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jour où le municipe pouvait succéder ab intestat à ses affranchis. Le patron était en effet réservataire, et défendre à l'affranchi d'instituer le municipe dans son testament, c'était donner ouverture à la bonorum possessio contra tabulas qui garantissait le droit de réserve du patron. Une constitutution de Léon (1) étendit le sénatus-consulte en donnant d'une manière générale à toutes les cités de l'empire le droit de recueillir succession, testament, legs ou fidéicommis; cette constitution semble donc avoir innové, et les textes antérieurs que nous rencontrons au Digeste se réfèrent vraisemblablement à des institutions faites par des affranchis. Si un acte législatif était intervenu entre l'époque d'Ulpien et celle de Léon, il y a lieu de croire qu'il en serait resté des traces.

II. Nous avons dit plus haut, qu'à raison de priviléges spéciaux, certaines divinités païennes pouvaient être instituées héritières, et que depuis une constitution fameuse de Constantin, il fut permis d'instituer les églises chétiennes, Jésus-Christ, les martyrs, les archanges et les établissements pieux.

Quant aux corporations, c'est aussi comme concession individuelle que quelques-unes obtinrent le droit d'être instituées; on peut cependant admettre, ainsi que nous l'avons dit, que les corporations purent recueillir les successions testamentaires de leurs affranchis, dès qu'elles purent leur succéder ab intestat (2). Enfin, l'État, de qui émanait tout droit positif, ne pouvait pas se priver de celui de recevoir les successions qui lui étaient adressées : on sait que sous la République, des rois étrangers instituèrent le peuple romain.

(1) L. 12; Code, VI, 24. (2) L. 8; Code. VI, 24.

Avant que ces divers priviléges généraux ou particuliers eussent été accordés, un sénatus-consulte Apronien porté sous Marc-Aurèle, permit aux villes de recueillir des fideicommis d'hérédité. En conséquence, elles doivent procéder à la nomination d'un actor ou syndicus pour exercer les actions héréditaires ou opposer les exceptions (1).

CHAPITRE VI

LEGS

Sous la République, les personnes civiles étaient incapables de recueillir un legs (2), comme elles l'étaient d'être instituées héritières. Le motif en était-il le même? Si l'on s'en tient à l'opinion des Sabiniens, il faut sans hésiter répondre négativement; selon eux, en effet, aucune manifestation de volonté, aucun acte matériel n'était exigé de la part du légataire. Mais si l'on envisage la doctrine

(1) Ulp. 22, § 5; L. 1, § 1, Dig. XXXVIII, 3; LL. 26, 27, Dig. XXXVI, 1.-- Les personnes civiles peuvent aussi recueillir un fideicommis particulier. L. 20, § 1, Dig. XXXIII, †; L. 6, § 2, Dig. XXXIV, 2.

(2) D'après Dirksen, cité par Savigny, les villes auraient eu le droit de recueillir un legs per damnationem, et c'est ainsi qu'il explique la validité des legs adressés par des rois étrangers à la République. Cette capacité exceptionnelle de la République romaine se justifie plutôt par la position spéciale du populus et par régime administratif de l'ærarium. Le texte d'Ulpien (24, § 23) contient des termes si absolus que la prohibition ancienne devait frapper les legs de toute nature. Savigny. L. II, ch. II, § 93,

note o.

proculienne, l'incapacité de droit résulterait aussi, en matière de legs, de l'incapacité de fait.

Gaius, qui signale la divergence des deux écoles, ajoute que la solution proculienne prévalut; il n'est cependant pas douteux que l'opinion des Sabiniens triompha en dernier lieu; c'est elle seule qui figure au Digeste (1). Quoi qu'il en soit, la controverse a divisé les jurisconsultes, et cettehésitation dans la doctrine suffit à faire refuser aux personnes civiles un droit dont l'abus, en augmentant la richesse des universitates, eût pu favoriser les désordres.

D'ailleurs, la capacité de fait n'étant pas exigée dans le système sabinien qui prévalut, on arriva promptement à supprimer l'anomalie qui frappait néanmoins la personne civile d'une incapacité de droit. Aussi, dès la fin du premier siècle de notre ère, Nerva permit à toutes les cités de l'empire romàin de recevoir des legs; et un sénatus-consulte porté sous Adrien renouvela cette concession (2).

