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mique étant restée la même, la force rendue disponible dans l'appareil a, sous ces différentes formes, rigoureusement conservé la même intensité.

Ces faits ont à nos yeux une très-haute importance; ils nous autorisent à dire que, si les vitalistes ont condamné la biologie à l'immobilité, en élevant une barrière trop haute entre le monde or. ganisé et le monde inorganique, leurs adversaires feraient fausse route, en s'obstinant à considérer tous les phénomènes de la vie comme les effets directs des agents dont l'étude appartient à la physique, à la chimie ou à la mécanique. Les leçons du passé ne doivent pas être oubliées; les physiologistes qui ont marché dans cette dernière voie se sont épuisés en efforts impuissants. Nous venons de le voir même sans sortir du monde inorganique et bien que la réaction primitive reste rigoureusement la même, à chaque agencement particulier des pièces du support correspond la manifestation d'une modalité dynamique particulière. -L'étude de l'agrégat vivant nous transporte dans un milieu et en face de conditions, dont la spécialité est incontestable, évidente. Nous devons donc renoncer à l'idée préconçue de rapporter tous les phénomènes de la vie à l'action directe de l'affinité, de la chaleur ou de l'électricité; sans perdre un instant de vue le grand principe de la transformation par voie d'équivalence, qui sert de lien à toutes les modalités dynamiques,

:

quel que soit le théâtre de leur manifestation, nous devons nous attendre à voir le principe dynamique revêtir, dans le monde organique, des formes distinctes de celles qu'il affecte dans le monde inorganique.

CHAPITRE 11

DE LA FORCE DANS LE MONDE ORGANISÉ

Fixée au sol, la plante se développe et meurt dans le lieu même où la graine a commencé à germer; sous forme d'ammoniaque, d'acide carbonique et d'eau, elle reçoit sa nourriture toute préparée, de la terre par ses racines, de l'atmosphère par ses feuilles. En réalité, le végétal n'effectue donc aucun travail extérieur, et pourtant il consomme une quantité considérable de force vive toute la portion de la chaleur empruntée à la radiation solaire qui vient s'éteindre sur sa surface foliacée et sur ses parties vertes. Reportons-nous à l'époque où nos landes de Gascogne formaient une vaste surface sablonneuse, nue, dépouillée de toute végétation; sous l'action des rayons solaires, le sable s'échauffait et rendait à l'atmosphère, par rayonnement, toute la chaleur qu'il avait reçue du soleil. Il n'en est plus de même aujourd'hui; les belles forêts de pins qui les recouvrent ne restituent par rayonnement qu'une portion de la chaleur que leur apportent les rayons solaires. Cette force, détruite en ap

parence, cette chaleur, consommée par la forêt, n'est pas perdue; la plante l'utilise pour accomplir le travail intérieur que lui impose sa place dans la série des êtres organisés.

Nous avons vu, en effet, que la fonction de la plante est de fabriquer la matière organique de toutes pièces avec des matériaux de nature minérale. Avec de l'eau et de l'acide carbonique, qui n'ont aucune affinité pour l'oxygène, dont l'énergie, par rapport à l'oxygène, est nulle, le végétal fait des gommes, de l'amidon, des huiles, des sucres, des résines, du ligneux, etc., toutes substances combustibles, douées d'une énergie potentielle considérable, qu'elles développent en se combinant à l'oxygène qui les brûle et les ramène à leur état minéral primitif. Pour transformer ainsi la matière minérale en produits organiques, la plante effectue un travail intérieur qui est l'équivalent de la chaleur empruntée au soleil, et aussi de l'énergie potentielle de toutes les substances organiques dont se composent ses tissus et ses sucs propres. Le bois que nous brûlons dans nos foyers ne nous rend en réalité que la chaleur empruntée au soleil par la forêt; en brûlant les houilles dans ses fourneaux, l'industrie entre en possession de la portion de chaleur solaire fixée, emmagasinée sous forme d'énergie potentielle, par les immenses forêts dont la terre était recouverte aux époques antédiluviennes. De ce point

de vue, la forêt nous apparaît comme un vaste organisme qui sans cesse emprunte de la force au soleil, la fixe, l'emmagasine, la tient à la disposition de l'homme. Déboiser une montagne, transformer ses flancs en surfaces nues, arides, sans végétation, c'est donc appauvrir l'humanité et perdre une quantité considérable de force. Au contraire, comme cela a été si heureusement pratiqué dans les landes de Gascogne et comme cela se fait tous les jours dans les sables de la Sologne, couvrir d'arbres une étendue du sol jusque-là improductive, c'est augmenter la richesse sociale et créer une source précieuse de force pour l'avenir.- Un célèbre voyageur, de Humboldt, caractérisait merveilleusement l'influence des grands déboisements, lorsque, après avoir visité la fertile vallée d'Aragua, province de Venezuela, il écrivait : « En abattant les arbres qui couvrent la cime et les flancs des montagnes, les hommes, sous tous les climats, préparent aux générations futures deux calamités à la fois un manque de combustible et une disette d'eau. »

Soumis à des conditions d'existence bien différentes de celles de la plante, l'animal est condamné à un travail extérieur incessant. Le castor travaille pour bâtir sa hutte sur les bords des lacs ou des eaux courantes qu'il sait retenir par une digue; l'abeille, pour construire sa ruche avec le pollen des fleurs et les matières résineuses enlevées aux

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