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nisera des dépenses de la guerre de terre, et peut-être qu'à l'exemple des Athéniens et des Hollandais, la France, toute puissante qu'elle est par ses armées, devra l'affermissement de sa liberté aux victoires de ses armées navales.

» Toutes vos possessions d'outre-mer ne sont pour vous ́en ce 'moment qu'une surcharge qui vous coûte des trésors et ne vous rend rien si les Anglais s'en emparent vos captures seront autrement lucratives, et l'affranchissement du Mexique vaudra bien les pertes de quelques petites îles. Mais vos colonies se défendront vaillamment, 'et il est 'possible que vos ennemis échouent dans leurs entreprises; car l'esprit belliqueux s'y est développé par la guerre civile, et les forces que les circonstances vous ont forcés d'y entretenir et d'y envoyer tout récemment les mettront sur un pied de défense respectable. J'ai cette opinion que les partis s'y réuniront pour demeurer français, et qu'ils saisiront cette occasion de prouver leur attachement à la mère patrie s'ils sont des enfans ingrats, ils ne méritent ni vos efforts pour les conserver, ni vos regrets. Enfin, si l'Angleterre se rend maîtresse de vos colonies, elle sera forcée de les garder, et cette surcharge l'affaiblira, tandis que vos forces disponibles vous assureront ailleurs d'amples compensations.

» Je suppose que vos ennemis tentent des débarquemens sur vos côtes; doutez-vous que nos braves gardes-côtes nationales ne les repoussent? L'Angleterre, menacée d'une invasion, et n'ayant pour s'en défendre que ses vaisseaux, sera contrainte de conserver une grande partie de sa flotte et de son armée

pour sa sûreté.

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Georges y craindra toujours la visite des amis des droits de l'homme, et l'alliance du faubourg Saint-Antoine et de BalFriads. Mais les Russes... Hé bien, les Turcs ne donneront-ils aucune inquiétude aux Russes, et la Suède, le seul peuple qui semble nous tendre la main, ne fera-t-elle aucun effort pour arrêter les barbares qui menacent sa liberté ? Quoi qu'il en soit, les Russes et les Hollandais, confédérés, seront arrêtés et nis en échec dans les ports d'Angleterre par les barques de nos pêcheurs, toujours prêtes à y transporter cent mille Français; car'c'est par cette expédition que nous devons terminer cette querelle', et c'est sur les ruines de la tour de Londres que vous devez signer, avec

le peuple anglais détrompé, le traité qui réglera les destins des nations et fondera la liberté du monde.

» Il résulte des considérations particulières et générales sur lesquelles nous venons d'arrêter votre attention, que, toujours fermes dans vos principes, vous devez éviter de provoquer la guerre; mais qu'également éloignés de toute crainte, vous devez vous tenir prêts à repousser une injuste aggression; que la guerre dont on vous menace doit être fatale à ceux qui la provoqueront, et que vous saurez vous préparer à la soutenir avec vigueur contre l'Angleterre et ses alliés. »

Kersaint proposait un décret d'après lequel des armemens auraient été ordonnés sans délai : les circonstances ne paraissant pas exiger encore de semblables mesures, la Convention n'adopta d'abord qu'un seul article de ce projet, celui qui établissait un comité de défense générale, chargé de s'occuper de l'état présent des choses et des préparatifs de la campagne prochaine.

RAPPORT sur les dispositions du gouvernement britannique

envers la France, fait par Brissot, député d'Eure-et-Loir, au nom du comité de défense générale. (Séance du 12 janvier 1793.)

Citoyens, vous avez renvoyé à vos comités réunis diplomatique et de marine, et depuis à votre comité de défense générale, les diverses notifications qui vous ont été faites par le ministre des affaires étrangères relativement à la conduite du cabinet britannique envers la République française. Votre comité les a examinées avec la plus grande attention, et après une profonde discussion il s'est convaincu :

» 1°. Que les griefs du cabinet britannique contre la France n'ont aucun fondement ;

» 2°. Que la République française au contraire a des plaintes très fondées à élever contre la cour de Saint-James;

» 3°. Qu'après avoir épuisé tous les moyens pour conserver la paix avec la nation anglaise, l'intérêt et la dignité de la République française exigent que vous décrétiez les mesures les plus vigoureuses pour repousser l'agression du cabinet de Saint-James.

» Il importe que la nation anglaise, qui n'est qu'égarée par son gouvernement, soit promptement désabusée. C'est par respect pour la fraternité qui nous unit que nous devons lui peindre avec franchise les manœuvres de son gouvernement, et si nous sommes forcés de la traiter en ennemie il importe que chaque Français ait la pleine conviction qu'il obéit à la justice en la combattant.

» Les impressions excitées par notre révolution en Angleterre n'ont pas été les mêmes pour la nation, pour le parlement, pour la cour la nation a témoigné d'abord de la joie, le parlement de l'inquiétude, et la cour de l'effroi. L'opinion bien manifestée de la nation anglaise a forcé le ministèrè à garder le silence, et son intérêt l'a engagé à observer une exacte neutralité dans la guerre qui s'est élevée entre la France, l'Autriche et la Prusse. Il y trouvait un double avantage; la nation s'enrichissait au milieu de ces combats, dont elle était simple spectatrice, et le ministère actuel se consolidait par la prospérité du commerce et la stabilité de la paix : c'est pour obéir à ce double intérêt que le cabinet de Saint-James a plusieurs fois protesté de son intention d'observer scrupuleusement la neutralité envers la France, et en effet elle l'a été jusqu'à l'immortelle journée du 10 août.

