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« Et combien qu'elle ne doit point estre prinse de guerre, comme il semble, considéré ce que dit est, néanmoins, pour la rémunéracion de ceulx qui l'ont prinse et détenue, le roi veult libéralement leur bailler jusqu'à la somme de six mille fr. ; et pour le dict bastard qui l'a prinse, luy donner et assigner rente, pour soubstenir son état, jusques à deux ou trois cents livres..... etc., etc. »

Il paraît néanmoins que le roi d'Angleterre fut obligé de donner pour cet infàme marché, jusqu'à dix mille francs (environ soixante-six mille livres de notre monnaie). A ce prix, Jean de Luxembourg convint de lui livrer son intéressante prisonnière, malgré les sollicitations de son épouse, la dame de Beaurevoir, qui, dit Villaret, embrassa plusieurs fois ses genoux, en le conjurant, par les motifs les plus pressans de l'honneur et de l'humanité, de ne pas livrer à une mort certaine une captive intéressante par son courage et son innocence, que d'ailleurs les lois de la commandaient de respecter. >>

guerre

Jeanne, au château de Beaurevoir, s'occupait beaucoup plus du salut de sa patrie que de son propre sort, et c'était avant la sienne, la délivrance des habitans de Compiègne qu'elle demandait à Dieu. Elle eût bien voulu, par une tentative plus heureuse que celle qu'elle avait faite au château de Beaulieu, se mettre en puissance d'aller, de nouveau, combattre à leur tête. Ce qui se préparait ne pouvait l'y conduire. Aussitôt donc qu'elle sut qu'elle était vendue aux Anglais, elle essaya encore de s'évader. Quelque moyen qu'elle eût pris, elle tomba, cette fois, du sommet du donjon où on la gardait prisonnière, et se blessa. On la trouva évanouie au pied de la tour.

Quand elle fut tout-à-fait rétablie, on la conduisit à Arras, où des personnes respectables, qui prévoyaient ce qui allait lui ar-› river lorsqu'elle aurait été remise aux Anglais, voulurent encore vainement lui faire reprendre les habits de son sexe. D'Arras on la mena au château du Crotoy, forteresse située en Picardie, à l'embouchure de la Somme, et de ce chateau à Rouen. Là, pri

sonnière des Anglais, elle fut renfermée dans la grosse tour du château, la seule qui existe encore aujourd'hui. On l'y traita avec la dernière rigueur. Quelques auteurs prétendent même qu'elle y fut, pendant un certain espace de temps, renfermée dans une cage de fer. Ce dont on ne peut douter, c'est qu'elle avait les pieds retenus par des ceps de fer, qui tenaient eux-mêmes par une forte chaîne et au moyen d'une serrure fermant à clef, à une grosse pièce de bois. La garde de sa personne était, de plus, confiée à cinq soldats anglais, qui, pris dans les derniers rangs de l'armée anglaise, se faisaient un mérite d'insulter et de tourmenter de mille façons leur prisonnière. Ils poussaient la cruauté jusqu'à l'éveiller de temps en temps, pendant la nuit, pour lui dire faussement que l'heure de sa mort était venue, et qu'on allait la faire périr du dernier supplice.

Il paraît enfin que ces hommes abominables, indignes de coiffer le casque sous aucune bannière européenne,, essayèrent, plus d'une fois de porter atteinte à son honneur, nouveau genre de tourment inventé

pour elle. « L'évêque de Beauvais etle comte de Warwick lui demandant une fois pourquoi elle ne revêtait pas des habits de femme, et lui faisant observer qu'il n'était pas décent à une femme d'avoir une robe d'homme, et des chausses attachées avec beaucoup d'aiguillettes fortement nouées, elle leur répondit qu'elle n'osait quitter lesdites chausses, ni les tenir moins fortement attachées, car ils savaient bien (ledit comte et ledit évêque en convenaient) que ses gardes, avaient plusieurs fois tenté de la violer; et qu'une fois qu'elle appelait à son aide, ledit comte, entendant ses cris, vint au secours, si bien que, s'il ne fût survenu, lesdits gar

des l'eussent violée. »>

Le 3 janvier 1431, parurent les lettrespatentes par lesquelles le roi d'Angleterre, prétendu roi de France, ordonnait qu'elle serait mise en jugement. « Une femme, disait-il dans ses lettres, qui se fait appeler. la Pucelle, laissant l'habit et vestière du sexe féminin, contre la loi divine, comme chose abhominable à Dieu, réprouvée et deffendue de toute loi, vestue et habillée

et armée en habit et estat d'homme, a fait et exercé cruel faict d'hommicide, et, comme l'on dict, a donné à entendre au simple peuple, pour le séduire et abuser, qu'elle estait envoyée de par Dieu, et avait cognoissance de ses divins secrets, ensemble plusieurs autres dogmatisations très-périlleuses à nostre saincte foy catholique, moult préjudiciables et scandaleuses; en poursuivant par elle lesquelles abusions, et exerçant hostilité à l'encontre de nous et de nostre peuple, a été prinse armée devant Compiègne par aulcuns de nos loyaulz subjectz, et deppuis ammenée prisonnière par devers nous.Et pour ce que de susperstitions, faulses dogmatisations, et austres crimes de lèze-majesté divine, elle a esté, de plusieurs, réputée suspecte, nottée et diffamée, avons esté requis très-instamment par révérend père en Dieu notre amé et féal conseiller l'évesque de Beauvais, juge ecclésiastique et ordinaire de la dite Jehanne, de ce qu'elle a été prinse et apprehendée es termes et limites de son dioceze, et pareillement exhorté de par nostre très-chière et très

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