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cellule, cet agrégat, ce proto-organisme formé sous l'influence des agents cosmiques sur la matière minérale préalablement transformée en substance organisable, doit entrer en activité, contracter avec le monde extérieur des rapports d'actions et de réactions réciproques, en un mot, vivre et se développer, s'il est placé dans des conditions appropriées de milieu, de chaleur, de lumière et d'humidité. Une telle solution du problème ne saurait convenir à l'école physiologique qui considère la vie comme une force indépendante, totalement distincte des agents cosmiques par sa forme et par sa nature. Aux yeux des physiologistes de cette école, l'activité du proto-organisme le plus simple ne dérive pas uniquement de l'organisation elle-même et des conditions du milieu ambiant; pour entrer en échange avec le monde extérieur, l'agrégat organique doit être animé par une force indépendante surajoutée.

Pour nous, la vie est un résultat, et nous avons dit Expérimentalement, la production spontanée d'un proto-organisme actif n'est pas démontrée, mais philosophiquement une telle production ne nous paraît pas irrationnelle. - Conséquents avec leurs doctrines, les physiologistes qui voient dans la vie, une cause, une force primordiale, doivent affirmer qu'en aucune circonstance, les actions réciproques de la matière et des agents cosmiques ne peuvent aboutir à la production d'un proto-organisme

actif. Fatalement et comme malgré nous, nous nous retrouvons donc en présence de cette question de physiologie générale : Les phénomènes de nutrition et de développement autorisent-ils à admettre, dans l'être vivant (végétal ou animal), l'existence d'un principe indépendant, d'une force primordiale, surajouté à l'agrégat organisé qui ne lui sert que de simple support?

Dans le règne végétal, comme dans le règne animal, chaque élément histologique jouit d'une activité propre qui commande la nature des réactions réciproques de cet élément et du milieu ambiant.

On comprend facilement comment, en présence du développement d'un simple germe ou d'un être complet s'opérant toujours dans une direction déterminée, l'homme put d'abo admettre que ce travail s'effectue sous l'influence d'une force unique dont l'agrégat organisé est le simple support. Dès lors il dut considérer les activités propres des éléments histologiques comme des attributs de cette force se manifestant sur des supports spéciaux. Tout lui parut ainsi simplifié; du moment, en effet, où ils étaient régis, commandés par une seule et même force, les travaux individuels de tous les éléments histologiques, quelle que fût leur différence de composition et de texture, devaient nécessairement s'accomplir dans

une même direction, converger harmoniquement vers un même but. Ce n'était là évidemment qu'une conception abstraite, mais, selon l'expression si juste de Barthez, « l'esprit humain est porté «< généralement à voir, comme ayant hors de lui une « existence réelle, le résultat des notions abstraites << qu'il produit. »

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De là découla naturellement l'idée d'une barrière insurmontable élevée entre le règne minéral et le règne organique. -On admit, on proclama que, dans le monde minéral, tout phénomène dérive fatalement de l'actionéciproque, du conflit de la matière et des agents cosmiques. Mais, par contre, on crut devoir et pouvoir bannir du monde organique toute idée de fatalité; on rapporta les phénomènes de nutrition et de développement de l'être organisé à l'action d'une force directrice, indépendante des agents cosmiques, d'une archée, d'un principe vital subsistant par lui-même, capable de détermination, doué d'affections propres, surajouté à l'agrégat organisé, en lutte incessante avec les influences extérieures, commandant en autocrate à tous les actes accomplis dans l'organisme et les coordonnant invariablement dans une direction et vers une fin déterminées.

En ce qui concerne le monde minéral, un pas immense a été fait dans la voie du progrès et de la simplification; nous voyons disparaître, dit le R. P. Sec

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chi1, «< cette légion de fluides et de forces abstraites qui, à tout propos, étaient introduits pour expliquer chaque fait particulier. » Il n'est plus permis d'avoir le moindre doute à ce sujet, les agents cosmiques ne sont que des propriétés, des activités propres de la matière. « Toutes les forces de la nature, dit Helmholtz dans son Optique physiologique, sont des actions exercées par un corps sur un autre. » Dans l'introduction placée en tête de sa belle étude de la conservation de la force, Helmholtz a écrit une page bien remarquable sur cette grande question de la force et de la matière2. « La science, dit-il, considère les objets du monde extérieur, sous deux points de vue distincts. D'abord elle considère leur existence, à l'exclusion de toute action quelconque sur d'autres objets ou sur nos organes; alors elle les désigne sous le nom de matière. L'existence de la matière est donc en elle-même sans activité; nous y reconnaissons la propriété de l'étendue, et la quantité ou masse, qui est éternellement invariable. Les différences qualitatives ne peuvent être attribuées à la matière en elle-même; car, dès qu'il s'agit de différentes matières, leurs différences résident dans leurs actions, c'est-à-dire dans leurs forces. La

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↑ L'Unité des forces physiques. Édition originale française, Paris, 1869, page 691.

2 Mémoire sur la conservation de la force. Traduction de M. Pérard. Paris, 1869, page 59.

matière en elle-même n'éprouve d'autre changement

que celui de la position dans l'espace, c'est-à-dire le mouvement. Mais rien dans la nature n'est sans activité. Nous n'avons la connaissance des objets que par leur influence sur nos organes. Les effets nous conduisent à la cause ou à l'agent.-Il s'ensuit que, pour appliquer la conception de la matière, il faut ajouter au premier point de vue, un second dont il a été fait abstraction jusqu'ici : c'est la faculté d'agir, ou la force. Il est certain que les idées de matière et de force sont réellement inséparables. La matière pure serait indifférente à tout le reste du monde, puisqu'elle ne modifierait aucun objet voisin et n'affecterait pas non plus nos organes; et si la force pure existait, elle ne serait que ce que nous avons déjà nommé matière.-- C'est donc un contre-sens de considérer la matière comme réelle, et la force comme une simple conception; la matière et la force sont plutôt deux attributs de la réalité, deux abstractions formées par le même procédé intellectuel. Nous ne connaissons et ne pouvons connaître que la MATIÈRE

ACTIVE. >>

Ces principes sont-ils d'un ordre assez élevé pour dominer la science tout entière; doit-on au contraire ne les admettre qu'à titre de variétés de second ordre, applicables seulement aux phénomènes du monde minéral? Désormais insoutenable dans le cercle des sciences mécaniques, physiques et chimi

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