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livré sur l'autre rive; mais ils n'avaient pu tenir au second. Arrivés au boulevard de Belle-Croix, après être sortis tumultueusement de la ville par la porte du sud, ils y avaient trouvé à leurs desseins un obstacle jugé d'abord insurmontable (on doit se rappeler que plusieurs arches du pont avaient été rompues en cet endroit); mais que ne peuvent des Français pour s'ouvrir un chemin jusqu'à l'ennemi qu'ils brûlent de vaincre ! Les Orléanais et leurs défenseurs s'en furent bientôt fait un du boulevard de BelleCroix à celui qui couvrait sur ce point le fort des Tournelles, avec des solives et des planches amenées de la ville à force de bras. Les solives se trouvant trop courtes, à peine avaient-ils laissé à un ouvrier intrépide le temps d'en ajuster et d'en assurer deux ensemble. Ils s'étaient ensuite précipités dessus en foule, ayant à leur tête le seigneur de Giresme, commandeur de l'ordre des chevaliers de S.-Jean de Jérusalem, guerrier déjà renommé pour ses faits d'armes dans la Palestine. En quelques minutes le boulevard anglais avait été con

quis par eux; et au même moment le fort des Tournelles se trouva, des deux côtés du pont, réduit à ses seules forces.

Dans cet état, ce poste ne pouvait résister long-temps; on l'eut bientôt emporté. La plus grande partie de ceux qui le défendaient furent passés au fil de l'épée. Jeanné d'Arc parvint cependant encore à en sauver un petit nombre. On rapporte que de cinq cents chevaliers et écuyers, réputés les plus preux et hardis du royaume d'Angleterre, qui étaient là sous les ordres de Glacidas, il n'en échappa, comme prisonniers, que deux cents, et la perte des Anglais dans toute la journée a été évaluée, par leurs historiens mêmes, à sept ou huit mille hommes, tant tués que pris.

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Jeanne rentra dans la ville par le pont, comme elle l'avait annoncé le matin. Ce pont, quand elle le passa ainsi, était cou-! vert d'une multitude ivre de joie et de re-› connaissance qui jonchait son chemin de fleurs cueillies à la hâte dans tous les endroits où l'on avait pu en trouver; chacun la comblait de bénédictions: les hommes

la remerciaient de les avoir replacés dans le chemin de la victoire; les vieillards lui faisaient hautement hommage de l'asile qu'elle leur avait conservé; les jeunes filles chantaient des cantiques en dansant audevant de celle qui venait de leur sauver l'honneur; et les mères de famille, à genoux, élevaient leurs enfans vers la libératrice de leur patrie, comme pour les lui dé vouer solemnellement. Jeanne était partagée entre le soin d'empêcher ces transports de reconnaissance de dégénérer en une véritable idolâtrie, et celui de sauver une seconde fois les malheureux qu'elle avait dérobés à la fureur des vainqueurs : d'une main elle montrait le ciel aux Orléanais, pour leur rappeler que c'était là qu'ils devaient adresser leurs actions de graces; de l'autre elle leur donnait à entendre que les vaincus étaient sous sa protection, et qu'il fallait respecter leur malheur. Ceux-ci se pressant autour de son cheval, la contemplaient avec attendrissement et fierté: leurs regards semblaient dire qu'elle avait ennobli leur défaite, et qu'ils ne craignaient

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rien, tant qu'elle ne les abandonnerait pas. Bientôt le bruit des cloches, sonnant par son ordre, tandis qu'on chantait un Te Deum dans toutes les églises de la ville, eut fait connaître aux assiégeans de la rive droite de la Loire qu'il n'y avait plus de siége sur la rive gauche; car, de ce côté là, personnes des leurs n'avait pu venir leur en donner la nouvelle officielle. Le triste gage qu'ils en eurent un peu plus tard fut la vue du corps inanimé de Glacidas que des soldats français leur apportèrent de la part de Jeanne d'Arc, afin qu'ils pussent lui rendre les honneurs funéraires.

Leurs généraux, qui avaient craint ou jugé inutile d'essayer pendant cette journée terrible de faire passer la rivière à des renforts, employèrent la nuit à faire tous les préparatifs d'un décampement. L'inves tissement de la ville n'étant plus complet, la prolongation du siége d'un seul côté devenait en effet dangereuse. Le lendemain, dès la pointe du jour, les bastilles de la rive droite de la Loire furent évacuées, les tentes pliées, et les troupes formées en

deux corps d'armée qui devaient se retirer sur deux points différens, commandés, l'un par Talbot et Scalles, l'autre par comte de Suffolck.

le

On crut d'abord dans Orléans qu'il s'agissait d'une nouvelle attaque, et Jeanne d'Arc fit sortir les troupes françaises de la ville, et les rangea elle-même, offrant ainsi la bataille en plaine aux restes de l'armée anglaise, qui eux-mêmes formaient encore une armée considérable. Ce jour était le dimanche, 8 mai 1429. Quand elle vit que les généraux ennemis ne voulaient que lever le siége, elle ordonna que, pour l'amour et honneur du dimanche, on les laissât aller tranquillement : « car, dit-elle, c'est le plaisir et la volonté de Dieu; s'ils veulent, partir, qu'on leur permette de s'en aller; mais s'ils vous assaillent, ajoutat-elle, défendés-vous fort et hardiment. >> Les Anglais se retirèrent, ceux qui étaient sous les ordres de Talbot, vers Meun et Beaugenci, et les autres, qui avaient le comte de Suffolck à leur tête, vers la ville de Jargeau, tandis que, par ordre de l'hé

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