» La suspension du roi des Français a tout à coup changé les dispositions apparentes de la cour d'Angleterre; elle a le 17 août rappelé son ambassadeur, sous le prétexte futile que ses lettres. de créance n'étaient que pour résider auprès du roi des Français, comme s'il n'eût pas été plus facile d'expédier de nouvelles lettres de créance! Le ministre Dundas ajoutait que ce rappel était plus conforme aux principes de neutralité de la cour d'Angleterre; comme s'il y avait eu quelque rapport entre la neutralité sur la guerre, l'événement du 10 août et le rappel de lord Gower! Henri Dundas protestait encore de la ferme résolution du cabinet de Saint-James de ne point s'immiscer dans le gouvernement de la France; et cependant il rappelle un ambassadeur sous le prétexte de la révolution du 10 août : n'étaitce pas évidemment s'immiscer dans le gouvernement intérieur de la France, puisque c'était énoncer la désapprobation de ses opérations? Si le cabinet anglais avait eu quelque respect pour

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l'indépendance du peuple, il aurait au moins dû renvoyer un ambassadeur après l'ouverture de la Convention nationale; car du moment que tous les départemens avaient nommé des députés à cette Convention il était évident que par cette conduite ils donnaient une approbation formelle aux opérations de l'Assemblée législative, et par conséquent à la suspension du roi. Le cabinet de Saint-James aurait-il fondé son refus sur l'abolition de la royauté, prononcée par cette Convention à l'ouverture même de ses séances? Mais la Convention, étant revêtue de pouvoirs illimités, a pu abolir la royauté et lui substituer le gouvernement républicain. Le cabinet de Saint-James n'a pu refuser de correspondre avec le nouveau pouvoir exécutif de France sans violer le principe, qu'il avait proclamé lui-même, de l'indépendance des nations, sans déclarer qu'il entendait s'immiscer dans le gouvernement intérieur de la France.

>>

Dédaignant ces petites chicanes diplomatiques, ne croyant pas devoir sacrifier la paix des nations à de misérables querelles d'étiquette, espérant tout du temps, de la raison et de ses victoires, la République française a ordonné à son ambassadeur à Londres d'y continuer ses fonctions. Les succès de la République, les victoires de Jemmapes et de Spire, la conquête de la Savoie, du Brabant, ont paru calmer les scrupules diplomatiques du cabinet de Saint-James; ses ministres prévoyaient que cette République naissante, qui débutait d'une manière si brillante au milieu des plus grands embarras, qui à son aurore écrasait les meilleures armées, commandées par les plus habiles généraux; ils prévoyaient, dis-je, que cette République pourrait se consolider, et porter le flambeau des révolutions par toute l'Europe. Le ministère anglais crut donc devoir tenter quélques démarches auprès de l'ambassadeur de cette République, qu'il avait d'abord dédaignée; il voulait connaître les intentions intérieures de la France: votre ambassadeur, les autres agens, et le conseil exécutif lui ont répondu avec la dignité, la modération qui doivent caractériser les agens d'un peuple libre.

>> Une négociation amicale s'est établie dans le cours des mois d'octobre et novembre; alors le ministère anglais ne se plaignait pas même de l'ouverture de l'Escaut, parce qu'alors la nation

anglaise, enthousiasmée des succès des Français, ne voyait dans cette ouverture de l'Escaut qu'un hommage rendu aux principes, hommage qui se conciliait très bien avec les intérêts du commerce anglais : le ministère anglais craignait pour l'invasion de la Hollande, et le conseil exécutif de France lui donnait des assurances propres à le tranquilliser.

Le ministère anglais se plaignait du décret du rg/novembre, qui lui paraissait propres à exciter tous les peuples à la révolte, qui semblait promettre un secours efficace au premier mécontent qui se montrerait en Angleterre; et le conseil exécutif lui donnait sur ce décret une explication entièrement conforme à ce qu'il désirait. C'est une circonstance qu'il importe de remarquer le ministère anglais avait indiqué à des agens de France à Londres les termes dans lesquels l'interprétation devait être conçue pour rassurer pleinement le cabinet de SaintJames et le parlement, et quoique cet agent n'eût pas encore pu transmettre cette explication au conseil exécutif, il avait été prévenu par la note du ministre des affaires étrangères, qui s'y rapportait dans tous les points.

» Le ministère anglais se plaignait encore des émissaires de la propagande, des apôtres secrets que le conseil exécutifenvoyait, disait-il, en Angleterre pour y prêcher la révolte; et le ministre desaffaires étrangères repoussait publiquement dans cette Assemblée ces imputations, outrageantes pour le ministre d'un peuple libre, et il observait avec raison qu'il serait extravagant de prodiguer les trésors de l'Etat pour créer des événemens qui, s'ils doivent arriver, seront l'ouvrage de la raison; et le ministère anglais convenait lui-même que cette propagande, ces soulèvemens n'étaient pas fort à craindre en Angleterre : enfin, telle était la disposition du cabinet britannique vers la fin du mois de novembre, que toutes les difficultés s'aplanissaient insensiblement. Lord Grenville commençait à reconnaître le gouvernement de France, qu'il avait d'abord intitulé gouver nement de Paris : on jouait bien quelquefois le scrupule sur le caractère de notre agent; on affectait de ne pas se dire autorisé, tandis qu'on provoquait et donnait des explications. Une seule difficulté semblait arrêter les négociateurs le conseil exécutif de France voulait négocier par un ambassadeur accrédité; le

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