Cependant, Pline le jeune, qui vivait sous Trajan, dit, dans une de ses lettres: Nec heredem institui nec præcipere posse rempublicam constat. » Il est difficile de croire que l'édit de Nerva ne soit pas parvenu à la connaissance de Pline; nous ne trouvons pas non plus dans ce texte une preuve que cet édit ne fut pas appliqué.

(4) Gaius. II, § 495; L. 80, Dig. XXXI.

(2) Ulp. 24, § 28; LL. 117, 122, Dig. XXX. -Il fallut au contraire attendre jusqu'au milieu du ve siècle (Léon, 469) pour que le droit d'être instituées héritières fùt concédé aux cités. Là, en effet, l'incapacité de droit résultait d'une incapacité de fait indiscutable et indiscutée. De même, les colléges qui ne purent être institués héritiers que par un privilége spécial, recurent sous Marc-Aurèle le droit de devenir légataires.

Nous pensons qu'il suivit son cours, « mais que le legatum præceptionis resta fermé aux municipes comme inséparable de l'institution d'héritier, qui ne leur avait pas encore été accordée. » (1)

Le privilége réservé jusque-là aux villes fut singulièrement étendu par Marc Aurèle; il le concéda aux colléges autorisés, et nous en voyons l'application aux colléges de décurions et aux colléges de prêtres (2). Enfin, du jour où un rescrit donna aux villages, vici, le droit de recueillir des legs, on put dire que le privilége devint le droit commun pour les personnes civiles (3).

Notons, en passant, que le legs fait à l'empereur était recueilli par son successeur au trône, quand il mourait ante diem cedentem(4).

La capacité pour les personnes civiles de recevoir à titre de legs fut tellement élargie, qu'on interpréta les legs d'une façon très-libérale, de manière à leur faire Broduire effet autant que cela était possible. Nous avons déjà dit que le legs fait civibus était réputé fait civitati; que le legs fait pauperibus recevait aussi son accomplissement. Alors même que le collége n'avait pas le jus coeundi, le legs qui lui était adressé était valable, quand on avait soin de l'adresser à tous ses membres individuellement (5).

Le legs d'usufruit adressé à une personne civile cesse par le laps de cent ans de produire son effet; car on la considère à cet égard comme l'homme qui at

(1) Savigny, L. II, ch. II, § 93, note l.

(2) L. 20, Dig. XXXIV, 5; LL. 20, § 1; 23. Dig. XXXIII, 1 ; L. 38, § 6, Dig. XXXII.

(3) L. 73, § 1, Dig. XXX.

(4) L. 56, Dig. XXXI.

(5) LL. 2, 20, Dig. XXXIV, 5.

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teint le maximum de la vie humaine, ὁ μακροχρόνιος ἄνθρωπος, et cette limite extrême est réputée être cent ans (1); șans cette précaution législative, la propriété serait réduite à néant, si l'existence de la personne civile se transformait en une éternité. Au contraire, le legs fait in annuos singulos à une cité, une curie, un municipe, une église ou un établissement pieux est perpétuel; ce legs n'entame nullement, en effet, la propriété, et on ne peut pas craindre qu'elle s'évanouisse comme dans la précédente hypothèse. Plusieurs textes du Digeste constatent cette théorie (2).

CHAPITRE VII.

BONORUM POSSESSIO.

La succession prétorienne offrait, pour les personnes civiles, un inconvénient analogue à celui que nous avons rencontré dans la succession testamentaire de droit civil. On ne pouvait obtenir en effet la bonorum possessio qu'en la demandant; on exigea même une formule solennelle jusqu'à la promulgation d'une constitution de Constance (3).

Mais le préteur reconnut de bonne heure la possibilité d'une représentation; ainsi le tuteur put former la demande pour son pupille (4), et en ce qui touche les universitates, Ul

(1) L. 56, Dig. VII, 1.

(2) LL. 6; 20, § 1; 23; 24, Dig. XXXIII, 1; LL. 46, § 9; 57; Code I, 3.

(3) Inst. III, 9, § 8 à 10; L. 9; Code, VI, 9.

(4) L. 11, Dig. XXVI, 8; L. 7, § 1. Dig. XXXVII, 1; L. 3, § 4, Dig. XXXVII.1.

Piébourg.

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