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la vie de la cellule. Du moment où la chimie est impuissante à faire la synthèse de la matière albuminoïde, de la matière organisable, il est évident que la formation de toutes pièces d'une cellule organique avec des éléments minéraux est chose absolument impossible dans l'état actuel de la science.

Mais cette matière organisable, l'albumine, existe toute formée dans les végétaux et les animaux auxquels on peut l'emprunter. Il est donc permis de se poser sérieusement cette question depuis longtemps agitée dans la science: Est-il possible de créer, autour de l'albumine ou de toute autre substance azotée analogue, des conditions telles qu'un proto-organisme, une cellule active, se développe spontanément? - On n'obtiendrait sans doute ainsi qu'une solution indirecte de cette autre question plus générale: Un proto-organisme actif, c'est-à-dire vivant, peut-il prendre spontanément naissance au sein de la matière minérale? Mais le fait de l'apparition spontanée d'un tel organisme dans un milieu albumineux n'en aurait pas moins une très-grande importance; et, comme la synthèse, jusqu'ici irréalisée, de l'albumine est à nos yeux réalisable, ce fait aurait pour nous la valeur d'une solution directe de la question de la production spontanée d'un organisme actif, prise dans son acception la plus large.

Au point où les discussions soutenues, dans ces derniers temps, par M. Pouchet et par M. Pasteur

ont amené la question de l'hétérogénie, une expérience probante et décisive nous paraît impossible à réaliser. L'atmosphère, dit-on, contient une quantité innombrable de germes de toute sorte toujours en mouvement, toujours prêts à se déposer sur les corps, et se développant nécessairement partout où ils rencontrent un support approprié et des conditions convenables de chaleur, d'humidité et de lumière. Bien que l'existence de ces germes voyageant dans l'atmosphère n'ait pas encore été directement démontrée, il est bien difficile de la contester sérieusement quand on se rappelle les faits bien observés de fécondation naturelle des plantes à très-grande distance, et une foule d'autres phénomènes qui attestent les migrations incessantes de corpuscules très-légers, sous l'influence des grands mouvements de l'air.

Pour se mettre à l'abri des objections que les panspermistes ne manqueraient pas de soulever, comme pour dissiper ses propres scrupules, l'expérimentateur doit donc commencer par détruire tous les germes qui peuvent adhérer aux parois des vases, des tubes et des bouchons de ses appareils; il doit aussi veiller avec grand soin à ce que l'oxygène, dont l'intervention est nécessaire, ne puisse apporter aucun germe perturbateur. Voilà sans doute bien des difficultés, mais elles ne sont pas insurmontables; les acides et le feu sont des moyens de destruc

tion sur lequels on peut compter; il est possible de rendre les fermetures assez exactes pour que tout accès d'air inutile soit empêché. Mais le corps

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albumineux lui-même peut être imprégné de ces germes dont la destruction, pour être certaine, exige, dit-on, qu'on les expose à une température de 130° centigrades.

Voilà donc l'expérimentateur condamné à élever à 130° la température des liquides albumineux après les avoir introduits dans les ballons de verre de ses appareils 1. Quand on se rappelle qu'à 130°, la force élastique de la vapeur d'eau est de 2 atmosphères 3/4 (2030,28 millimètres de mercure), on se demande si jamais réellement un liquide albumineux a été porté à cette température dans les ballons de verre fermés avec des bouchons de liége, que les hétérogénistes ont employés dans leurs recherches. Mais admettons que le liquide albumineux ait pu être chauffé jusqu'à cette température de 130°, cessaire à la destruction complète des germes. Les belles observations de M. Chevreul nous ont appris que, préalablement desséchée à froid, l'albumine peut supporter de très-hautes températures sans s'altérer et sans perdre ses propriétés fondamentales

Il y a, en effet, absolue nécessité de chauffer le liquide dans l'appareil à expérience lui-même; sans cela il faudrait le transvaser après l'avoir chauffé et comment éviter l'introduction de germes pendant le transvasement?

qu'elle reprend du moment où on la redissout dans de l'eau. Mais nous savons aussi qu'il n'en est pas de même de l'albumine chauffée dans l'eau. La matière albumineuse cuite dans l'eau, et cuite à 130°, n'est donc plus de l'albumine, n'est plus cette substance organisable dont on se proposait d'étudier l'organisation spontanée sous la quadruple influence de l'oxygène, de la chaleur, de l'humidité et de la lumière. Pour procéder avec rigueur, les hétérogénistes sont condamnés à attendre que la chimie ait réalisé la synthèse des substances azotées neutres; alors, mais alors seulement, ils pourront échapper à la condition fatale de chauffer à 130° la matière albumineuse, et mettre en présence dans un ballon de verre de la matière organisable, de l'eau et de l'air chimiquement préparés et par cela même ne contenant à coup sûr aucune espèce de germe. Jusque-là, la doctrine de la panspermie, dont il serait difficile de ne pas admettre la réalité, du moins dans une certaine mesure, rend illusoire toute expérience d'hétérogénie.

Si la question du développement spontané d'un proto-organisme actif n'appartient pas encore au domaine de la science expérimentale, nous pouvons la traiter d'un autre point de vue. La cellule organique est constituée par des substances chimiquement définies, groupées en éléments histologiques. Nous n'hésitons pas à considérer la matière or

ganisable comme pouvant être directement produite par les forces physiques et chimiques s'exerçant dans des conditions déterminées et encore inconnues, sur des éléments minéraux. Une fois la matière organique produite, nous ne comprenons pas pourquoi, sous l'influence de certaines conditions de milieu ambiant, ne pourrait pas s'effectuer un groupement des substances organiques en éléments histologiques et de ces éléments entre eux, d'où résulterait l'apparition spontanée d'un agrégat organique de forme et de texture déterminées. - Philosophiquement parlant, nous ne trouvons aucune raison plausible de ne pas admettre, comme possible, la formation d'un agrégat organique, d'une cellule, sous l'influence exclusive des forces mécaniques, physiques et chimiques du monde extérieur.

Une cellule ainsi formée peut-elle entrer en échange avec le milieu ambiant, peut-elle être active; en d'autres termes, cette cellule peut-elle vivre? La réponse à cette question dépend de la doctrine physiologique adoptée. - Pour les physiologistes qui, comme nous, ne voient dans l'activité d'un élément histologique qu'une manifestation spéciale des actions physico-chimiques accomplies en lui et autour de lui, et dans l'activité, la vie, d'un proto-organisme que la résultante de toutes les activités propres de ses éléments histologiques constituants, la réponse ne saurait être douteuse: oui cette

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