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quoiqu'il soit impossible d'y méconnoître des caractères et des fleurons parfaitement identiques avec ceux que les Elzevirs ont employés dans leurs productions les plus remarquables. Je n'hésiterois pas davantage à lui attribuer la jolie édition Elzevirienné de la Satire Ménippée (1), bien qu'imprimée sous un autre nom, et je suis de ceux qui lui font honneur du Montaigne de 1659 (2). M. Bérard oppose, il est vrai, à cette hypothèse une autorité assez spécieuse, celle de Roland Desmarets, qui écrit à Chapelain : Valde mihi jucundum est, quod exornanda Michaelis Montani scriptorum editioni, QUAM ELZEVIRII PARANT elogia et testimonia eorum, qui de illo aliquid memoriæ prodiderunt colligis, et hac opera tanti viri nostratis gloriæ pro virili parte consulis.

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(1) Satyre Menippée de la Vertu du Catholicon d'Espagne. A Ratisbonne, chez Matthias Kerner. 1664, in-12. avec trois figures, dont une pliée. 8 f. et 336 pages. Édition sans errata; mar. bleu.

(2) Les Essais de Michel, seigneur de Montaigne. A Bruxelles, chez François Foppens, libr. et imprimeur. M. DC. LIX. 3 vol. in-12. Tom. I, 26 f. y compris le frontispice gravé et le titre, et 468 pages; tom. II, 2 f. et 708 pages; tom. III, 2 f. 510 pages, et 39 f. de table, avec le portrait de Montaigne, gravé par Fiquet, avant la lettre; mar. bleu à compartimens, doublé de tabis, rel. par Simier.

Cette édition réunit la tête de buffle, la sirène, les palmes croisées, et autres fleurons communs aux Elzevirs et à Foppens. Il en a été probablement tiré des exemplaires sur différens papiers, car ils varient de cinq pouces cinq lignes de hauteur à cinq' pouces onze lignes.

Tam elegantibus enim scriptis id hactenus deesse videbatur, ut tam elegantibus typis excuderentur, etc. Mais il me semble qu'en y réflé– chissant un peu, on trouvera que cette lettre prouve précisément le contraire de ce que M. Bérard a voulu prouver. Les Elogia et les Testimonia, dont il est question ici, n'ornent point l'édition de Foppens, à laquelle il est évident que Chapelain n'a pris aucune part. Tout ce qu'on peut conclure, c'est que les Elzevirs ont, en effet, préparé une édition de Montaigne, et qu'ils ne l'ont pas publiée : il n'y a rien de plus commun en librairie. Autant vaudroit tirer l'induction qu'ils ont réimprimé tous nos vieux classiques françois, de cette phrase de leur Épître dédicatoire des Mémoires de Commines (1) à M. de Montausier. « .... Nous avons résolu de travailler désormais à « l'impression exacte et correcte de plusieurs livres << françois qui ne se trouvent plus qu'avec peine, «< ou qui se trouvent fort mal imprimez et remplis d'une infinité de fautes. » Est-il présumable, d'ailleurs, qu'après avoir donné dans ce joli format qu'ils avoient adopté, et qu'ils n'ont délaissé que dans des occasions très rares (car le Boileau et le

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(1) Les Mémoires de Philippe de Commines, seigneur d'Argenton. A Leyde, chez les Elzeviers, 1648, in-12. 12 f. y compris le titre gravé, 765 pages et 9 f. de table; mar. bleu à compartimens, doublé de tabis, rel. par Simier.

Cet exemplaire a été vendu avant reliure, 75 fr. Firmin Didot.

Mézeray (1) ne sont pas plus d'eux que le Montaigne), peut-on croire, dis-je, qu'après avoir publié, dans cette dimension consacrée par tant de chefs-d'oeuvre, le Commines et le Charron, ce dernier surtout, avec lequel Montaigne doit faire collection, ils auroient adopté ce grand in-12, qui n'a presque point d'analogues parmi tous leurs livres? Cette édition enfin, tout imprimée qu'elle soit avec des caractères et des fleurons Elzeviriens, n'est pas digne des Elzevirs; son aspect seul décèle d'autres presses et un autre typographe.

