle est leur force qu'ils entraîneront l'Angleterre : l'ambition et le génie de Fox, et les intrigues de son parti, cherchant à profiter des circonstances pour s'emparer du gou

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