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ses mœurs et de la douceur de son caractère: ce fut de là que partit le coup inattendu qui devait écraser l'orgueil des ennemis、 de la France.

La paysane de Dom-Remy se nommait Jeanne, et était fille de Jacques d'Arc, cultivateur, vivant honnêtement d'un peu de labourage et du produit de quelque bétail; pieux, simple, hospitalier, et d'une probité sévère.

Jeanne portait la piété encore plus loin que l'auteur de ses jours. A l'âge de treize ans, elle invoquait Dieu sans cesse et partout, craignant de ne le point honorer assez dignement, et lui demandant de lui faire connaître par des inspirations comment il -voulait qu'elle le servît. Un jour d'été, vers l'heure de midi, comme elle s'abandonnaît ainsi à une espèce de méditation dans le jardin de son père, il lui sembla tout à coup voir éclater à sa droite, et du côté de l'église du hameau, une grande clarté, et entendre en même temps retentir une voix inconnue qui la rassurait sur l'état de son âme, en l'invitant à persévérer dans sa piété et dans

sa bonne conduite (1). Les historiens de sa vie font remonter cette première révélation de Jeanne d'Arc au 8 mai 1423 ou 1424.

La jeune paysane aimait sa patrie; elle ne l'oubliait pas dans ses prières, et demandait encore avec ferveur à Dieu, qu'il tirât la France de l'état d'humiliation et d'opprobre toujours croissant où la tenaient ses divisions intestines, et les séductions et le fer de l'étranger: bientôt ses visions se portèrent sur ce point. Un jour elle crut se trouver en présence de l'archange S. Michel, qui lui dit que Dieu avait pitié de la France ; qu'il fallait qu'elle, Jeanne, allát au secours du Roi ; qu'elle ferait lever le siége d'Orléans, et qu'elle rétablirait Charles VII, malgré ses ennemis, dans le royaume de ses pères. Jeanne avait trop de modestie pour croire facilement à une telle révélation, que les événe

:

(1) Jeanne d'Arc elle-même est l'historienne que nous suivons dans ce passage de notre livre, ainsi dans tous ceux où il est question de choses semblables. Voyez, à la Bibliothèque royale, ses interrogatoires.

que

mens humains eux-mêmes ne pouvaient que peu accréditer dans son esprit, puisqu'Orléans, qu'elle regardait principalement, ne fut assiégé que quatre ou cinq ans plus tard. Sortie de cette espèce de moment d'extase, elle s'excusa devant Dieu, comme d'une faute, d'avoir eu l'orgueil de s'y abandonner. Cependant la révélation se renouvela plusieurs fois. Jeanne crut entendre l'Archange lui annoncer sainte Catherine et sainte Marguerite, auxquelles elle avait beaucoup de confiance, comme les êtres supérieurs choisis pour la guider et l'assister de leurs conseils; et effectivement elle ne tarda pas à se persuader qu'elle voyait et qu'elle entendait ces deux Saintes, qui tantôt lui parlaient en se montrant à elle, et tantôt, en restant invisibles, se faisaient seulement entendre.

Plus elle avançait en âge, plus ces injonctions des envoyés célestes lui semblaient devenir pressantes. Les voix (ainsi les désignait-elle) lui disaient deux ou trois fois par semaine, qu'elle partit, et vint en France, c'est-à-dire, suivant le langage

du temps, dans la portion du royaume qui formait le domaine immédiat de la cou

ronne; la Picardie, l'Isle de France, l'Orléanais, le Berri et la Touraine.

Jeanne n'osait s'ouvrir à

personne de ces révélations qui que ce soit n'y eût pris confiance, et elle n'y voyait que le danger de se faire passer inutilement pour folle. Peut-être, après quelque espace de temps, se sentait-elle portée à s'accuser ellemême d'exaltation et de délire; mais le même phénomène se répétait bientôt pour la replonger dans le même état d'agitation et d'inquiétude. Plusieurs années s'écoulèrent ainsi; elle en vint peu à peu à laisser échapper, parintervalles, quelques mots qui appartenaient à ce secret, pour lequel elle eût voulu trouver ses parens et leurs compatriotes d'une piété aussi absolue, aussi confiante que la sienne. « Mon compère, dit-elle un jour à un laboureur de son voisinage, si vous n'étiez pas Bourguignon, je vous dirais quelque chose.» (Le duc de Bourgogne, c'est-à-dire le fils du prince tué sur le pont de Montereau, était, comme on a pu en juger par le commencement

de ce livre, uni aux Anglais contre le Roi de France, et l'on appelait généralement Bourguignons, les ennemis de ce dernier.) Un autre laboureur, nommé Michel Lebuin, l'entendit s'écrier, dans une autre occasion, « qu'il y avait, entre Compey et Vaucouleurs, une fille qui, avant un an, ferait sacrer le roi de France; » prédiction qui s'accomplit effectivement dans l'année. Devant un troisième, elle répéta différentes fois ces paroles bien plus positives qu'elle délivrerait la France et le sang royal.

Cependant toutes ces choses étaient parvenues aux oreilles de ses parens, qui, les attribuant à sa haîne pour les ennemis de sa patrie, veillaient avec soin sur

elle, «< de peur, disaient-ils, comme ils l'avaient songé, que leur fille ne s'en allât avec les gens d'armes. >>

Des troupes bourguignones vinrent dans le pays, forcèrent les habitans à en fuir, et le pillèrent. Quand Jeanne y rentra avec sa famille, après le départ de ces brigands, le spectacle du ravage qu'ils y

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