La CINQUIÈME CLASSE renferme les livres imprimés avec des caractères analogues à ceux des Elzevirs, mais non avec les mêmes fleurons. Telles sont les charmantes éditions de Fricx, de Bruxelles, qui n'ont de commun avec les leurs, en fait d'insigne, qu'une large guirlande de roses trémières; telles sont la plupart de celles qui portent le nom de Maire, d'Hegerus, de Leers, de Boom; de Graaf, à la Tortue; de Blaeu, à la Sphère. Telles sont, surtout, celles d'Abraham Wolfgang, remarquables

(1) Abrégé chronologique de l'Histoire de France, par le sieur de Mezeray. A Amsterdam, chez Abraham Wolfgang, 1673, 6 vol. in-12. Tom. I, io f. y compris les deux titres et le portrait, 414 pages et 12 f. de table; tom. II, 2 f. et pages 415 à 847, 19 f. de table; tom. III, 2 f. 351 pages et 13 f. de table. La 351 page est marquée 350; tom. IV, 1 feuillet, pages 351 à 723, 13 f. de table; tom. V, 2 f. 357 pages, 21 f. de table; tom. VI, 2 f. 453 pages et 15 f. de table; mar. bleu, rel. par Simier.

par l'insigne de cet habile imprimeur, qui représente un loup découvrant une ruche dans un tronc d'arbre creux, avec la devise : Quærendo. (Ŕemarquons ici en passant, mais comme une chose fort digne d'attention dans la question, que cet insigne est l'armoirie parlante de Wolfgang, ce nom se composant, en hollandois, de deux mots qui signifient loup marchant ou courant, et que cette manière d'imager son nom étoit fort communé chez les imprimeurs, témoin le bûcher enflammé qu'on remarque dans le Philippe de Commines et dans le Charron des quatré éditions, les élémens du nom de Elze vir ou Else wur pouvant signifier feu d'orme. Ne seroit-il pas fort étrange que les Elzevirs eussent arboré, au titre de ces précieuses éditions dont ils étoient si jaloux, le rébus d'un libraire obscur? Leur considération littéraire, et leur fortune indépendante, ne permettent pas ce soupçon.) Sauf la guirlande de rosés trémières que Wolfgang emploie comme les Elzevirs, il diffère d'eux dans tous ses fleurons: l'oiseau perché au pied d'un mât à banderoles, la rose sucée par deux abeilles, l'écureuil accroupi, le renard, le chat, le chien qui fiente dans un violon, ne se sont jamais vus dans aucun volume authentique des Elzevirs. M. Bérard, qui persiste à attribuer aux Elzevirs les éditions au nom de Wolfgang, n'oppose à l'hypothèse que nous venons d'établir, qu'une raison qui mérite considération; c'est celle

qu'il tire de la jolie édition de la Logique de PortRoyal (1), où la sphère Elzevirienne est substituée au Quærendo. Eh bien! nous lui accordons très volontiers ce point, car nous sommes porté à regarder cette jolie édition comme véritablement Elzevirienne, et cependant nous ne fondons cette induction que sur les caractères et le tirage, l'identité de la sphère, enseigne commune de tous les libraires et marchands de cartes géographiques hollandois, non plus que celle de la guirlande dé roses trémières dont Wolfgang a fait souvent usage, ne nous paroissant nullement décisive. Mais pourquoi les Elzevirs n'auroient-ils pas imprimé quelquefois pour Wolfgang, qui étoit libraire aussi-bien qu'imprimeur? C'est une chose qui se voit tous les jours dans le commerce, et les Amores Baudii viennent de nous prouver que, tout imprimeur qu'il fût, Louis Elzevir avoit fait imprimer chez Vander Marse; voilà donc cette difficulté vaincue. Quant à l'objection que M. Bérard tire du privilége du Mézeray, dont nous avons parlé tout à l'heure, elle est de peu d'importance. Si Wolf

(1) La Logique ou l'Art de Penser. A Amsterdam, chez Abraham Wolfgank (*). c1ɔ ɔc Lxxv. In-12. 556 pages et 4 f. de table. Première reliure en vélin de Hollande.

(*) Cet imprimeur écrit son nom indifféremment, Wolfgang, Wolfgank, on Wolfganck. Nous l'orthographions dans notre texte suivant la leçon de l'édition dont nous parlons.

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